
Vie de campus
Le « Karna » : aux origines d’un festival étudiant qui fait du lien avec la cité
Depuis 1993, le Karnaval Solidaire de l'INSA Lyon anime le campus de La Doua et les rues de Villeurbanne d'une ambiance festive et engagée. À l’origine : un défilé pour mardi-gras au profit des bonnes œuvres. Aujourd’hui : un festival qui rassemble chaque année étudiants, enfants et parents villeurbannais dans une programmation diversifiée, faite d’ateliers, de concerts, de parades, de conférences et de vie sur le campus.
Au fil des éditions, le rendez-vous étudiant est devenu institution locale, portée par l’engagement bénévole et une volonté affirmée de créer du lien entre les générations et les milieux sociaux. Sur le campus ou dans la ville, « le Karna » est une caisse de résonance pour d’autres idées alternatives ; celle d’un récit de société où communauté et engagement sont mis au cœur de la cité.
Aux origines : le défilé du Carnaval
Tout débute avec un projet simple, mais ambitieux : faire du traditionnel carnaval, une action solidaire. « Quelle fierté lorsque place Bellecour, le Konvoi Humanitaire du premier défilé déposait son butin de vêtements, nourriture et de dons numéraires pour donner aux bonnes œuvres ! », peut-on lire dans les documents d’archives de la vie associative de l’INSA Lyon. C’était en 1993 : un défilé de carnaval, à l’origine de l’un des évènements les plus conséquents de la vie étudiante insalienne, le Karnaval Solidaire, anciennement le Karnaval humanitaire et solidaire.
Archives INSA Lyon
D’année en année, l’initiative prend de l’ampleur. Sauf quelques rares exceptions, les chars et les costumes défilent pour le mardi gras dans les rues de Villeurbanne. Musiciens, jongleurs, danseurs et costumes fous répondent présents à l’invitation qui réunit 2000 enfants des écoles primaires alentours. La légion est guidée par une marionnette géante, suivie des chars construits à partir de toutes sortes de palettes, cartons, cordes et caddies. Jusqu’à il y a peu, on mettait le feu à Monsieur Karnaval sur la place de la Mairie, après l’avoir suivi depuis le campus de La Doua ; une tradition abandonnée pour des raisons évidentes de sécurité mais qui n’ôte rien à la chaleureuse ambiance de l’évènement.
L’évolution vers le format « festival »
Très vite, une seule après-midi ne suffit plus à contenir l’énergie et les idées des Karnavaleux. Les festivités s’étant élargies avec une soirée spéciale à la K’fêt le vendredi de la semaine du défilé, la possibilité d’investir le campus de La Doua se présente. Le projet prend alors une nouvelle dimension : celle d’un festival ancré sur le campus, pensé comme un temps fort de rencontres et d’animations. Dès lors, durant une semaine, le campus devient un lieu de réunion pour les étudiants et les citoyens engagés. Il aura fallu quelques éditions supplémentaires pour roder le modèle économique de l’évènement et ainsi effacer un léger déficit financier qui aurait pu freiner les bonnes intentions étudiantes.
Archives INSA Lyon, VISA (1994)
C'est ainsi que le Karnaval devient rendez-vous annuel, entre le mardi gras et Pâques, offrant le loisir aux petits et grands, de profiter pleinement des parades, des conférences et des concerts en fêtant le printemps.
La fête pour les bonnes causes
Dès l’origine, la fête porte une dimension profondément solidaire. « C’est un évènement qui se veut politiquement éveillé, socialement engagé et écologiquement créatif », écrivait-on dans l’Insatiable à l’occasion d’un hors-série consacré. Déjà les premières parades prévoyaient des camionnettes pour servir des repas chauds aux personnes dans le besoin. À chaque édition, les membres redoublent d’effort pour engranger des bénéfices sur les concerts, la vente d’en-cas et de boissons, ou le bal folk.
L’engagement des bénévoles dépasse rapidement les frontières locales et se porte à l’échelle l’internationale, comme en 1995 où l’élan de solidarité inonde l’établissement tout entier : membres du personnel et étudiants décident de ne manger qu’un bol de riz pour faire réaliser une économie de fonctionnement permettant d’envoyer 33 tonnes d’aides aux réfugiés victimes de la guerre de l’ex-Yougoslavie. Les Restos du Cœur et divers projets d’accès à l’eau au Burkina Faso ont ainsi été longtemps liés avec l’association étudiante.
Archives INSA Lyon, VISA (1995)
Plus récemment, le Karna recentre ses actions sur des projets de proximité. Ces dernières années, la solidarité privilégie le soutien de projets locaux, afin de laisser la possibilité aux bénévoles de s’engager humainement et non plus seulement financièrement, sur des projets plus près de chez eux.
En 2025, le Karnaval Solidaire est en lien avec l’association C.L.A.S.S.E.S, qui accompagne des familles en grande précarité dans la scolarisation de leurs enfants sur le territoire de la métropole lyonnaise.
Ouvert sur Villeurbanne et ses habitants
Ce qui fait la singularité du festival, c’est aussi son ancrage territorial. Parmi les ambitions sociales de l’association étudiante, une intention forte perdure avec les années : celle de donner sa voix à la cité et à ses citoyens. Une action que la ville de Villeurbanne soutient de longue date et avec qui le bureau a su entretenir un lien fort. Faire du lien se traduit concrètement dans la programmation, d’une journée dédiée à la vie locale : le samedi, les associations voisines sont invitées à animer des ateliers et présenter leurs actions aux visiteurs.
Karnaval Solidaire, 2025
Le lien se renforce aussi en fin de journée où le festival attire bien au-delà du cercle étudiant ; il n’est pas rare de voir affluer des gens au-delà du campus lors des soirées. Seule « la Marmite », une scène ouverte, reste l’exception, attirant les musiciens insaliens impatients de performer. « Cette année, la nouvelle soirée théâtre et dragshow a fait venir des personnes qui ne connaissaient pas le Karna. La thématisation des soirées permet d’accueil des publics différents et cela est une force », explique Clémence, en charge de « la kom », au sein de l’association pour l’édition 2025.
Conférence Karnaval Solidaire 2025
Au Karna, c’est aussi un autre récit de société que l’on vient chercher ; un récit dans lequel la communauté est reine. D’ailleurs, l'association marque les bénévoles qui reviennent chaque année, depuis plus de 30 ans pour certains. « Cette particularité a façonné l’identité du Karna. Pour le recrutement des bénévoles, il est important pour nous de nous ouvrir à d’autres sources que celles du campus », explique Clémence. Si la majorité des membres sont étudiants à l'INSA Lyon, il n’est effectivement pas rare que des bénévoles extérieurs à l’établissement viennent prêter main-forte lors de la semaine de festivités. Ainsi, les Karnavaleux sont accueillis à bras ouvert pour s’activer autour du grand chapiteau de cirque qui prend place au milieu du campus et qui laisse cette douce sensation d’évasion de la ville pour la campagne.