
Formation
Sur les campus, la flamme de l’engagement
Comme une respiration dans un monde de plus en plus complexe marqué par de profonds bouleversements socio-écologiques. Pour une part importante de la jeunesse étudiante, et ce malgré un quotidien déjà bien chargé, l’engagement apparaît comme une réponse nécessaire pour tenter de faire bouger les lignes et changer la société. Famille, médias, écoles… Les facteurs déclencheurs de l’engagement sont multiples et complexes à la fois et les formes d’action tout aussi diverses et variées. Pour en percer les mystères et les dynamiques, Alix, Chloé et Armand, étudiants engagés à différents niveaux, témoignent. À l’occasion de la quinzième édition des rencontres des référent.es du développement durable (R2D2), événement organisé par le collège d’ingénierie de Lyon Saint-Etienne (INSA Lyon, ENTPE, Centrale Lyon, Mines Saint-Etienne), les 22 et 23 mai derniers à l’ENTPE à Vaulx-en-Velin. Regards croisés sur une jeunesse active qui veut prendre ses responsabilités.
Porter une cause, se mobiliser et mobiliser les autres, convaincre… s’engager lorsqu’on est étudiant n’est pas chose facile. Plongés dans leur quotidien déjà chargé, les étudiants peinent souvent à mobiliser des ressources et du temps. En France, en 2022, 16% des étudiants ont eu un engagement bénévole associatif, principalement dans les secteurs du sport, de la culture, le social et l’environnement mais malgré tout 83 % des étudiants se disent prêts à s’engager s’ils en ont les moyens et le cadre. Loin des clichés sur une jeunesse naïve, atone ou trop radicale, les enquêtes montrent que la communauté étudiante porte simplement une volonté de cohérence, parfois une quête de sens et un besoin de participer à la transformation du monde à son échelle.
Une prise de conscience
L’engagement est d’abord et avant tout le fruit d’une prise de conscience générale qui peut être parfois très soudaine. Alix Fumery, étudiante en 5ᵉ année de génie mécanique à l’INSA Lyon et co-présidente de l’association ALTE²S, se souvient de ce moment clé qui lui est arrivé lors de sa troisième année de scoutisme : « J’ai visionné le film « Demain » et cela m’a fait prendre conscience de l’urgence climatique et sociale. J’ai voulu agir, chercher d’autres manières d’habiter le monde ». Pour Chloé Liboureau, élève ingénieure en agronomie à UniLaSalle (Beauvais), l’effet de « la claque », que beaucoup d’étudiants engagés évoquent, s’est avéré plus progressif : « J’ai pris conscience que mon mode de vie contribuait à détruire ce que j’aimais, comme la montagne, la biodiversité… Cela a été une phase difficile, marquée par de l’éco-anxiété, puis par une volonté de comprendre et d’agir ».
L’école comme un catalyseur
Au fil des années, la prise de conscience se transforme et la volonté d’action se montre plus forte. « J’ai toujours été sensible aux enjeux de société et à l’écologie. Après le lycée, j’ai choisi une école de commerce afin de garder mes options ouvertes, sans idée précise de ce que je voulais faire. Lors d’un échange universitaire, j’ai eu davantage de temps libre en dehors des cours, que j’ai consacré à explorer les questions environnementales. Ces réflexions notamment sur les critiques de la croissance verte ont profondément transformé ma vision de l’écologie, mon mode de vie, et m’ont donné envie de m’engager. J’ai ainsi rejoint le Bureau National des Étudiants en école de Management (BNEM) en tant que Responsable de la Commission Enjeux écologiques, avec pour objectif de pousser l’intégration des limites à la croissance dans les enseignements de tronc commun », détaille ainsi Armand Olivier, étudiant en troisième année de Bachelor à l’EDHEC Business School (Lille).
« J’ai choisi ma formation d’ingénieur en particulier pour son contenu académique et pour les débouchés professionnels. Mais ce qui a aussi pesé dans la balance, c’est le cadre de vie, la vie de campus, et surtout l’engagement associatif affiché par l’école. La possibilité de concilier études et engagement a été un vrai plus », explique Chloé Liboureau aujourd’hui Présidente du Réseau Étudiant pour une Société Écologique et Solidaire (RESES). « La riche vie associative de l'INSA m'a permis d'être engagée », admet également de son côté Alix Fumery. Une dynamique sur laquelle les établissements de l’enseignement supérieur sont pleinement mobilisés. Selon une enquête de la Conférence des Grandes Écoles, 95% des établissements ont mis en œuvre un dispositif formel de reconnaissance de l’engagement étudiant, montrant une volonté affirmée d’intégrer ces expériences dans les parcours de formation.
Engagés et tiraillés
Si la vie d’étudiant engagé constitue une expérience à part entière, ce n’est pas pour autant un long fleuve tranquille au quotidien. Les étudiants témoignent de certains obstacles contre lesquels ils ne peuvent pas toujours agir. « J’ai le sentiment que mon établissement est mobilisé pour promouvoir l’engagement. Cette année, l’Assemblée pour la transition écologique et sociale de l’INSA Lyon a vraiment initié une dynamique supplémentaire », témoigne Alix Fumery, qui a par ailleurs pleinement pu s’impliquer en réalisant un stage de plusieurs mois en 2024 au sein de la cellule DDRS de l’INSA Lyon. Pour Armand Olivier, cet engagement n’est pas suffisamment reconnu : « Je regrette que nous ne soyons pas plus interrogés lors d’entretien en entreprise sur notre bagage associatif et notre engagement étudiant alors que c’est un véritable atout. Pour certains étudiants s’orientant vers des horizons plus politiques, l’engagement au BNEM a même été un tremplin », raconte l’étudiant. Tous les trois appellent également à intégrer encore un peu plus les enjeux écologiques dans les enseignements et ce tout au long de leur cursus. Un diagnostic conforme aux conclusions d’une grande enquête, la Consultation Nationale Étudiante (CNE), menée en 2023 par le RESES, indiquant que 70 % des étudiants souhaitent être mieux formés aux enjeux écologiques.
Le fléau de la précarité
Autre obstacle de taille à l’engagement durant la vie étudiante, le manque de temps et la précarité. « Je pense qu’il y a une prise de conscience collective des étudiants en particulier sur le changement climatique et ses conséquences mais le passage à l’action est beaucoup plus variable, certains freins limitent ce passage à l’action tel que le manque de temps et la précarité », témoigne Chloé Liboureau. Un constat qui se traduit dans les enquêtes réalisées ces dernières années. D’après l’enquête la Consultation Nationale Étudiante, 74 % des étudiants considèrent la mobilisation et l’action citoyenne comme des solutions efficaces dans la lutte contre le changement climatique cependant pour 52 % des étudiants le manque de temps est le principal frein à l’engagement. Autre constat : 40 % des étudiants travaillent dans le cadre ou en parallèle de leurs études pour subvenir à leurs besoins. Malgré les difficultés, chacune et chacun poursuit ses engagements, à sa hauteur et selon ses moyens. Alors que le bénévolat régulier recule de manière significative en France en particulier depuis la pandémie de COVID-19 et que le tissu associatif peine à se renouveler à l’échelle du pays, l’engagement étudiant apparaît comme un contre poids indispensable qu’il se manifeste dans les établissements ou en dehors. En rejoignant des associations, en initiant des projets, ces jeunes revitalisent le civisme, tempèrent l’essoufflement du modèle associatif et renforcent ce qui fait la cohésion de la société.
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