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« La sobriété ne suppose pas nécessairement une baisse de la qualité de vie »
Le 18 novembre dernier, l’INSA Lyon accueillait les Rencontres du Développement Durable, en co-organisation avec l'institut Open Diplomacy. Plusieurs experts ont été invités à prendre la parole sur la thématique : « Inventer la sobriété », parmi eux, Marc Clausse, responsable de l’enjeu de recherche « énergie pour un développement durable » à l’INSA Lyon et enseignant-chercheur au CETHIL1.
L'occasion de revenir sur ce terme, « sobriété », qui s’est immiscé dans le quotidien des Français. Aujourd’hui, imposée sur fond de crise géopolitique et de pénurie, la sobriété énergétique est parfois perçue comme une contrainte. Pourtant, les réflexes nés de ce contexte difficile pourraient ouvrir une brèche pour une meilleure acceptation du changement. Entretien.
On parle beaucoup de sobriété en ce moment, notamment avec le « plan de sobriété énergétique » du gouvernement qui vise la réduction de 10 % de la consommation française d’énergie d’ici 2024. Qu’appelle-t-on « sobriété énergétique » ?
La sobriété énergétique vise à réduire l’empreinte carbone par des changements de mode de vie. Elle invite à éviter l’inutile, impliquant parfois une diminution du confort. Elle est à distinguer de l’efficacité énergétique qui relève davantage de compétences techniques et d’ingénierie. L’efficacité énergétique est un vieux concept qui consiste à améliorer la chaîne de production, en consommant moins de ressources et en toute transparence pour l’utilisateur final. D’ailleurs, même les industries les plus polluantes cherchent à faire de l’efficacité énergétique ; l’arbitre étant souvent le volet économique. L’efficacité et la sobriété énergétique se complètent. Par exemple, pour réduire la consommation d’énergie de mon domicile, si je baisse le chauffage en tenant compte des températures de consigne, je fais de la sobriété. Je peux en parallèle miser sur l’efficacité énergétique en isolant ma maison. L’exemple peut se décliner sur la mobilité : choisir une voiture qui consomme moins relève de l’efficacité ; préférer le vélo à la voiture relève de la sobriété. Ce sont souvent deux notions qui sont confondues. Pourtant, la sobriété soulève une réelle question sociétale, d’acception du changement et du mode de vie quand elle ne se heurte pas au plafond social. La sobriété peut avoir un sens différent en fonction de l’endroit où l’on se trouve sur Terre ou son niveau de revenus. Certains n’ont pas attendu la crise énergétique pour être contraint à la sobriété énergétique.
Les pays de l’Union européenne ont misé sur un objectif de décarbonation d’ici 2050. Parmi tous les gros mots de la transition énergétique, celui-ci trône en roi. Pourtant, décarbonation ne semble pas toujours rimer avec sobriété…
Pour atteindre l’objectif « zéro carbone », il y a plusieurs solutions : produire sans engendrer de CO2 (pas facile), compenser ou séquestrer les émissions carbone. En France, il y a une focale sur l’électricité : on veut électrifier la mobilité, les services, les logements… Cependant, pour qu’électrification rime avec décarbonation, il faut que la production d’électricité soit totalement décarbonnée, ce qui est loin d’être le cas en Europe actuellement. Cela implique un déploiement massif de renouvelable ou de nucléaire et ce plan massif de décarbonation devra se faire selon les ressources de chaque pays et selon un principe… de sobriété.
Le mot « sobriété » est aujourd’hui (ré)apparu en contexte de crise. Suppose-t-elle toujours le renoncement ? Devrait-elle toujours être subie ?
En réalité, ça n’est pas la première fois que ce mot apparaît. Pendant les chocs pétroliers de 1973 et de 1979, on en parlait déjà. Les premières recommandations de l’ADEME2, anciennement « agence pour les économies d’énergie » et précisément créée après la première crise pétrolière, datent de cette époque. La sobriété appelle au changement, c’est une certitude. Mais le changement ne suppose pas nécessairement une baisse de la qualité de vie. Prenons l’exemple des échanges académiques. La réflexion sur les départs à l’étranger de nos étudiants questionne : doit-on tout arrêter ? Ou faire autrement ? On pourrait repenser les échanges universitaires en priorisant des limites européennes par exemple. Sur le fond, les objectifs pédagogiques seraient atteints et le bilan carbone des échanges serait réduit. À mon sens, pour que la sobriété soit efficace -sans mauvais jeu de mot- et non subie, il ne faut pas imposer un renoncement trop fort, sous peine de voir apparaître des effets rebonds négatifs. Pour donner un autre exemple, on a longtemps considéré comme aberrant l’idée de climatiser les métros ou les RER, pour cause de gaspillage énergétique. Seulement, lorsque les épisodes de canicules ont frappé le pays, un bon nombre d’usagers, qui en avaient les moyens, ont choisi de prendre leurs voitures climatisées, faute d’un niveau de confort acceptable. Pour éviter ces effets rebonds, il faut indéniablement prendre en compte l’acceptabilité sociale, ce qui relève plus des sciences humaines et sociales que de l’ingénierie.
Vous parlez « d’acceptabilité sociale » ; pour faire accepter la sobriété énergétique, faut-il travailler à un nouvel imaginaire collectif ? Comment l’ingénierie peut-elle aider à cela ?
Pendant longtemps, on nous a vendu le rêve que conduire sa propre voiture était gage de réussite sociale ; peu importe l’usage que l’on en faisait, posséder une voiture, c’était « réussir sa vie ». Aujourd’hui, en utilisant les mêmes mécanismes, on nous vend la voiture électrique pour « rouler propre ». Pourtant, si l’on imagine tous les véhicules individuels thermiques remplacés par de l’électrique, l’impact environnemental serait évidemment désastreux, ne serait-ce que sur la question des batteries, du recyclage et des ressources qu’elles nécessitent. Maintenant, si on travaille à un nouvel imaginaire qui considère qu’une voiture peut être électrique et partagée, on peut arriver à des objectifs très forts en matière de décarbonation et de préservation des ressources. Dans le même temps, on pourrait imaginer que l’ingénierie accompagne ce nouvel imaginaire, en apportant le confort acceptable pour éviter les effets rebonds. Même si je crois qu’il faudrait remettre la science au centre de l’économie car les enjeux d’épuisement des ressources et les limites planétaires sont des faits physiques, la technique n’est jamais la solution miracle. Si elle aide très largement à l’efficacité énergétique, elle ne peut lever seule les verrous sociologiques. C’est d’ailleurs pour cette raison que les approches interdisciplinaires, en recherche notamment, sont indispensables à la transition énergétique.
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[1] Centre d’énergétique et de Thermique de Lyon (INSA Lyon/CNRS/Lyon 1)
[2] Agence de la Transition Écologique

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Intégrer les enjeux socio-écologiques dans les formations de l'ingénieur
Point d'étape.
Initié en septembre 2020, le projet « ClimatSup INSA » vise à intégrer les enjeux socio-écologiques au cœur de toutes les formations du Groupe INSA. Après un rapport intermédiaire présenté au grand public en février 2021, The Shift Project et le Groupe INSA proposent un nouveau point d’étape afin de présenter l’avancement du projet et les suites à venir.
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Webinaire sur Zoom et retransmission live Facebook
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Hublo : un diplômé INSA réinvente le pressing
Commerces dits « essentiels » pendant le confinement, les pressings font partie de ces commerces de proximité qui animent les centres villes et quartiers. Pourtant régulièrement sommée d’anti-écologique malgré les nombreuses tentatives de rendre la filière plus durable, l’activité peine à se renouveler et surtout, à minimiser son empreinte carbone.
Stéphane Cohen est un ingénieur INSA diplômé de 1994. Après une vingtaine d’années au service de multinationales américaines, il revient à la vie locale et reprend deux pressings parisiens. Depuis 7 mois, Hublo propose ses services et promet de belles années de nouveauté aux artisans blanchisseurs. Entre machines et quelques kilos de linge, se profile le portrait d’un homme qui a décidé de mettre la technologie au service de l’environnement et du lien social. Interview.
En 2020, vous vous êtes lancé dans le grand défi de l’entrepreneuriat. Késako Hublo ?
Hublo est une entreprise de pressing dont l’objectif est simple : réduire l’empreinte carbone du nettoyage textile tout en soutenant l’économie de proximité. Pour le client, il s’agit de confier son linge à notre équipe de professionnels à travers l’application mobile dédiée ou déposer son linge en main propre, et on s’occupe de tout ! Une fois récolté et lavé grâce à des techniques de nettoyage écoresponsables, le linge est livré en triporteur électrique jusqu’à la porte du client s’il le souhaite. Il faut dire que l’activité de pressing traîne encore une image incompatible avec l’enjeu environnemental notamment à cause de certains solvants utilisés par le pressing traditionnel. Je veux proposer une transformation de l’activité tout en faisant de mon entreprise, une actrice du changement vers un monde plus vert et socialement responsable.
Vous avez passé près de vingt années à travailler pour les plus grands noms de la tech mondiale. Vous ont-elles inspiré pour créer Hublo ? Ou êtes-vous au contraire vacciné contre leurs façons de voir le monde ?
Je crois que je n’ai gardé que deux choses. La première, c’est une vision. Après être passé par IBM, Motorola et Google, j’avais rejoint une entreprise un peu plus petite dont le patron était finalement quelqu’un de particulièrement humain, et cet homme m’a marqué. Sa vision était très éloignée des valeurs financières que j’avais connues auparavant. En créant Hublo, j’avais envie d’implémenter ce que j’avais appris de ce dernier directeur. La seconde chose que j’ai acquise de mon expérience, c’est l’outil technologique. Hublo est fondée sur une application et implémente des principes d'intelligence artificielle qui permettent d’optimiser les process, depuis le dépôt de linge, en passant par le lavage et le retour chez le client. Mais au-delà de ça, je souhaite utiliser cette IA pour exploiter les données produites par l’activité pressing pour une chose en particulier : minimiser l’empreinte carbone. Finalement, c’est peut-être ça dont j’ai surtout hérité de ces grosses entreprises : j’ai acquis la conviction que la technologie n’est pas une fin en soi, mais qu’elle doit être au service de valeurs sociétales. J’ai donc choisi que ma société soit au service de l’environnement, de l’être humain, et du développement de l'industrie et de l'artisanat français. Hublo est une société à mission : ces valeurs sont inscrites dans ses statuts.
En somme, vous souhaitez redonner un coup de jeune à un vieux métier grâce à la technologie ?
Le pressing est un métier qui a connu beaucoup d'évolutions jusqu’à l’arrivée des machines automatiques domestiques. Bien sûr, le temps de la lavandière qui frottait le linge dans les ruisseaux est dépassé, mais il reste encore beaucoup à faire en matière de responsabilité environnementale. En France, plus de 7 milliards de lessives domestiques sont lancées et 2,3 millions de machines à laver sont vendues chaque année. Les lessives utilisées ne sont pas toujours éco-compatibles, mais surtout, ce sont les microparticules plastiques déversées dans les océans car trop petites pour être filtrées par les stations d’épuration qui rendent l’impact conséquent. Avec Hublo, il s’agit tout d’abord de mutualiser les machines pour réduire le coût carbone par famille. Puis aussi, de faire prendre conscience à nos clients de l’impact de leurs cycles de nettoyage sur l’environnement grâce aux mesures que nous sommes capables de faire avec l’intelligence artificielle. Faire tourner son lave-linge est devenu quelque chose de si machinal qu’on ne s’imagine pas qu’un geste si simple puisse faire autant de dégâts sur la planète. En tant que « société à mission », je crois qu’il est plus que temps de faire passer ce message.
Vous faisiez le parallèle avec les lavandières dont les quotidiens étaient finalement remplis d’échanges sociaux. Le pressing fait partie de ces commerces de proximité qui favorisent le lien social. Est-ce quelque chose d’important pour vous ?
C’est primordial, même. Je viens de ces grosses boîtes où j’avais rapidement perdu la valeur de proximité et de la force de l’échange local. En m’implantant sur le marché français, c’est une des valeurs que j’ai voulu continuer à cultiver avec les deux pressings. Ici, le lien social est vraiment partout car c’est un métier où la confiance est indispensable entre l’artisan et le client : les gens vous confient une part de leur intimité à travers le linge à laver. Aussi, je crois que si le confinement a révélé de nouvelles habitudes d’achats, notamment en rapprochant les français avec leurs commerçants de proximité, c’est aussi pour ce besoin de confiance et de convivialité. Ce lien est si étroit que parfois, les clients appellent leurs commerçants par leurs prénoms ! C’est important de continuer à le valoriser. Et vous, connaissez-vous le prénom de votre artisan de pressing ?

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Nicolas Hulot à Lyon : son intérêt pour Axel’One
En visite à Lyon il y a quelques jours, le ministre d’Etat Nicolas Hulot a découvert la Plateforme Matériaux Innovants Axel’One en présence d’une délégation de personnalités lyonnaises dont le directeur de l’INSA Lyon, Eric Maurincomme.
C’était le premier déplacement officiel dans le Rhône de Nicolas Hulot, Ministre de la transition écologique et solidaire. Au programme d’une journée chargée, la visite de la Plateforme Matériaux Innovants Axel’One à Saint-Fons, dans le cadre des dispositifs innovants dans le domaine de l’écologie et biotechnologie. L’occasion de faire le lien avec le prochain objectif : la livraison du site Campus d’Axel’One, sur le campus LyonTech-la Doua à Villeurbanne.
« Axel’One est une plateforme d’innovation collaborative dédiée au secteur chimie-environnement. Elle a développé son activité sur 3 sites : Solaize pour les procédés innovants, Saint-Fons pour les matériaux innovants, et le campus LyonTech-La Doua pour la partie recherche. D’ici quelques mois, certains de nos laboratoires de recherche travailleront sur cette plateforme » explique Eric Maurincomme, directeur de l’INSA Lyon.
1500 m2 seront dédiés à la recherche académique sur un site qui devrait donc être opérationnel début 2018. 70 chercheurs devraient être hébergés sur le campus, à l’interface entre les quartiers Chimie et Ingénierie, permettant ainsi une interaction forte entre recherche et industrie. Une halle technologique aménageable selon les besoins du client est également le point fort de ce projet emblématique de Lyon Cité Campus.
« A Lyon, nous savons travailler entre institutions académiques, TPE-PME et grandes industries sur le plan de l’innovation et du transfert technologique. Dans ce domaine de la chimie de l’environnement, le pôle de compétitivité Axelera a su fédérer les forces d’innovation académique et industrielle. Et dans notre contexte actuel de transition énergétique et écologique, le secteur de la chimie industrielle doit prendre en compte son impact sociétal et environnemental. Grâce notamment aux laboratoires de l’INSA, pour qui allier recherche, impact et création de valeurs fait partie de notre quotidien » conclut Eric Maurincomme.