Formation

20 nov
20/nov/2018

Formation

« Ma langue, c’est celle des signes » : parcours d’un élève-ingénieur sourd à l’INSA Lyon

La surdité est un trouble mal connu qui requiert quelques stratégies de communication. Kévin Mayeux rassure : « Ne paniquez pas quand vous rencontrez un sourd ! Si vous ne connaissez pas la langue des signes française (LSF), vous pouvez mimer, écrire, faire des gestes comme si vous parliez à un copain qui porte des écouteurs ! ». 
Immersion dans le quotidien silencieux de cet élève-ingénieur en première année à l’INSA Lyon. 

Si le système éducatif tend encore à réserver aux sourds des métiers manuels et des études courtes faute de moyens suffisants, l’INSA Lyon et son Institut Gaston Berger œuvrent quotidiennement à l’accompagnement et à la réussite de tous les étudiants en situation de handicap comme Kévin.

« Je suis arrivé à l’INSA en septembre après une année de classe préparatoire difficile. Il m’est difficile de suivre les cours lorsqu’il n’y a pas d’interprète LSF disponible, et certaines matières scientifiques se heurtent parfois aux limites de la langue des signes. L’interprète ne peut pas traduire systématiquement des expressions mathématiques ou des concepts très techniques1. J’avais peur de ne pas bien m’intégrer aux autres étudiants mais j’ai trouvé un réel accompagnement de la part de l’INSA en réponse aux contraintes imposées par mon handicap. » 

C’est avec la Cellule Handicap Étudiants pilotée par l’Institut Gaston Berger, le service médical de l’INSA et l’élève-ingénieur lui-même que les moyens à mettre en place tout au long de la scolarité sont définis.

« L’objectif est d’éviter la dispense au maximum. Nous cherchons des moyens de compensation adaptés aux besoins de chaque étudiant. Ces adaptations sont possibles grâce à l’investissement des enseignants, de tous les personnels concernés et des camarades de classe », explique Eliane Roupie, coordinatrice de la Cellule Handicap Étudiants de l’INSA Lyon. 

L’adaptation au cas par cas est donc privilégiée comme l’explique Marion Fregonese, professeure au département FIMI :

« En amont de chaque rentrée, les professeurs sont réunis par l’IGB autour d’intervenants spécialisés pour comprendre les perceptions de chacun de nos élèves porteurs d’un handicap. Cela nous permet d’adapter la pédagogie et les méthodologies de travail. Par exemple, nous fournissons à Kévin les supports de cours écrits à l’avance, nous interagissons par e-mail pour répondre à ses interrogations ou nous faisons intervenir un interprète LSF si la matière le permet. Chaque handicap nécessite d’ajuster les besoins selon l’environnement. »

Dès son arrivée à l’INSA Lyon, Kévin a par ailleurs été intégré dans une famille au sein de laquelle il a rapidement trouvé sa place.

« J’étais très content de rencontrer une fille qui connaissait la LSF et surtout surpris de voir autant d’étudiants s’intéresser à ma langue. Cela m’a permis de me sentir bien à l’INSA et de prendre confiance en moi ».

En effet, les étudiants ont naturellement souhaité s’informer et parfois même se former à la LSF pour permettre une meilleure intégration de leur camarade. 

« Le handicap est l’affaire de tous. Étudiants, enseignants et services de l’INSA sont impliqués dans l’accueil de près de cent étudiants en situation de handicap sur le campus, et c’est pour cela qu’il est nécessaire de mener un véritable travail de sensibilisation », indique Eliane Roupie.

Environ 80% des handicaps sont invisibles, mais les besoins sont réels. Pour aider à ce travail de sensibilisation, l’association Handizgoud propose des ateliers ludiques et marquants, lors de la semaine du Handicap (du 15 au 23 novembre) : danse en fauteuil roulant, dîners dans le noir, handi-café, soirée handisports…

« Tous les handicaps ne sont pas nécessairement moteurs ou sensoriels », aime à rappeler Cloé Mendoza, présidente de l’association étudiante. « Nous voulons proposer des expériences significatives aux étudiants et personnels de la communauté INSA en leur permettant d’accéder aux différentes sensations associées à chaque handicap. »

 

L’INSA Lyon, une politique en faveur du handicap
« Si la dimension légale relative à l’accueil et à l’accompagnement des étudiants en situation de handicap revêt un caractère obligatoire, il est important de souligner l’investissement et la mobilisation de la communauté INSA, dont le modèle est fondé sur des valeurs sociales et humaines », précise Carole Plossu, Directrice de l’Institut Gaston Berger. L’établissement a souhaité, à travers un Schéma Directeur Handicap adopté par le CA en décembre 2017, faire de cette question une thématique transversale et l’objet d’un travail collaboratif entre une cinquantaine d’étudiants, professeurs et personnels INSA. « Beaucoup d’échanges, de mobilisation et d’investissements nous poussent à vouloir développer des actions renforcées en suppléments de celles déjà en place, notamment en termes de formation, pour continuer à faire évoluer le regard de chacun sur le handicap. » 

A l’INSA Toulouse, un glossaire en Génie Civil en LSF a été créé.