Culture

22 juin
22/juin/2020

Vie de campus

Chroniques culturelles : « Lézarts plastiques » à l'INSA

Travailler la matière, mettre en esthétique les couleurs, les volumes ou les espaces : la section arts-plastiques-études de l’INSA Lyon aborde différentes techniques artistiques pour laisser courir l’imagination. Du dessin à la peinture en passant par la sculpture, la photographie, l’architecture ou le design, l’élève-ingénieur développe une nouvelle forme de langage. Autant de techniques que de sensibilités différentes présentées lors de l’exposition annuelle qui vient clôturer l’année universitaire, avec toutes les productions artistiques des étudiants. Cette année, l’exposition inaugurée le 22 juin dernier, est 100% virtuelle. Avant de passer la main à Diane Robin, enseignante en sciences humaines et sociales à l’INSA, Emmanuel Cartillier, enseignant de conception, nous fait découvrir la section dont il est responsable depuis six ans. Une pépite insalienne.


Tout d’abord, pouvez-vous nous présenter la section arts-plastiques-études ? 
Créée il y a 33 ans, la section arts-plastiques-études propose à des élèves ingénieurs de l’INSA d’élargir leurs champs de compétences et leurs savoir-être. Née 2 ans après la section musique-études, la section a commencé par construire un socle artistique solide par la découverte pratique de la photographie argentique, la peinture et la sculpture. Au fur et à mesure des années, le contenu des disciplines a évolué et des nouvelles pratiques ont été proposées : l’architecture, le design, la vidéo, la scénographie, la sculpture métallique, puis la fonderie et enfin la gravure. En parallèle, un enseignement en histoire de l’art permet de découvrir toutes les époques, d’éclairer et de donner les codes de compréhension de l’époque contemporaine. L’ensemble de ces pratiques est dispensé dans un local situé sous la résidence B. Il a récemment été baptisé « l’Atelier » par les étudiants qui y ont un accès libre pour pratiquer aussi en autonomie à tout moment en dehors des cours. Des workshops sont régulièrement proposés par des artistes professionnels pour étoffer une formation qui ne cesse de se réinventer pour répondre au mieux aux enjeux sociétaux. 

Vous clôturez chaque fin d’année universitaire par une exposition, pouvez-vous nous en dire plus ? 
Pour assurer une plus grande visibilité, la section arts-plastiques-études a adapté sa façon de montrer les travaux des étudiants. Ainsi depuis cinq ans, nous proposons une exposition annuelle dans l’Atelier. Elle est présentée à l’Atelier, le lieu de vie de nos pratiques artistiques mais elle évolue dans différents lieux à INSA afin de présenter plus largement les travaux et d’inventer toutes sortes de scénographies originales. Certaines œuvres choisies sont également exposées de manière permanente dans des lieux à l’INSA. Une artothèque composée des travaux des étudiants est en cours de constitution. Elle permettra de proposer à différents services de l’INSA le prêt d’œuvres en tout genre.
Chaque année, des projets ambitieux sont réalisés. Ils permettent notamment de créer une dynamique de groupe qui manque parfois dans la pratique des arts-plastiques. On peut notamment noter la conception et fabrication du rhinocéros, projet complet qui laissera pour longtemps sa marque forte sur la « pelouse de FIMI1 » à l’est du campus.
Toute cette belle énergie créatrice ne serait possible sans la présence d’une équipe enseignante constituée de professionnels et d’un groupe d’étudiants motivés et plein d’initiatives. L’association les Lézarts, très présente aux côtés de la section, permet également de diffuser la pratique des arts plastiques sur tout le campus et permet ainsi un rayonnement plus large.


© A.Dufeil Graines d'images
Emmanuel Cartillier entouré d’enseignants et d’élèves lors de l’inauguration du nouveau rhinocéros en 2017
 

La situation sanitaire actuelle ayant largement bouleversé le quotidien des élèves, comment s’est déroulé cette fin d’année pour les étudiants-artistes ?
Le Covid-19 a effectivement ébranlé les usages et contraint les étudiants-artistes à réinventer leurs pratiques et repenser les espaces de diffusion de leurs œuvres. Pour autant, la période compliquée que nous avons vécu ces derniers mois n’aura pas entamé la créativité de tous. Au contraire, des pages instagram et autres padlets créées pendant le confinement ont montré la palette étendue que maitrisent ceux qu’on appelle communément les « arpets ».
L’exposition virtuelle, lancée le 22 juin dernier, permet de présenter les œuvres des étudiants-artistes réalisées au cours de l’année. Elle ouvre de nombreuses possibilités pour le futur, afin de pérenniser et d’accroître la diffusion des productions artistiques. De plus, le numérique ne devrait pas seulement être un vecteur de communication, mais pourrait être utilisé comme moyen d’expression artistique à part entière dans des ateliers et des projets en collaboration avec les départements de formation de l’INSA.
Cette dynamique créative se nourrit en effet des échanges avec les départements scientifiques et les autres sections artistiques. Tous les deux ans, les étudiants sont invités à créer avec les machines-outils de l’atelier de fabrication FIMITECH et à faire dialoguer leurs réalisations avec les performances de danseurs et de musiciens, dans le cadre du projet MAMO (Multi-Arts sur Machines-Outils). De nouvelles collaborations sont prévues l’année prochaine avec les sections danse-études et théâtre-études, autour d’une exposition de portraits photographiques de danseurs et de comédiens. De plus, les étudiants d’arts-plastiques-études pourront participer à un projet de cinéma d’animation avec les étudiants de cinéma-études. D'intéressants partenariats en perspective dont nous avons hâte de découvrir les productions réelles ou virtuelles.

 

Témoignages

Camille Bouchinet, élève-ingénieur, future présidente de l’association Lézarts
« J’ai intégré la section arts-plastiques-études en 2e année de premier cycle. Selon moi, intégrer la section arts-plastiques-études c’est créer, découvrir et pratiquer les arts-plastiques, réaliser de nombreux projets, mais aussi partager un intérêt commun avec des élèves. Cela signifie aussi apprendre des compétences propres à l’ingénieur humaniste, et apprendre à se connaître soi-même. Les nombreux projets réalisés durant l’année avec la section, nous ont permis de développer une belle cohésion de groupe. Pouvoir allier études et passion artistique est une réelle chance que nous avons ici à l'INSA. Je pense très sincèrement que cette année a été très enrichissante pour moi et restera une de mes plus belles années étudiantes. »

Guillaume le Moine, professeur de sculpture
« J'enseigne la sculpture au sein de la section arts-plastiques-études depuis plus de sept ans. En tant qu'enseignant, j'essaie de transmettre des qualités techniques ainsi qu'un regard tourné vers les créations contemporaines. Je travaille à partir du bagage culturel que porte chaque étudiant pour l'aider à construire un travail singulier. La section arts-plastiques-études est utile au sein de l'INSA car tout en offrant un autre type d'espace et de temps de travail, elle aide à repenser la notion de créativité, notion essentielle aujourd'hui dans les métiers d'ingénierie. »

Julien Minard, professeur de photographie
« J'enseigne la photographie aux étudiants de 2e cycle de l'INSA dans le cadre d'ateliers hebdomadaires depuis plus de dix ans et c'est un vrai bonheur ! Cette discipline conjugue des aspects artistiques et techniques qui intéressent beaucoup les étudiants. La curiosité est forte pour les procédés anciens, les techniques alternatives, l'argentique, les expérimentations de toutes sortes en prise de vue ou en laboratoire... Ainsi mon activité de photographe se nourrit de ces échanges avec ces étudiants motivés, volontaires et enthousiastes. Je suis toujours étonné par la capacité des insaliens à faire vivre le groupe et à être responsables. Au milieu d'études longues et difficiles, je vois le travail dans la section arts-plastiques-études comme une respiration, ou plutôt comme un pas de côté : quelques heures chaque semaine qui permettent aux étudiants et à moi-même de concevoir des projets artistiques exigeants dans un très bon état d'esprit. »

 

 

 

Formation initiale aux métiers d’ingénieur


 

 

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09 juin
09/juin/2020

Vie de campus

Chroniques culturelles : dans les coulisses de la création

Artistes invitées par le service culturel dans le cadre d'une résidence de création cette saison, Élodie Lefèbvre et Silène Audibert ont accepté de se livrer au jeu de l’interview, de parler de leurs influences, leurs engagements et du processus de travail accompagnant la création d'œuvres.

Présentes auprès des étudiants, doctorants et personnels dès la rentrée de septembre, elles ont animé tout au long de l’année des ateliers (gravure, école d’été, workshop, collaboration insolite en art, sciences et ingénierie…). Associées à Marie-Pierre Escudié, enseignante-chercheuse au Centre des Humanités et à l’Institut Gaston Berger, elles ont présenté en octobre dernier l’acte 1 « La Llova », composé de créations sur le thème Femme/nature.
Deux autres temps d’expositions prévus au printemps 2020 n’ont pu aboutir dans leur forme originelle. Ainsi, l’acte 2 et l’acte 3 ont été réinventés, sous une forme différente :

Aujourd’hui, nous vous proposons un format plus personnel et plus intime pour entrer autrement dans les coulisses de la création.


Silène Audibert , Demeure, papier, crayons de couleur, format (100x70cm)​

 

Dialogue d’artistes
Rencontre autour d’un conte

Elodie Lefèbvre (E.L) : Silène, en mai 2019 je t’avais sollicité pour que nous travaillions ensemble. 
Les sujets que nous abordons dans nos créations sont souvent voisins : l’humain, le végétal, l’animalité, ainsi que certains matériaux que nous avons en commun : le bois ou le dessin. Malgré cette proximité, nos pièces sont très différentes. J’avais envie de comprendre comment tu travaillais, et j’étais curieuse de voir ce qui pourrait naître d’une rencontre à travers nos pratiques.

Silène Audibert (S.A) : En retour à ta sollicitation, je t’ai proposé de travailler à partir du conte La Loba, extrait du livre « Femmes qui courent avec les loups » de Clarissa Pinkola Estés
Une vieille femme ramasse des os dans le désert, elle rassemble plus particulièrement un squelette de loup. Une fois qu’il est complet, cette dernière choisit un chant et commence une incantation.
Le squelette se redresse, se cabre puis prend la fuite. Dans sa course sous un rayon de lune, il se transforme en femme.
Ce conte est une histoire de transmission, de magie, de métamorphose mais encore une histoire qui nous interroge sur les liens à la nature, à notre histoire, à ce qui nous relie au monde. L’auteure psychanalyste et conteuse, montre que les femmes portent en elles une force naturelle, des dons et un savoir immémoriel. Elle invite à retrouver la “Femme sauvage”. Aujourd’hui nombreux sont les cris de révolte sur l’injustice, le déséquilibre écologique, les violences médicales, les actes de domination patriarcale dans nos sociétés. En interrogeant les liens Femme/nature nous nous approchons de nombreuses questions psychologiques sociales, politiques, écologiques mais aussi mystiques.

E.L : Effectivement, ce conte a constitué la base commune de notre travail de résidence, où chacune de nous a trouvé un écho à ses propres questionnements. 


Élodie Lefèbvre


Arpenter le désert

S.A : Je voudrais savoir où tu te situes dans ce conte ? 

E.L : J’imaginais faire mon entrée dans le conte à partir du lien Humain / Nature, ayant réalisé plusieurs travaux autour de ce thème. Mais la teneur du conte et les lectures associées amenées par Marie-Pierre et toi, avec des auteures comme Mona Chollet et Sylvia Federici, m’ont fait changer de focale. Depuis le début de la résidence j’ai l’impression d’être cette vieille femme qui cherche « les os » sous les pierres. Je parcours le désert de la Loba, devenu pour moi le lieu métaphorique de « l’espace social » à la recherche des fondements de la figure de la Femme. Certaines formes y sont visibles et d’autres sont gardées sous terre. Poussée par un mouvement archaïque, je me suis saisie de l’argile pour faire émerger ce qui feraient état de sa présence, des formes que j’ai liées au volcanisme, avec des grès chamotés, c’est à dire avec des résistances, des rugosités. 

S.A : Pourtant le modelage n’est pas une pratique courante dans ton travail. 

E.L : Je modelais plus jeune. Une pratique que j’avais complètement quitté durant toutes ces années lui préférant la vidéo et l’installation. Cela fait retour maintenant, alors que ce conte nous amène à la Femme, à l’élan vital, mais également dans un espace stratifié, sédimenté. Et toi, si je te renvois la question ?

S.A : Je me vois un peu dans tous les corps. Je me vois traverser, vivre chacun de ces événements. Je me sens la jeune, la vieille, celle qui naît, celle qui est en transition. Je me vois surgir dans la femme, dans la bête en métamorphose, mais aussi dans la vieille qui fait ce geste mystique. Cette dernière a une action forte, elle inscrit le temps, la magie, le geste de rassembler, récolter, redonner vie à ce qui passe et a fait trace. Tout personnellement, j’ai vécu une métamorphose puissante dans mon corps au court de cette année, au moment où nous avons entamé la résidence et ce projet de recherche sur les liens Femme/nature. J’ai énormément été métamorphosé enceinte. Dans ce conte et dans le creux de mes sensations je peux me projeter dans tous les corps de ce temps. 

 

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25 juin
Du 25/06/2020
au 07/07/2020

Art & Culture

Exposition virtuelle de la section arts-plastiques études

Cette année l'exposition des travaux des élèves de la section arts-plastiques études sera virtuelle !

A partir du 7 juin et pendant un mois venez découvrir les travaux des étudiant.e.s de la section via la plateforme artstep : https://bit.ly/2ArFqoa

Vous pourrez aussi retrouver chaque jour trois travaux de ces étudiant.e.s mis en lumière sur la page instagram des Lézarts : https://bit.ly/2XVDxIi

28 mai
28/mai/2020

Vie de campus

Chroniques culturelles : des confinements ordinaires ?

À l’heure du déconfinement progressif, la question des conditions d’exercice du travail est plus que jamais au cœur de nos préoccupations. Cette réflexion est ici partagée avec Thomas Le Guennic, professeur agrégé de sciences économiques et sociales au Centre des Humanités de l'INSA Lyon et avec François-Régis Lacroix, ancien magistrat invité à l’INSA en janvier dernier.

Comme un miroir brandi à nous-même, le confinement aura été une période propice à l’introspection, au questionnement sur nos temps ordinaires. Comment ai-je envie de vivre ? Quel est le futur que je souhaite pour moi, pour la société, pour l’environnement, pour mes enfants ? Suis-je satisfait de mon travail ? Et c’est de travail dont nous allons parler aujourd’hui, à l’heure du déconfinement, au moment où de nombreuses personnes reprennent leur activité professionnelle.

Plus que jamais, l’épidémie de covid-19 a mis en lumière le rapport que nous entretenons individuellement et collectivement au travail. Nos modes de fonctionnement professionnels ont été chamboulés. Certains salariés vivent du chômage partiel. Des secteurs ploient sous le choc (culture, tourisme, restauration…). D’autres travailleurs ne sont pas restés chez eux. Ils ont redoublé d’efforts pour assurer les services essentiels à la population confinée (commerces, soins, transports, entretien, agriculture…). Et d’aucuns se sont aperçus que ces travailleurs étaient souvent peu qualifiés et que leur rémunération était inversement proportionnelle à leur utilité sociale. Ainsi, cette épidémie aura aussi souligné les inégalités professionnelles. Cette liste pourrait être allongée encore, tant le travail occupe une place centrale dans nos vies et nos sociétés.

De tous ces sujets, il en a été largement question à l’INSA, le 21 janvier dernier, lors de l’événement « C’est quoi ce travail ?! ». Cette journée était l’occasion de réfléchir à l’actualité du travail. Romancier, avocat, magistrat, poète : plusieurs grands témoins ont partagé leur expérience et leur expertise du sujet. L’un d’entre eux est François-Régis Lacroix, ancien magistrat, aujourd’hui actif dans le domaine de la défense des Droits de l’Homme. Interrogé sur la question du « travail confiné » il nous propose aujourd’hui un récit personnel, introspectif et poignant. Ce récit parlera à toutes et à tous : élèves, enseignants, chercheurs, personnel administratif, ingénieurs… Car ce texte est d’abord un témoignage sur un métier, sur son quotidien, sur un savoir-faire : celui de rendre la justice et, surtout, sur le goût de bien le faire. Il s’agit donc d’une réflexion éthique : qu’est-ce qui nous fait tenir debout ?

Mais ce récit aborde aussi ce qui peut nous faire tomber. En effet, François-Régis Lacroix évoque les conséquences désastreuses d’un type de management sans âme qui sévit actuellement dans les entreprises et les administrations. Un art de gouverner les hommes qui, au nom de la rentabilité, réduit l’autonomie des travailleurs, remet en cause leur savoir-faire et qui peut aussi les conduire à l’isolement. Un isolement physique, relationnel, mais aussi intime. Un isolement qui, comme un poison, vise le cœur : l’honneur, l’estime de soi.
Aussi, je lis ce témoignage comme une mise en garde. Le confinement n’est pas seulement ce moment inédit, requis par la crise sanitaire. Il y a d’autres confinements, plus ordinaires, plus sournois, qui ne font pas la une des journaux et qui ne s’abolissent pas par décrets. Ce sont ces situations d’isolement, au travail, en famille, ces moments où l’on perd pied et qui, sans que l’on y prenne garde, nous emmurent en nous-même. Mais si François-Régis Lacroix décrit cette mécanique de la claustration, il dessine aussi les voies de sortie, le chemin de la résilience : renouer le dialogue, rentrer en relation avec ses proches et se ressourcer dans les arts et la nature. Puisse le monde d’après s’en souvenir.

Substantiellement confiné, secondairement déconfit : expérience passée d'un juge en fin d'activité.
Texte inédit de François-Régis Lacroix, ancien magistrat, Président de la chambre sociale de la Cour d’appel de Chambéry entre 2011 et 2014, aujourd’hui actif dans le domaine de la défense des Droits de l’Homme.

Récit en deux feuilletons

Partie 1
J'ai eu 60 ans au début de l'été 2011 ; il me restait alors cinq années d'activité professionnelle avant de prendre ma retraite. Depuis mon premier poste, rejoint le 1er février 1978, j'avais beaucoup aimé, sans jamais aucun regret ni aucune réserve, exercer les fonctions de juge qui m'avaient été confiées au sein de juridictions de première instance dans cinq villes différentes successivement : j'ai eu la chance de pouvoir continûment suivre mon inclination naturelle qui me portait à rester simplement l'un des artisans de la justice quotidienne, celle vers laquelle se tournent pour faire arbitrer leurs différends les créanciers et leurs débiteurs, les locataires et propriétaires, les salariés et leurs employeurs, mais aussi les entrepreneurs et donneurs d'ouvrage, les consommateurs et professionnels vendeurs de biens ou prestataires de services, les voisins propriétaires d'immeubles ou de terrains limitrophes ou  copropriétaires dans un même immeuble, et encore les auteurs et victimes de dommages etc.

J'appréciais beaucoup, qui favorisait plus immédiatement une bonne approche de ce type de contentieux, le temps des audiences, par définition le temps d'une écoute en public des demandes et des contestations,  des récits et des arguments exposés par chacune des parties et/ou par leur avocat alternativement et contradictoirement, mais aussi, à l'initiative du juge, le moment des échanges et des questionnements, propices à un affinement de la compréhension de toutes les données du litige ; j'en éprouvais la satisfaction d'un travail en commun, dont chaque acteur prenait sa part en toute humanité, pourvu que la tonalité de mes interventions restât empreinte d'une totale impartialité. J'avais pris goût, au surplus, à la pratique de mesures d'instruction dont je me réservais la mise en œuvre dans les locaux du tribunal ou à l'extérieur : vérifications personnelles sur les lieux d'habitation ou de travail, sur le terrain ou dans un immeuble, avec le concours d'un technicien le cas échéant, ou encore enquêtes combinant l'audition des parties et de témoins, ce qui avait l'immense avantage d'élargir considérablement le champ de vision sur les multiples aspects de ces contentieux au bénéfices des lumières apportées par des recherches diversifiées.

Préparées ainsi, les décisions étaient susceptibles d'être mieux admises par toutes les parties, qui étaient assurées d'avoir bénéficié d'un examen en détail des données du litige et de la prise en considération de leurs arguments, mais qu'il fallait aussi s'appliquer à convaincre du bien-fondé d'une condamnation ou d'un rejet de leurs prétentions par une motivation inspirée tout aussi bien par la préoccupation primordiale de statuer conformément au Droit que par l'intérêt pratique manifesté pour des solutions équitables ; cet exercice, en lui-même périlleux, procure néanmoins une vive stimulation intellectuelle, tant le Droit a le grand avantage d'être flexible, comme l'a souligné très justement le très respecté Professeur Carbonnier.

 

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06 mai
06/mai/2020

Vie de campus

Chroniques culturelles INSA : Révolution sociale : Des animaux, des virus et des hommes

N’est-il pas légitime, aujourd’hui plus que jamais, de se questionner sur la nature des rapports entre un humain, un pangolin, une chauve-souris, un chien et un porc « élevé » en batterie ?

Alors que les scientifiques s’interrogent sur l’origine de l’épidémie de covid-19, l’humanité confinée exprime ses craintes quant à la transmissibilité du virus entre humains et animaux (Zoonose1), et apprécie en même temps, plus que jamais en ces temps de distanciation physique, la proximité réconfortante des animaux domestiques.

Ancienne éleveuse, sociologue engagée dans la défense de l’élevage paysan contre les violences engendrées par les « productions animales », Jocelyne Porcher connaît bien ces paradoxes. Aujourd’hui directrice de recherches à l’INRAE2, elle étudie les relations affectives entre humains et animaux, plus particulièrement dans le domaine de l’élevage.

Nous avons eu la chance de l’accueillir dans la programmation du service culturel de l’INSA Lyon le 14 novembre dernier, dans le cadre du festival (Re)faire société, Mode d’emploi organisé par la Villa Gillet et à l’occasion de la journée INSA Campus durable.

« Encore carnivores demain3 ? », c’est la question que nous lui avons posée lors d’une conférence-débat préparée avec des étudiants, dont certains de la section théâtre-études avaient joué Pig Boy 1986-23854 au printemps 2019.


Aujourd’hui, elle nous fait l’honneur de partager avec nous son analyse des liens entre pandémies et productions animales mondialisées, et nous propose un texte inédit écrit pour cette publication.
Alors que nous sommes séparés de notre « environnement », il est urgent de repenser notre rapport aux autres espèces vivantes, et de considérer la biodiversité non pas comme une menace, mais comme une nécessité.

Industrie porcine et covid 19. Rien à voir ?

Jocelyne Porcher

La crise sanitaire mondiale que nous traversons actuellement fait des milliers de morts, dont une grande part sans aucun doute aurait pu être évitée par des politiques de santé humaines plutôt que gestionnaires. Elle atteint notre humanité, mais elle touche également de manière insidieuse une part de notre intégrité : nos relations aux animaux. Alors que nombre de nos concitoyens se réjouissent de la présence de leurs compagnons animaux dans le contexte actuel de rupture des contacts entre humains, d’autres, avec plus d’opportunité que de décence, insistent sur le fait que la cause première de cette pandémie est à rechercher dans notre proximité avec les animaux5. L’élevage et la domestication même seraient à l’origine de la crise sanitaire, mais également, en amont, de la crise environnementale. Haro sur le baudet, sur le pangolin, sur la chauve-souris et plus récemment sur le chien. Car, si pour les uns, le criminel est l’animal sauvage, pour les autres, c’est l’animal domestique, et au-delà, l’animal humain, générique, celui dont Gaia aspirerait à se débarrasser enfin.

 

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1 Zoonose : maladie infectieuse transmissible des animaux à l'homme et inversement.
2 Depuis le 1er janvier 2020, l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) a fusionné avec l’IRSTEA (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture) pour former l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).
3 D’après le titre d’un ouvrage d’Olivier Néron de Surgy, auquel a participé Jocelyne Porcher : Encore carnivores demain ? Quand manger de la viande pose question au quotidien, Quae, 2017.
4 Pièce de Gwendoline Soublin, mise en scène de Philippe Mangenot, jouée à l’INSA Lyon du 29 avril au 2 mai 2019. La première partie de cette pièce singulière raconte l’histoire d’un jeune éleveur de porcs français confronté à la crise agricole des années 2010.
5 Au prétexte de la crise sanitaire actuelle, cette tribune vise à faire la promotion d’une agriculture sans élevage, c’est-à-dire d’une rupture de nos liens de domestication avec les animaux de ferme et plus largement avec tous les animaux domestiques.

 

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21 avr
21/avr/2020

Vie de campus

Chroniques Culturelles INSA : let’s Dance

Let’s Dance est aujourd’hui comme un irrésistible appel du corps à se mettre en mouvement, à sortir de son propre confinement.

Let’s Dance est aussi le titre d’une chanson tirée de l’album éponyme (le 15e) de David Bowie, tout juste sorti en 1983. Ses paroles évoquent une jeune fille possédée par la danse. Inspiré du conte Les Chaussons rouges d'Andersen, l’histoire de cette danseuse frénétique n’est pas sans rappeler une autre histoire de virus et de danse mise en récit par Jean Teulé Entrez dans la danse* et adapté en BD la même année (2018) par Richard Guérineau.

Let’s Dance est enfin un air qui enivre et entête et nous rappelle que depuis sa création l’INSA est une terre de danse, tradition du modèle humaniste de l’ingénieur.e libre et résilient.e.

Chaque année, la danse est au cœur de la vie des insaliens. À la Rotonde, avec les étudiants de la section Danse-Études , au Théâtre Astrée durant le festival Chaos Danse et le festival des Arthémiades avec l’association sportive de danse InciDanse, à l’Institut Lumière pour les 10 ans de la Fondation INSA ou à la prestigieuse Salle 3000, pour la Cérémonie de Remise des Diplômes, la danse est partout.

Elle nous entraîne des plus grandes salles de spectacle aux chroniques culturelles et nous propose dans cet épisode une traversée de soi vers les autres.

  • Danser, « se mouvoir et s’émouvoir pour émouvoir » 
  • Portraits de jeunes danseuses et danseurs investis à l’INSA
  • Farandole, récit d’une histoire de métissage
  • Carte blanche à Natacha Paquignon, chorégraphe
  • Danser sa peine avec Angelin Preljocaj, chorégraphe du Pavillon Noir à Aix en Provence : documentaire disponible jusqu’au 24 avril 
     
  • Découvrir la suite : 
    Chroniques Culturelles INSA #4 : let’s Dance

     
Let’s Dance est également un film de 2019 autour de la rencontre entre la danse hip hop et la danse classique réalisé par Ladislas Chollat actuellement disponible sur Canal+.
*Entrez dans la danse, roman de Jean Teulé, édition Julliard, adapté en BD par Richard Guérineau, édition Delcourt : une étrange épidémie a eu lieu dernièrement et s’est répandue dans Strasbourg de telle sorte que, dans leur folie, beaucoup se mirent à danser, pendant deux mois, sans interruption, jusqu’à tomber inconscients. Beaucoup sont morts.


 

 

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16 avr
16/avr/2020

Vie de campus

Chroniques culturelles INSA : love story telling

Jeudi 16 avril 2020, jour 32.

Ce matin, je me lève et attrape lentement la cafetière à piston qui fume dans ma cuisine. Une douce odeur légèrement épicée envahit la pièce. Je me sers une tasse de café tout en ouvrant mon ordinateur. Puis je parcours le fil de mes e-mails et me décide enfin à en lire un. 
Jusqu’alors je n’ai remarqué ni la cafetière, ni la tasse, ni l’ordinateur, ni la souris, blanche et sans fil.
J’ai simplement oublié de regarder.

Récemment, des étudiants du département Informatique de l’INSA Lyon se sont livrés à une expérience sensible inédite : choisir un objet conservé au Musée des Confluences et le mettre au cœur d’une fiction.

Aujourd’hui, ils nous ouvrent la porte de leur cabinet de curiosités pour nous faire découvrir une armure de cheval japonaise, un morceau de fer rubané, une momie de chat, un microscope, un squelette de rorqual, une photocopieuse à crêpes, la déesse Molizhi ou encore le buisson du vivant...

Objets extraordinaires ou coutumiers, objets étranges ou quotidiens, reliques d’êtres vivants figés à jamais ou roches animées de mille couleurs et reflets, tous nous invitent à observer et à toucher le monde autrement, en prenant le parti des choses.

Chaque semaine, nous publierons ces incroyables Récits d’Objets* pour repenser notre lien aux objets qui nous entourent, au quotidien. 

Et si nous commencions par une plongée au cœur du Musée des Confluences, avec un objet choisi et mis en récit par François Chaubeau, Molizhi - la déesse entourée de ses quatre grands rois célestes…

*Récits d’Objets est un partenariat innovant entre l’INSA Lyon (Service Culturel, Centre des Humanités & Département Informatique) et le Musée des Confluences, sur une idée originale d’Adélaïde Fabre et en collaboration avec les Artisans de la Fiction.
Récit d’Objets est également une collection éditée par le Musée des Confluences. Leurs auteurs sont régulièrement invités à un café littéraire au Musée des Confluences.
Pour en découvrir davantage, suivez-nous sur le Facebook de l’INSA Lyon et sur celui du Musée des Confluences


Récit d’Objet 1 : Molizhi - la déesse entourée de ses quatre grands rois célestes
par François Chaubeau 


© Musée des Confluences, Agence VU' - Pierre-Olivier Deschamps

William choisit de profiter des quelques heures qu’il avait avant sa conférence sur la Chine ancienne pour aller au musée des Confluences. Il parcourut les salles les unes après les autres sans rien trouver qui attirât son attention. Alors qu’il commençait à penser qu’il perdait son temps, il passa devant la vitrine contenant les statues des dieux du panthéon chinois. Il s’arrêta net en apercevant la statue de la déesse Molizhi. Cette statue avait déjà attiré l’attention de centaines de visiteurs étant donné sa taille imposante et la pureté de l’or dont elle était composée.

Il se mit à examiner chacun des détails de la statue afin d’en apprendre plus sur elle. Il s’attarda tout d’abord sur les traits finement ciselés de la déesse qui lui donnaient un air calme et serein. Le reflet de l’éclairage artificiel sur le front doré de la déesse était éblouissant. Cela n’empêcha pas William de faire un pas en avant pour mieux voir la merveille qu’il avait sous les yeux. Le trône de la déesse était constitué d’un empilement de coupelles, comme des coquillages disposés les uns sur les autres. Ce trône flottait dans les airs, maintenu au-dessus du sol par un tourbillon sortant d’un océan en furie, comme un pilier d’eau.

L’attention de notre visiteur se porta ensuite sur les innombrables bras de la déesse répartis autour d’elle comme s’ils formaient un cercle protecteur. La plupart de ces bras tenaient fermement un objet, symbole de pouvoir : globe, disque, corne, fiole… Au fur et à mesure qu’il progressait dans son observation, William sentit une bouffée de chaleur l’envahir et sa bouche s’entrouvrit. Il fit un pas de plus vers la vitrine et commença à se poser des questions sur son épaisseur, se demandant si elle pouvait se briser facilement. Après avoir posé une dernière fois son regard sur les yeux clos, comme endormis de la déesse, il tendit presque inconsciemment les bras vers la statue. Cela ne manqua pas d’attirer l’attention de la gardienne postée dans un coin de la salle qui observait d’un œil auparavant distrait le visiteur. William resta les bras levés quelques instants puis les remit derrière son dos car les vitrines des musées sont plus solides qu’elles n’en ont l’air, et il le savait. Il tourna les talons et se dirigea vers la sortie, sans remarquer qu’il avait attiré l’attention de la gardienne.

En arrivant dehors, il pensa à ce qu’il pourrait faire lors d’une visite nocturne avec un équipement approprié, et un sourire s’esquissa sur ses lèvres.

 

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08 avr
08/avr/2020

Vie de campus

Chroniques Culturelles INSA : premier contact*

Par Cécile Beaugiraud, responsable du service culturel de l'INSA Lyon

Imaginer maintenant est une nécessité pour chacune et chacun, et ce, particulièrement en cette période de confinement. C’est pourquoi nous avons décidé de proposer à la communauté INSA de vivre autrement la culture. Chaque semaine, ces chroniques à suivre sur la page facebook de l’INSA Lyon, nous permettront de découvrir des artistes professionnels et des artistes en herbe programmés ou reprogrammés et qui nous interpellent tant par les sujets qu’ils évoquent que par les formes proposées.  

Dans cette première édition, nous avons choisi de présenter Révolte, pièce écrite par la très engagée autrice britannique Alice Birch, couronnée de récompenses internationales, et mise en scène par Béatrice Bompas, comédienne et metteuse en scène de la Compagnie de la Commune, formée à la très renommée école de la Comédie de Saint-Étienne.

Les thèmes abordés dans cette pièce reprogrammée en janvier 2021 nous sont particulièrement proches : famille, travail, place dans la société, respect du corps, engagement…  

Béatrice Bompas, artiste associée de la saison Culture INSA, sera à l’honneur avec deux pièces et des animations d’ateliers : Révolte d’Alice Birch et Je reviens de loin de Claudine Galea (autrice associée depuis 2015 au Théâtre national de Strasbourg). 
Ne manquez pas ces rendez-vous qui vous surprendront, bouleverseront, transformeront.

Avant de donner la parole à Béatrice Bompas, nous vous confions à Edgar Morin, dont la justesse nous invite à la réflexion et au partage :

« Nous passons brusquement d’une civilisation de la mobilité à une obligation d’immobilité. Nous vivions principalement dehors, au travail, au restaurant, au cinéma, aux réunions, aux fêtes. Nous voici contraints à la sédentarité et l’intimité. Nous consommions sous l’emprise du consumérisme, c’est-à-dire l’addiction aux produits de qualité médiocre et vertus illusoires, l’incitation à l’apparemment nouveau, à la recherche du plus plutôt que du mieux. Le confinement pourrait être une opportunité de désintoxication mentale et physique, qui nous permettrait de sélectionner l’important et rejeter le frivole, le superflu, l’illusoire. L’important c’est évidemment l’amour, l’amitié, la solidarité, la fraternité, l’épanouissement du Je dans un Nous. Dans ce sens, le confinement pourrait susciter une crise existentielle salutaire où nous réfléchirions sur le sens de nos vies. » - Edgard Morin, Libération 28/03/2020

Découvrez dès maintenant la première chronique culturelle INSA !

 

* En référence à Premier contact ou L'Arrivée au Québec (Arrival), film réalisé par Denis Villeneuve.

 

 

Mots clés

17 mar
Du 17/03/2020
au 10/04/2020

Art & Culture

Exposition Scène de recherche - Acte II - Antre

En présence des artistes-chercheuses Silène Audibert, Elodie Lefebvre et Marie-Pierre Escudié

Fouiller, entrer dans le creux et faire émerger

Suite à l’Acte I sur la dimension archaïque du rapport femme/nature, le deuxième acte est le temps de l’entrée dans la grotte.
Cette exposition est le passage, l’antre, qui part à la recherche du pouvoir-du-dedans, inspiré par l’activiste et sorcière Starhawk. Depuis l’en-dessous, la terre, l’intime et l’obscur, des figures se relèvent, d’où surgissent des histoires singulières et multiples.

  • Vernissage Scène de recherche : 17 mars 2020 - 18h00 - Galerie des humanités.
     

 

Informations complémentaires

  • culture@insa-lyon.fr
  • Hall d’exposition des Humanités - Bâtiment Les Humanités - INSA Lyon - Campus LyonTech La Doua 1, rue des Humanités - 69621 Villeurbanne cedex

Mots clés

17 mar
17/03/2020 18:00

Art & Culture

Vernissage : Scène de recherche - Acte II - Antre

En présence des artistes-chercheuses Silène Audibert, Elodie Lefebvre et Marie-Pierre Escudié

Fouiller, entrer dans le creux et faire émerger

Suite à l’Acte I sur la dimension archaïque du rapport femme/nature, le deuxième acte est le temps de l’entrée dans la grotte.
Cette exposition est le passage, l’antre, qui part à la recherche du pouvoir-du-dedans, inspiré par l’activiste et sorcière Starhawk. Depuis l’en-dessous, la terre, l’intime et l’obscur, des figures se relèvent, d’où surgissent des histoires singulières et multiples.

  • Exposition Scène de recherche : du 17 mars au 10 avril 2020
     

 

Informations complémentaires

  • culture@insa-lyon.fr
  • Hall d’exposition des Humanités - Bâtiment Les Humanités - INSA Lyon - Campus LyonTech La Doua 1, rue des Humanités - 69621 Villeurbanne cedex

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