Vie de campus

22 juil
22/juil/2020

Vie de campus

Requiem pour un peigne

La légendaire excroissance du bâtiment Louis Neel a tristement entamé sa chute depuis le 24 juin dernier. On l’appelait « le peigne » ou « les travées », en référence à ses quatre longs couloirs qui desservaient salles de classes et salles de travaux pratiques.

Érigé en 1957, le peigne a été l’un des premiers édifices du campus : il fallait « faire vite » pour construire en sept mois des bâtiments en dur où seraient « instruits, logés, nourris les élèves de la première année de l’Institut1. » Avec des menuiseries et façades métalliques coiffées d’ouvrants à projection à l’italienne, Jacques-Perrin Fayolle l’avait pensé plein de promesses pour les jeunes étudiants. Simple dans la structure, l’architecte n’en avait exclu ni la modernité ni l’élégance de son époque. 

Dans les travées ont déambulé les tous premiers étudiants de l’INSA Lyon. Chacune présentait un volume identique : 74,50 mètres de long, 9,90 mètres de large et 3 mètres de hauteur sous plafond, et accueillaient le « groupe des laboratoires » comme il pouvait parfois être appelé. Les plus anciens élèves se rappelleront peut-être de « la pêche aux cations » sur les paillasses en carrelage blanc, vêtus de leur blouse blanche. Symbole de la première année de formation insalienne, le peigne trônait à l’ouest de l’espace vert central du « QG des propé2 », du « PC3» ou du « FIMI4 ». Puis est arrivé un nouveau directeur5 avec l'intention de faire souffler un vent nouveau sur l’école, en ouvrant la pédagogie à de nouvelles formes : désormais, les blocs de béton carrelés des laboratoires de chimie laisseraient place aux classiques salles de classes.

Chaque insalien aura vécu entre les murs du peigne des moments mémorables : des heures de travaux pratiques de physique, de cours de langues et d’humanités… Et souvent, le souvenir a plusieurs saveurs : lorsque derrière les ossatures métalliques des façades se pointaient les rayons matinaux du soleil, l’âge de la bâtisse se faisait sentir. L’isolation bien incertaine ne ravissait ni en été, ni en hiver, doublée de l’atmosphère presque médicale indiquée par la couleur des murs surannée. Et dans le même temps, les jeunes étudiants fraîchement tombés des nids familiaux trouvaient dans ces longs couloirs bleus, un endroit de repère et de réconfort à croiser chaque jour les visages de leurs nouveaux amis. 

Si aujourd’hui les murs du peigne s’agenouillent sous les coups de l’excavatrice, c’est pour laisser place à une vue plus libre. Entre mépris et tendresse, il est certain que la communauté INSA saura, lorsqu’elle foulera de son pied l’herbe naissante d’une nouvelle coulée verte, se souvenir d’un temps qui n’est plus et comprendre les mots de Gaston Berger : « La vie, c’est le passage6. » 

L'histoire du peigne en images

1Institut National des Sciences Appliquées (revue n°14 Hygiène et Confort des collectivités, édito signé par P. Donzelot, Directeur général de l’équipement scolaire, universitaire et sportif) – en 1958.
2Les « Propédeutiques » étaient les étudiants de première année. Jusque dans les années soixante, le premier cycle était constitué d’une année, contre deux aujourd’hui. 
3Premier Cycle.
4Formation Initiale aux Métiers de l’Ingénieur.
5Marcel Bonvalet, de 1967 à 1969.
6Encyclopédie française XX, 20.02.7.