
Formation
Art et science : la mécanique au croisement de la danse et du cirque
Élève-ingénieure en 5e année de Génie Mécanique (GM), Claire Lurin fait aussi partie de la section Danse-Études. Elle a découvert la danse contemporaine à son entrée à l’INSA en suivant la formation professionnelle du Centre de Formation Danse désoblique (CFDd). Elle aime construire des structures et raffole du mouvement dansé. Son objectif : allier les deux pour vivre de sa passion. Reportage.
Ses débuts en danse à l’INSA
« Par la pratique quotidienne de la danse depuis quelques années, je saisis l’ampleur de ce qu’un corps peut réaliser. Au-delà du mouvement corporel, il y a ce qui relève du sensible, chercher à rendre visible l’invisible. »
C’est sur les conseils de Delphine Savel, responsable de la section Danse-Études de l’INSA Lyon, que la jeune élève-ingénieure intègre en 2013 la section. Née à Chalon-sur-Saône en septembre 1994, Claire Lurin fait de la danse traditionnelle, de la gymnastique rythmique et de la natation depuis ses 11 ans.
Après son Premier Cycle à l’INSA Lyon, elle choisit le département GM. Là, elle obtient l’aménagement de sa 4e année sur deux ans, avec l’appui de la direction du département. Elle pourra alors intégrer le CFDd, dirigé par Blandine Martel Basile.
Nourrie par ses expériences auprès de chorégraphes en Danse-Études, sa passion la pousse à composer quelques créations. Elle a dernièrement été à l’initiative du trio « Meute » avec Jean Boulvert et Maxence d’Hauthuille, tous deux INSA.
Constamment en recherche de performance physique et de challenge, son ambition est à présent de créer, aux côtés de l’artiste de cirque Lucie Roux, leur propre spectacle.
Sa rencontre avec Lucie
« Les nouvelles disciplines, rencontres et expériences nourrissent de plus en plus ma danse, qui se cherche dynamique et puissante, à la rencontre de différentes énergies. »
C'est lors de son stage en dernière année, dans une compagnie d'art de rue, que Claire va rencontrer Lucie Roux, une artiste circassienne spécialisée en cadre aérien. Formée à l’ENACR (Ecole Nationale des Arts du Cirque de Rosny), puis au CNAC (Centre National des Arts du Cirque) de Châlons-en-Champagne, Lucie associe à sa pratique principale celles de la musique, du jeu d’acteur et des marionnettes. Suite à plusieurs expériences dans le cirque traditionnel, elle souhaite se plonger dans la création contemporaine, multidisciplinaire, sans pour autant mettre de côté la pratique physique que permet le cirque traditionnel. Elle trouve en Claire une partenaire pour créer son projet autour d’une structure permettant d’associer traditionnel et contemporain, ainsi que voltige et danse.
Les prémices de leur projet commun
« Nous voulons démonter les cadres, sortir du conventionnel tout en restant accessibles, créer une force commune à partir de ce qui paraît opposé. »
Les deux femmes construisent une performance autour des contraintes corporelles des acrobates circassiens et des danseurs. Tout est réfléchi en fonction de deux axes précis : la pratique physique du corps et la mécanique. La structure qui servira de base à la création du spectacle DOX – Doux Paradoxes, est notamment pensée grâce aux performances de Lucie, porteuse au cadre aérien.
Puisqu’elles veulent associer voltige et danse, elles imaginent une structure inédite. La construction sera composée de plusieurs plans selon sa hauteur, variant entre 2 et 4m de haut. L’espace au sol accueillerait principalement la danse, quand les espaces intermédiaires et haut seraient des lieux de voltige, d’acrobatie, et de mouvements hybrides entre les différents domaines artistiques. L’un des objectifs principaux de Lucie et Claire : habiter l’espace entre le sol et le cadre, en y intégrant une ou un éventuel troisième artiste.
Pour le moment, Claire et Lucie s’entrainent sur une structure de prêt qui leur permet de se découvrir, d’appréhender les techniques corporelles de l’une et de l’autre, et de savoir quels besoins elles auront pour leur structure finale.
Mais qu’en est-il du propos artistique ? À l’image de cette opposition entre gravité et voltige, du point de vue de Claire et Lucie, tout le monde est entouré de paradoxes. Être partout et nulle part à la fois, osciller entre confort et liberté, trouver le lâcher-prise et vouloir tout contrôler.
Tous ces points de réflexion vont s’ajouter à leurs différences d’âge et de vécu, entre un parcours artistique et un parcours scientifique.
La mise en œuvre du projet
« Nous savons que nous voulons évoluer entre autres sur une structure en métal, cependant nous ne savons pas encore à quoi elle va ressembler… »
C’est de nouveau grâce à GM que ce projet peut plus facilement se concrétiser. En effet, le département a accepté de faire de la conception et de la fabrication de la structure le projet de fin d’études (PFE) de Claire. En parallèle, elle a candidaté à la Bourse Jeunes Talents de la Fondation INSA, et obtenu son soutien financier et moral pour le lancement de ce projet, notamment pour la construction de la structure.
Pour permettre leurs phases de test et de créations artistiques, elles cherchent actuellement des lieux de résidences artistiques et des financements pour mener cette aventure à terme. La Compagnie Cie 39-50 a entre autres été créée pour l’occasion par Lucie, avec le technicien Paul Cordenod associé au projet.
Légende encart photo gauche : Claire Lurin et Lucie Roux

Vie de campus
INS’A*LIEN.NE.S : deux soirées de spectacle sur le campus
Les 7 et 8 décembre la section Théâtre-études de l’INSA Lyon propose un spectacle déambulatoire mêlant théâtre, danse, musique, lumières, projections d’images et de vidéos sur les façades des bâtiments du campus.
Participez à ces deux soirées qui font écho à la Fête des Lumières de Lyon, et laissez vous guider de l’amphithéâtre Gaston Berger jusqu'à la pelouse des Humanités lors de déambulations de 45 minutes. Vous découvrirez en vidéos les voix et visages d’insaliens d’hier et d’aujourd’hui, ainsi que les performances théâtrales et chorégraphiques des étudiants.
Rendez-vous sur le solarium, devant l’amphithéâtre Gaston Berger
Départs des déambulations à 18h30, 19h15, 20h00 et 20h45.
Entrée libre et gratuite, tout public.
Informations complémentaires
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Solarium, devant l’amphithéâtre Gaston Berger - INSA Lyon
Derniers évènements
Ateliers danse avec la Cie MF
Les 15 et 22 mai 2025
Formation
Au-delà des mots, Léna séduit avec sa danse
Elève-ingénieure en 2e année à l’INSA Lyon, Léna Ng fait aussi partie de la section Sport de Haut Niveau (SHN) de l’INSA, plaçant la danse sur le devant de la scène. Une possibilité qui lui est offerte par l’école, qui fête cette année les 36 ans de sa section SHN. Entretien.
Pouvoir sortir des sentiers battus, même quand il s’agit de sport de haut niveau, c’est ce qu’est parvenu à faire l’INSA Lyon en intégrant la danse dans son panel de disciplines suivies dans sa section Sport de Haut Niveau. C’était il y a 14 ans et depuis, trois danseuses issues de Conservatoires de Danse ont bénéficié de ce parcours d’excellence.
« C’est aussi cela la force de l’INSA : ouvrir ses horizons dans tous les domaines, et accueillir des talents d’où qu’ils viennent. Pour appartenir à cette section, les sportifs doivent être inscrits sur des listes de haut niveau tenues par le Ministère des Sports. Or, notre discipline, la danse, appartient au Ministère de la Culture et de la Communication, qui lui ne tient pas de listes. C’est exceptionnel de pouvoir former chez nous des danseurs professionnels » précise Delphine Savel, responsable de la section Danse-Etudes à l’INSA Lyon.
Ingénieure et danseuse
Hors de question pour Léna Ng de choisir entre ces deux orientations. Avec l’INSA Lyon, elle se projette sur un double parcours mêlant l’excellence scientifique et la danse à haut niveau. Actuellement en deuxième année à l’INSA Lyon, elle est ravie de poursuivre son double cursus au sein d’une école « où la vie associative et la dynamique des étudiants est impressionnante » raconte-t-elle.
« Les INSAliens sont très volontaires et très ouverts. Je voulais intégrer cette école parce qu’elle propose la section de Sport de Haut Niveau bien sûr mais aussi parce que son modèle et sa formation me plaisait. »
Cours aménagés, ostéopathe et préparateur mental à disposition, tutorats et professeurs disponibles ont fini de la convaincre sur son choix de formation.
« Avec la section Danse - études et le partenariat mis en place avec le centre de formation de danse Désoblique - CFDd, je peux donc poursuivre ma formation technique et artistique en danse en même temps qu’une prépa d’ingénieur. Au sein de la section SHN, j'ai la chance de pouvoir danser en collaboration avec des chorégraphes et des compagnies professionnelles telle Annabelle Bonnéry sur cette saison".
En décembre prochain, Léna participera à la cérémonie nationale de remise des prix de tous les lauréats des concours de création étudiante qui se tiendra à Paris. Elle recevra une distinction pour un solo de danse contemporaine qu’elle a présenté lors d’un concours au mois de mai dernier.
Mais attention, inutile de lui parler de performance, la danse est une forme d’expression, un moyen de transmettre aux autres ce qu’elle a à leur dire, sortant peut-être encore de cette manière, des sentiers battus.
Engagée
« Cet été, j’ai exploré beaucoup de sources d’inspiration et je suis restée marquée par une interview de Jacques Brel, s’exprimant sur la femme. Sa vision quelque peu étriquée m’a beaucoup interpellée. Depuis, je cherche à m’exprimer sur le sujet à travers ma danse, et plus précisément sur la différence inébranlable des hommes et des femmes. Il ne s’agit pas spécialement d’un combat féministe, mais l’idée est plutôt de provoquer la réflexion sur le regard que nous avons sur la femme » explique la jeune danseuse.
Très intéressée par la chorégraphie, elle portera ce propos dans un spectacle qu’elle chorégraphie pour un groupe de danseurs amateurs composé d’élèves-ingénieurs INSA et d’une danseuse de l’extérieur. Aujourd’hui, Léna explore toutes les voies offertes par la pratique de son art, tout en poursuivant son cursus à l’INSA Lyon.
La section Sport de Haut Niveau de l’INSA Lyon fête son 36e anniversaire cette année. Depuis 1981, la Section Sport de Haut Niveau (SSHN) a pour objectif de permettre à de jeunes sportifs de mener de front la poursuite de leur carrière sportive et des études d'ingénieurs. Elle propose un aménagement de la formation adapté aux contraintes de chaque sportif. Avec 1120 diplômés, 35 participations aux Jeux Olympiques et de nombreux champions dans diverses disciplines, la SSHN est un modèle unique dans le paysage universitaire français.
En savoir plus : http://5717.insa-lyon.fr/souvenir/ouverture-et-diversite
Podcasts « Les cœurs audacieux » - Saison 1 / Épisode 5 - 10 juin 2021
Informations complémentaires

Formation
Danse avec elle
Quelques mois après la création du Diplôme Arts-Etudes à l’INSA Lyon, nous avons rencontré Delphine Savel, responsable de la section Danse-études qui a su donner à son art toute la place qu’il mérite dans une école d’ingénieurs à vision humaniste. Entre rage, surinvestissement et hypersensibilité : interview d’une danseuse qui n’a pas froid aux yeux.
Comment avez-vous découvert la danse ?
Nous sommes en 1995… Je suis gymnaste et je rentre à l’UFR Staps de Lyon, avec l’ambition de faire de la lutte ! On me fait comprendre qu’avec mes 45 kg, ce sera difficilement envisageable et comme j’avais commencé la GRS, je m’oriente du coup vers la danse.
J’ai été formée tardivement à la Modern’Dance à base des techniques Martha Graham, José Limon & Lester Horton. C’était de 1994 à 1999 à l’Atelier 9 auprès d’Elisabeth Venot DeTexier. J’ai ensuite fait mes armes à Paris en tant que danseuse interprète auprès de Bénédicte Raquin de 1999 à 2004 au sein de la Compagnie Sans Dessus Dessous.
J’ai appris la technique avec « Babette », et l’essence de la danse avec Bénédicte. Elle m’a transmis ce que voulait dire incarner le mouvement.
J’ai fait l’expérience ce qu’est le corps et toute la puissance qu’il peut générer lorsqu’il est mis au service d’une idée.
J’ai expérimenté le mouvement comme 6ème sens. Créer un mouvement qui révèle ma singularité, mon authenticité...
A chaque création, à chaque représentation je construisais cette intelligence sensible du corps: sentir, ressentir, percevoir et agir en fonction de mes états, de ceux des autres… d’une pensée, d’une idée.
Danser : c’est cet être au monde, cet état de porosité à soi, à l’autre, à l’environnement, cet acte politique qui consiste à partager ses idées, ses convictions sur un plateau !
Ce que j’ai ressenti ensuite avec Robyn Orlin, qui a beaucoup œuvré contre l’apartheid, m’a bouleversée. Je venais de passer le CAPEPS et me voilà embarquée dans une collaboration artistique de haut vol durant 15 jours au Théâtre de la Ville avec cette chorégraphe sud-africaine. J’avais la vision du corps comme don absolu de soi, du corps complètement dédié à l’art. C’est à ce moment-là que j’ai décidé que tout ce que la danse m’avait permis de découvrir, de vivre, je souhaitais le transmettre à des élèves.
Vous commencez alors votre carrière d’enseignante à Paris, dans le secondaire, avant de revenir à Lyon, et de découvrir l’INSA. Comment se passe votre intégration dans cette école ?
C’est vrai qu’à Paris, j’ai commencé par monter des associations sportives Danse, d’abord dans un lycée puis dans un collège difficile, avec le challenge de remporter des prix en participant à des compétitions. Cet aspect-là est important pour moi parce qu’il me permet de confronter mon travail, mon langage chorégraphique à un regard d’experts, d’avoir un retour sur le processus créatif que j’engage auprès du collectif d’élèves avec lequel je travaille.
Et puis je rentre effectivement à Lyon. J’intègre l’INSA Lyon d’abord en tant qu’enseignante de gymnastique en vacation. Nous sommes en 2004 quand j’intègre le centre des sports de l’INSA Lyon sur le poste profilé danse. Comme je suis une boulimique d’énergie, je gère le cours d’option danse à ma manière… Dès la 1ère année, je décide de monter un spectacle et nous terminerons l’année universitaire par une représentation au théâtre Astrée avec les élèves ingénieurs – danseurs. Je propose alors de créer l’association sportive de Danse de l’INSA Lyon, mais faute de possibilité de créneaux le projet sera repoussé d’une année. L’année suivante, grâce à ma rencontre avec Annabelle Bonnéry de la Cie Lanabel, je monte un projet arts-sciences auquel j’associe différents départements de spécialité de l’INSA. Projet qui deviendra en 2009 l’UV Innovation « Arts, sciences et Ingénierie » du département Génie Mécanique.
L’INSA Lyon forme des ingénieurs. Qu’est-ce qui vous maintient dans cet univers depuis maintenant 13 ans ?
Je me suis tout de suite dit que cette école était pour moi. J’avais toujours mis en relation les aspects scientifiques et techniques de la danse avec la pratique d’autres champs disciplinaires. Je suis une fille de terrain et la danse à l’INSA est pour moi un lieu d’expérimentation des relations Arts-Sciences. Je suis dans une école scientifique et je travaille avec des professeurs de mécanique, de mathématiques, avec des chercheurs aussi.
Responsable de l’enseignement de la danse au centre des sports depuis 2004, j’ai aussi créé le collectif InciDanse en 2006 avec lequel nous avons remporté 11 titres de la meilleure chorégraphie dans différents concours nationaux.
L’association sportive Danse représente une extension de mon langage chorégraphique.
Les fins d’année sont chargées d’émotions autour des représentations du collectif InciDanse et de nos créations chorégraphiques annuelles. Créations qui ont pour sujet des thématiques qui me touchent : le rapport individualité / collectif, faire corps collectif, l’insoumission, la révolte, la dépendance… Cette année ce sera « Errance ».
Depuis 2011, j’ai accepté de prendre la responsabilité de la section Danse-études et de monter des projets autour de la formation artistique avec une ligne pédagogique sur-mesure pour nos étudiants. Ce qui m’intéresse, c’est leur permettre de se créer une pensée divergente au contact de professionnels du monde de la danse. C’est les confronter aux questionnements suivants : quelles similitudes et/ou différences entre la gestion d’un projet industriel et un projet artistique ? Quelles problématiques communes ou pas entre un chorégraphe et un manager, un directeur de compagnie ? Quelles divergences et quelles convergences entre le processus créatif dans l’art chorégraphique et dans la recherche scientifique ?…
La section Danse-études est un travail pédagogique et artistique qui me permet de mettre en lien nos élèves-ingénieurs avec des artistes, des professionnels du spectacle vivant. Chaque année est un nouveau challenge autour de projets artistiques d’envergures qui peuvent mettre en liens les 4 sections, qui peuvent mettre en exergue les liens arts –sciences…
Ce qui m’enrichit aussi, c’est d’ouvrir la porte à différents profils : celui de la danseuse très technique voir expérimentée qui devra travailler sur ce qu’elle livre sur scène d’elle-même, et celui du novice, qui dégage tellement de sensations dans ses mouvements qu’il irradie mais devra se construire un corps de danseur.
C’est aussi cela l’INSA. Le modèle d’ingénieur humaniste me parle surtout quand Gaston Berger, l’un des pères fondateurs de l’INSA, dit : « L’imagination est un chemin de connaissance ». Je vais même aller plus loin : mon rôle consiste à éveiller des corps sensibles. J’enseigne la danse, je chorégraphie… Je pétris des corps et des imaginaires dansants au sein d’une école d’ingénieurs.
« Danser, chorégraphier, c’est poser l’autre, qu’il soit absence ou présence.
L’autre est la condition de tout mouvement, de tout désir, de toute connaissance.
Cette conscience de l’altérité, jointe à la mémoire, donne à la trajectoire humaine sa valeur, son juste équilibre. »
Crédit photo : Gilles Aguilar