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« La sobriété ne suppose pas nécessairement une baisse de la qualité de vie »
Le 18 novembre dernier, l’INSA Lyon accueillait les Rencontres du Développement Durable, en co-organisation avec l'institut Open Diplomacy. Plusieurs experts ont été invités à prendre la parole sur la thématique : « Inventer la sobriété », parmi eux, Marc Clausse, responsable de l’enjeu de recherche « énergie pour un développement durable » à l’INSA Lyon et enseignant-chercheur au CETHIL1.
L'occasion de revenir sur ce terme, « sobriété », qui s’est immiscé dans le quotidien des Français. Aujourd’hui, imposée sur fond de crise géopolitique et de pénurie, la sobriété énergétique est parfois perçue comme une contrainte. Pourtant, les réflexes nés de ce contexte difficile pourraient ouvrir une brèche pour une meilleure acceptation du changement. Entretien.
On parle beaucoup de sobriété en ce moment, notamment avec le « plan de sobriété énergétique » du gouvernement qui vise la réduction de 10 % de la consommation française d’énergie d’ici 2024. Qu’appelle-t-on « sobriété énergétique » ?
La sobriété énergétique vise à réduire l’empreinte carbone par des changements de mode de vie. Elle invite à éviter l’inutile, impliquant parfois une diminution du confort. Elle est à distinguer de l’efficacité énergétique qui relève davantage de compétences techniques et d’ingénierie. L’efficacité énergétique est un vieux concept qui consiste à améliorer la chaîne de production, en consommant moins de ressources et en toute transparence pour l’utilisateur final. D’ailleurs, même les industries les plus polluantes cherchent à faire de l’efficacité énergétique ; l’arbitre étant souvent le volet économique. L’efficacité et la sobriété énergétique se complètent. Par exemple, pour réduire la consommation d’énergie de mon domicile, si je baisse le chauffage en tenant compte des températures de consigne, je fais de la sobriété. Je peux en parallèle miser sur l’efficacité énergétique en isolant ma maison. L’exemple peut se décliner sur la mobilité : choisir une voiture qui consomme moins relève de l’efficacité ; préférer le vélo à la voiture relève de la sobriété. Ce sont souvent deux notions qui sont confondues. Pourtant, la sobriété soulève une réelle question sociétale, d’acception du changement et du mode de vie quand elle ne se heurte pas au plafond social. La sobriété peut avoir un sens différent en fonction de l’endroit où l’on se trouve sur Terre ou son niveau de revenus. Certains n’ont pas attendu la crise énergétique pour être contraint à la sobriété énergétique.
Les pays de l’Union européenne ont misé sur un objectif de décarbonation d’ici 2050. Parmi tous les gros mots de la transition énergétique, celui-ci trône en roi. Pourtant, décarbonation ne semble pas toujours rimer avec sobriété…
Pour atteindre l’objectif « zéro carbone », il y a plusieurs solutions : produire sans engendrer de CO2 (pas facile), compenser ou séquestrer les émissions carbone. En France, il y a une focale sur l’électricité : on veut électrifier la mobilité, les services, les logements… Cependant, pour qu’électrification rime avec décarbonation, il faut que la production d’électricité soit totalement décarbonnée, ce qui est loin d’être le cas en Europe actuellement. Cela implique un déploiement massif de renouvelable ou de nucléaire et ce plan massif de décarbonation devra se faire selon les ressources de chaque pays et selon un principe… de sobriété.
Le mot « sobriété » est aujourd’hui (ré)apparu en contexte de crise. Suppose-t-elle toujours le renoncement ? Devrait-elle toujours être subie ?
En réalité, ça n’est pas la première fois que ce mot apparaît. Pendant les chocs pétroliers de 1973 et de 1979, on en parlait déjà. Les premières recommandations de l’ADEME2, anciennement « agence pour les économies d’énergie » et précisément créée après la première crise pétrolière, datent de cette époque. La sobriété appelle au changement, c’est une certitude. Mais le changement ne suppose pas nécessairement une baisse de la qualité de vie. Prenons l’exemple des échanges académiques. La réflexion sur les départs à l’étranger de nos étudiants questionne : doit-on tout arrêter ? Ou faire autrement ? On pourrait repenser les échanges universitaires en priorisant des limites européennes par exemple. Sur le fond, les objectifs pédagogiques seraient atteints et le bilan carbone des échanges serait réduit. À mon sens, pour que la sobriété soit efficace -sans mauvais jeu de mot- et non subie, il ne faut pas imposer un renoncement trop fort, sous peine de voir apparaître des effets rebonds négatifs. Pour donner un autre exemple, on a longtemps considéré comme aberrant l’idée de climatiser les métros ou les RER, pour cause de gaspillage énergétique. Seulement, lorsque les épisodes de canicules ont frappé le pays, un bon nombre d’usagers, qui en avaient les moyens, ont choisi de prendre leurs voitures climatisées, faute d’un niveau de confort acceptable. Pour éviter ces effets rebonds, il faut indéniablement prendre en compte l’acceptabilité sociale, ce qui relève plus des sciences humaines et sociales que de l’ingénierie.
Vous parlez « d’acceptabilité sociale » ; pour faire accepter la sobriété énergétique, faut-il travailler à un nouvel imaginaire collectif ? Comment l’ingénierie peut-elle aider à cela ?
Pendant longtemps, on nous a vendu le rêve que conduire sa propre voiture était gage de réussite sociale ; peu importe l’usage que l’on en faisait, posséder une voiture, c’était « réussir sa vie ». Aujourd’hui, en utilisant les mêmes mécanismes, on nous vend la voiture électrique pour « rouler propre ». Pourtant, si l’on imagine tous les véhicules individuels thermiques remplacés par de l’électrique, l’impact environnemental serait évidemment désastreux, ne serait-ce que sur la question des batteries, du recyclage et des ressources qu’elles nécessitent. Maintenant, si on travaille à un nouvel imaginaire qui considère qu’une voiture peut être électrique et partagée, on peut arriver à des objectifs très forts en matière de décarbonation et de préservation des ressources. Dans le même temps, on pourrait imaginer que l’ingénierie accompagne ce nouvel imaginaire, en apportant le confort acceptable pour éviter les effets rebonds. Même si je crois qu’il faudrait remettre la science au centre de l’économie car les enjeux d’épuisement des ressources et les limites planétaires sont des faits physiques, la technique n’est jamais la solution miracle. Si elle aide très largement à l’efficacité énergétique, elle ne peut lever seule les verrous sociologiques. C’est d’ailleurs pour cette raison que les approches interdisciplinaires, en recherche notamment, sont indispensables à la transition énergétique.
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[1] Centre d’énergétique et de Thermique de Lyon (INSA Lyon/CNRS/Lyon 1)
[2] Agence de la Transition Écologique

INSA Lyon
Interview croisée #RDD2022 : Thomas Friang – Frédéric Fotiadu
Thomas Friang, Cela fait trois ans que vous avez fondé les RDD. Pourquoi ? Quelle est la vocation de cet événement ?
Depuis la création des Rencontres du Développement Durable sous le haut patronage du Président de la République en 2020, l’Institut Open Diplomacy et ses partenaires académiques poursuivent l’objectif d’organiser un rendez-vous annuel, gratuit, accessible au plus grand nombre pour que chacune et chacun puisse s’emparer des grands enjeux du développement durable. Cet événement est l’opportunité pour tous les citoyens de dialoguer avec les meilleurs experts du sujet. Le référentiel de nos débats sont les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies qui permettent d’aborder à la fois les aspects environnementaux économiques et sociaux des défis de la transition. Cette troisième édition est placée sous le haut patronage de la Présidente de l’Assemblée nationale. Elle s’inscrit dans un contexte particulier d’abord à cause de la guerre en Ukraine, dans laquelle les ressources énergétiques comme agricoles sont employées comme des armes de déstabilisation mondiale.
Frédéric Fotiadu votre établissement co-organise les RDD avec L’Institut Open Diplomacy. Pourquoi avoir pris cet engagement ? Qu’est-ce qu’il signifie aux yeux de votre école ?
Ce partenariat avec l’Institut Open Diplomacy s’inscrit très clairement dans la stratégie de l’INSA Lyon. Dès 2018, dans le cadre d’une démarche prospective conduite selon la méthode de notre père fondateur, Gaston Berger, les questions de développement durable ont été abordées dans une logique de long terme à horizon 2040. Ces travaux ont montré l’urgence à se mobiliser fortement pour répondre aux défis de la transition. Dans ce contexte, nous avons élaboré une stratégie d’établissement très ambitieuse et engagé une transformation globale de l’INSA, qui s’articule autour de cinq grandes transitions : une transition énergétique, environnementale, écologique, une transition numérique, une transition sociale, une transition de modèle économique, une transition institutionnelle. Cette grille d’analyse est aujourd’hui, pour nous aussi, croisée avec la grille de lecture des ODD. Tous les programmes qui visent à répondre aux objectifs de nos cinq grandes transitions sont déclinés en ODD. Cette approche se traduit de manière opérationnelle par des grands programmes d’actions. Notre premier levier d’action étant la formation des ingénieurs que nous mettons à la disposition de la société et des entreprises, nous intervenons tout particulièrement sur l’évolution de nos enseignements. Dans ce domaine, nous avons notamment travaillé avec The Shift Project. Notre partenariat avec l’Institut Open Diplomacy s’inscrit dans cette même logique. Il s’agit ici de nous nourrir de l’ensemble des réflexions conduites par des experts de différents horizons, dans une vision mondiale et systémique. Comme l’Institut Open Diplomacy, nous travaillons dans une logique d’Open Innovation. Tous les éléments de production, de réflexion et de retour d’expériences de l’INSA sont mis à la disposition de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche et de la communauté internationale pour contribuer à accélérer la transition de l’ensemble des organisations.
Cette troisième édition des RDD est devenue l’anniversaire officiel de l’adoption des ODD par la France. Comment est-ce venu ?
Thomas Friang - Les RDD mobilisant aujourd’hui un écosystème de plus de 70 acteurs de la société civile, le ministère a jugé qu’il était opportun de mutualiser nos forces pour célébrer l’adoption des ODD. Cette démarche avait d’autant plus de sens au regard de l’ODD 17 « partenariats pour la réalisation des objectifs », qui suppose de rassembler des universités, des entreprises, des collectivités locales, des associations, des ONG, des Think Tank, pour contribuer à la réalisation des objectifs. Le ministère a ainsi souhaité célébrer l’anniversaire de l’adoption des ODD par la France dans la logique de l’ODD 17 en s’appuyant sur les RDD. Le délégué interministériel et commissaire général au développement durable a choisi de nous confier cette tâche, ce qui est la preuve d’une grande confiance pour notre travail d’intérêt général, mobilisant l’excellence scientifique de nos partenaires académiques. L’objectif de cet anniversaire est de faire en sorte qu’un nombre toujours plus important de Français disposent de clés d'analyse et de compréhension pour appréhender la complexité des transitions.
Votre établissement est engagé au service du développement durable. Alors qu’une partie de l’anniversaire français des ODD va se dérouler sur votre campus, pouvez-vous nous rappeler vos principaux engagements ?
Frédéric Fotiadu - Les engagements de l’INSA se déclinent dans la totalité des missions de l’établissement. Par exemple, depuis 2015, notre recherche n’est plus seulement organisée autour de champs thématiques, mais au travers de cinq enjeux qui maillent précisément les ODD. Nous avons ainsi structuré notre recherche pour répondre aux défis sociétaux. Cette recherche a aussi donné lieu à des relations partenariales avec les entreprises autour de ces enjeux, qui font notamment l’objet de chaires. Une autre innovation à souligner est celle portée par la Fondation INSA avec « les Alliances ». Ce dispositif vise à mettre en place des coopérations entre des acteurs du bien public, des ONG notamment, des entreprises mécènes et l’INSA à travers l’expertise de nos laboratoires et la mobilisation de nos élèves. Nous pouvons ainsi proposer à des structures, comme Handicap International par exemple, des modalités de collaborations extrêmement innovantes pour élaborer des solutions techniques et technologiques aux défis qu’elles rencontrent sur leurs différents terrains d’intervention, dans une logique de sobriété et d’innovation frugale. Au niveau de la formation, nous transformons nos approches pédagogiques sur cinq ans pour aborder de façon pluridisciplinaire les défis de développement durable. Il s’agit d’une transformation extrêmement profonde qu’on opère de manière très collaborative, en impliquant l’ensemble des parties prenantes de l’INSA, à commencer par les élèves, mais aussi les entreprises. Nous sommes également un campus démonstrateur, tout particulièrement engagé sur notre propre bilan carbone. Depuis une décennie, nous transformons ainsi notre site pour améliorer la performance énergétique de nos bâtiments et expérimenter des solutions grandeur nature en matière de développement durable, comme par exemple la gestion des eaux pluviales ou encore la réduction des îlots de chaleur urbains. Cet engagement est partagé, ouvert sur la société, comme l’illustre notre partenariat avec l’Institut Open Diplomacy. Nous nous impliquons dans une logique contributive, pour proposer, apporter notre pierre à l’édifice mais aussi s’inspirer de ce qui se fait de mieux.
Alors que nous marquons le 7e anniversaire des ODD, tous les indicateurs sont au rouge. La pandémie et la guerre en Ukraine ont provoqué de sérieuses difficultés pour atteindre les ODD. Y a t il une réelle raison de « fêter » cet anniversaire ?
Thomas Friang - Il s’agit ici de célébrer l’existence du référentiel des ODD, qui propose une seule et même boussole pour comprendre les enjeux de développement durable. Ce tableau de bord commun au monde entier nous permet aussi de réaliser que nous disposons, ensemble, de leviers d’actions majeurs. Par conséquent, l’anniversaire des ODD est également là pour rappeler la mobilisation nécessaire de l’ensemble des acteurs de la société civile pour élaborer les solutions les plus structurantes, transformer les filières industrielles et orienter les investissements d’avenir aux côtés de la puissance publique.
Quel vœu formulez-vous pour que nous puissions « entreprendre la France de 2030 », qui est le thème de cette troisième édition des RDD ?
Frédéric Fotiadu - Notre propre horizon stratégique à l’INSA Lyon est 2030. C’est donc une échéance que nous partageons. Je souhaite surtout qu’on arrive à partager, à travers cette édition, le sentiment d’urgence et le niveau de mobilisation nécessaire. De notre point de vue, les enjeux socio-écologiques et numériques sont les deux facteurs majeurs d’accélération de l’Histoire, c’est-à-dire d’accélération des mutations de notre société. Ils doivent être totalement pris en compte dans la transformation globale des organisations.
Cette journée lyonnaise sera dédiée à la sobriété, comment imaginer une trajectoire de progrès économique compatible avec les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050. Des tables-rondes, des conférences et des ateliers sont accessibles à toutes et tous.
Programme et inscriptions 👉 https://www.les-rdd.fr/lyon-18-11

Sciences & Société
Les Rencontres du Développement Durable // « 2022, entreprenons la transition ! »
Une organisation conjointe de l'Institut Open Diplomacy et de l'INSA Lyon
Cette année, les RDD permettront officiellement de célébrer l'adoption, par la France, de l'Agenda 2030 des Nations unies #ODD.
L'étape lyonnaise aura lieu le vendredi 18 novembre de 9h à 19h avec pour thématique : « Inventer la sobriété »
Cette journée sera dédiée à l’étude de la notion de découplage entre la croissance économique et la croissance des émissions de gaz à effet de serre pour imaginer une trajectoire de progrès économique compatible avec les objectifs de neutralité carbone à horizon 2050.
Informations complémentaires
- https://www.les-rdd.fr/rdd-2022
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Les Rencontres du Développement Durable
Une organisation conjointe de l'Institut Open Diplomacy et de l'INSA Lyon
Les RDD sont organisées à l’issue de l’Assemblée générale de l’ONU à travers toutes les régions françaises pour permettre à tous de réfléchir à ces problèmes dont les solutions viendront de l’action internationale comme des politiques territoriales.
Le programme des Rencontres du Développement Durable 2021 a été co-construit avec l’ensemble des partenaires rassemblés par l’Institut Open Diplomacy pour permettre à chacune et chacun de s’emparer des enjeux écologiques. Des villes durables à la finance responsable, en passant par l'industrie du futur, les partenaires ont choisi 10 fils rouges pour aider les citoyens à rentrer dans l’univers complexe de la transition écologique et solidaire.
BÂTIR DES VILLES DURABLES
- 9h15 à 9h40 | Ouverture de la journée
- 9h45 à 11h05 | Table-ronde #1 - La ville face au défi de l’adaptation au changement climatique
Alors qu’elles représentent 75 % des émissions de gaz à effet de serre et qu’elles sont l’épicentre de l’artificialisation des sols, les villes amorcent aujourd’hui un virage écologique majeur. La pandémie - remettant en cause le mode de vie urbain - a accéléré cette mutation. S’adapter à la crise climatique en végétalisant, en améliorant l'efficacité énergétique du bâti, et lutter contre la pollution constituent les dossiers en haut de la pile des maires car une question clé se pose : d’ici la fin du 21e siècle, pourrons-nous encore imaginer vivre en ville ? L’exode urbain, nouvel exode ?
- 11h15 à 11h35 | Keynote #1 - Stream « Penser l'après avec les ODD »
- 11h45 à 12h45 | Masterclass #1 - Stream « Défendre les générations futures »
- 14h00 à 15h15 | Table-ronde #2 - Smart cities : inclure petites ET grandes communes ?
La pandémie nous a projetés dans le tout numérique, où le télétravail généralisé provoquera, à court terme, une recomposition des espaces. Dans cet avenir incertain, quelle sera la place des smart cities ? Comment ces villes-réseaux, vecteurs d’améliorations considérables de notre qualité de vie et sources de nouvelles failles de cybersécurité, vont s’inventer ? Comment vont-elles se dessiner à l’heure où les bassins de vie et les bassins d’emploi sont en pleine révolution et où l’articulation entre les espaces ruraux et les espaces urbains sont au cœur des enjeux de cohésion sociale ? La promesse de mobilités plus efficaces et plus sobres qui en est le cœur sera-t-elle encore valable dans un monde post-COVID ?
- 15h30 à 15h55 | Keynote #2 - Stream « Construire l'avenir de l'Union »
- 16h05 à 17h20 | Masterclass #2 - Stream « Faire un monde plus solidaire »
- 17h30 à 18h30 | Clôture « Bâtir des villes plus résilientes » - Stream « Penser l'après avec les ODD »
Informations complémentaires
- https://www.les-rdd.fr/27-9-a-lyon
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INSA Lyon
« Si on ne s’attaque pas à la question de l’égalité, on verra poindre une crise dans la crise. »
Le 22 avril prochain, l’INSA Lyon accueillera l’étape lyonnaise du « Grand Tour #NotreGénérationÉgalité » qui porte une ambition forte : favoriser l’égalité réelle dans une société plus inclusive, durable et respectueuse de chacune et chacun. Pour concrétiser cette ambition, le « Grand Tour » propose une quinzaine de rendez-vous consultatifs pour connecter les préoccupations de toutes et tous à l’action diplomatique du pays en vue du sommet initié par ONU Femmes, le Forum Génération Égalité. Et la communauté de l’INSA Lyon est sollicitée. Thomas Friang, fondateur et directeur général de l’Institut Open Diplomacy, explique la démarche qui se veut participative.
Une tribune publiée dans les pages du Monde, également co-signée par l’INSA Lyon, débute sur l’idée suivante : d’un point de vue législatif, l’égalité est « en bonne voie », mais la réalité est encore toute autre. Pourquoi les lois ne suffisent-elles pas à construire une société égalitaire ?
Ce que cette idée veut surtout dire, c’est que bâtir une société exemplaire est plus difficile que de faire une loi. Bien sûr, l’arsenal législatif renforce les moyens de lutter contre les inégalités et ont des répercussions très concrètes comme la loi Veil qui a permis la dépénalisation de l’avortement ou la loi Coppé-Zimmerman qui veille à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration par exemple. Ces lois existent et ont fait progresser l’égalité femmes-hommes, mais elles ne nous emmènent pas au dernier kilomètre. Ce qui prend du temps, c’est le développement d’une culture égalitaire qui n’adviendra que quand cet objectif sera partagé, non pas seulement par les pouvoirs publics, mais par la société toute entière, les entreprises et les associations autant que les collectivités publiques, par les hommes autant que par les femmes. On ne peut pas parvenir à une société égalitaire sans que chacun des acteurs ne soit impliqué dans la conception et la mise en œuvre de cette société plus juste. L’esprit et les moyens de la législation sont une chose, son appropriation par toutes les forces civiques en est une autre. Nous souhaitons passer des droits formels aux droits réels.
Le « Grand Tour » donne lieu à plusieurs grandes conférences et fera étape -virtuellement - à l’INSA Lyon le 22 avril prochain. Il convie la communauté insalienne à exprimer ses idées pour construire une société égalitaire. Ce que l’Institut Open Diplomacy nomme « la philosophie de la diplomatie participative » est donc une façon de passer du cadre législatif à une réalité plus égalitaire ? Pourquoi solliciter les établissements d’enseignement supérieur en particulier ?
Effectivement, ces quinze rendez-vous citoyens prépareront « Le Forum Génération Égalité », un sommet initié par ONU Femmes que la France et le Mexique co-présideront en juin. Cela fait 26 ans que la « Plateforme d’action de Beijing » a été adoptée et a fixé un cadre normatif. Maintenant, il faut passer à l’action avec des engagements mesurables avec des effets prévisibles à 5 ans. Les établissements comme l’INSA Lyon sont des acteurs indispensables pour plusieurs raisons. D’abord, ces établissements sont des employeurs dont les politiques RH doivent être en phase avec l’égalité femmes-hommes. L’enseignement supérieur et la recherche sont globalement assez paritaires, même s’il y a encore beaucoup de progrès à faire à la tête des établissements. Ensuite, les écoles et universités forment des étudiants, qui sont des citoyens. Ils sont donc en capacité directe de contribuer à faire advenir « la génération égalité », car le passage à l’égalité réelle, c’est la génération qui arrive qui pourra l’atteindre. Enfin, la mission de partage de la science dans le débat public dans ces établissements est particulièrement intéressante pour contribuer à structurer le débat public. À l’INSA Lyon, l’Institut Gaston Berger va jouer un rôle très important, car l’égalité est l’une de ses raisons d’être, et travaille quotidiennement sur le sujet. Les évènements diplomatiques où la société civile est conviée sont finalement très rares et pourtant, ce que j’ai pu remarquer durant les trois premières étapes du Grand Tour, c'est que les contributions concrètes des étudiants, enseignants, chercheurs et personnels sont très écoutées par les parlementaires, présidents de Région et les ministres présents.
Après le Grand Tour, les propositions seront compilées et proposées lors du « Forum Génération Égalité », présidé par le président de la République, Emmanuel Macron : la diffusion des idées citoyennes aura donc une issue concrète. Quel est le plan, ensuite ?
Le « Grand Tour » débouchera en juin sur ce sommet initié par ONU Femmes que la France préside. À cette occasion seront lancées, avec plus de 60 États partenaires, des actions concrètes à l’échelle internationale, nourries des contributions des Françaises et des Français que nous aurons recueillies. Ce que j’observe déjà, c’est que le processus lui-même est très instructif. Lorsque nous tenons les conférences consultatives région par région, je vois des ministres prendre des notes. Cela signifie que les propositions citoyennes n’attendent pas le sommet onusien pour être diffusées. Les idées qui émergent des conférences impriment déjà les esprits. C’est d’ailleurs ce que prouve la démocratie participative : le pouvoir ne réside pas qu’entre les mains des politiques, mais bien entre toutes les mains de tous les acteurs du corps social. C’est l’esprit civique qui nous anime : fournir aux Françaises et Français tous les outils pour prendre conscience de leurs rôles respectifs dans ce combat culturel et passer à l’action.
« Génération Égalité ». Ne pourrait-on pas aussi la nommer « génération environnement », « génération biodiversité » ou « génération société numérique » ? Cela fait beaucoup pour les épaules d’une seule génération, non ?
C’est une question extraordinairement difficile qui est un problème de philosophie politique. De mon point de vue, il ne faut pas voir l’enjeu de l’égalité comme une tâche supplémentaire dans la « to-do list » des gouvernements. Ce que l’on remarque à chaque crise, et la crise sanitaire en est un exemple parlant, c’est que les inégalités sont toujours plus accentuées : parmi tous ceux qui souffrent, il y a toujours une partie de la population qui paye une facture plus élevée que le reste, et c’est souvent celle qui est déjà discriminée. Si on ne s’attaque pas à la question de l’égalité, qu’elle soit de genre, raciale ou sociale, on verra poindre une crise dans la crise. Et au final, la cohésion sociale, notre atout le plus précieux pour faire face à ces défis, sera elle-même affectée. Travailler sur l’égalité femmes-hommes, y compris par temps de pandémie ou de crise climatique est un paramètre majeur pour résoudre l’équation. Mieux, c’est une opportunité pour traiter plus intelligemment la crise, y apporter une réponse plus durable et efficace.

L’INSA Lyon accueille l’étape régionale du Grand Tour #NotreGénérationÉgalité le jeudi 22 avril 2021. Cet événement se déroulera sous la forme d’une conférence consultative en ligne de 14h à 17h.
De nombreuses personnalités échangeront autour d’idées à mettre en place pour élaborer un programme d’actions concrètes et prendre des engagements sur les cinq prochaines années afin de faire progresser durablement l’égalité femmes-hommes dans le monde. Cette étape régionale sera marquée par la participation de M. Cédric O, Secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
Inscription : https://www.open-diplomacy.eu/grand-tour-generation-egalite
Podcasts « Les cœurs audacieux » - Saison 1 / Épisode 6 - 24 juin 2021