Les matériaux textiles ont deux caractéristiques essentielles : l'une est technique, résultant du choix des fibres et de leur assemblage en tissus, la seconde est esthétique, liée à la matière et à sa finition. La valeur d'un objet textile est associée à la fois à la technique et à l'esthétique, elle est liée à l'usure réelle complétée par l'attachement du consommateur. La fin de vie de ces textiles peut survenir parce qu'ils sont usés et endommagés ou parce qu'ils ne sont plus appréciés ou considérés comme dépassés. Ainsi, ils peuvent avoir plusieurs vies, être réutilisés, réparés, transformés (upcyclés) avant d'être broyés pour être recyclés.

Ce projet se concentre sur ces différentes boucles de fin de vie possibles, sur l'éco-conception des textiles et sur l'analyse des textiles mis au rebut, ainsi que la conception d’objets textiles centenaires, dont la durée de vie dépasserait deux générations. L'objet textile sera étudié selon les 3 échelles : l'échelle moléculaire, celle des polymères constituant les fibres, l'échelle des tissus textiles, et l'échelle des articles, et en particulier des vêtements.

À l'échelle moléculaire, lors de l'étape de synthèse macromoléculaire ou de formulation des polymères, l'incorporation de certains éléments constitutifs pertinents dans le squelette du polymère ou de certains additifs dans le polymère peut être une voie pour apporter des performances mais aussi la capacité d'être réparé, trié, réutilisé ou recyclé. Une approche "material by design" permettra de synthétiser des macromolécules éco-conçues, c'est-à-dire constituées de liaisons dynamiques qui peuvent se former ou se rompre sous l'effet de stimuli (température, lumière, pH) en utilisant des réactifs chimiques verts, des monomères biosourcés et un procédé propre.

Au niveau macro, l'objectif est de concevoir des textiles dont les états de surface évoluent au fil du temps d'utilisation afin de consolider les charges affectives de l'utilisateur sur son objet et de prolonger sa durée d'utilisation. La recherche se concentre sur l'évolution des propriétés et des qualités des matériaux et des colorants naturels au cours de l'utilisation. Elle remet en question la perception de l'usure comme un impact négatif. Elle vise à ouvrir des interprétations plus larges de ce qui constitue un textile ou un produit fini, et sa fin de vie.

Le deuxième objectif est de mieux comprendre les gisements pour optimiser les processus de transformation des textiles usagés et de recyclage. Il porte sur l'origine de ces gisements et la nature de leurs défauts d'usage d'une part et sur les conditions nécessaires à leur transformation dans les différentes options de recyclage d’autre part.

Les perceptions et les significations associées aux textiles non désirés par les consommateurs seront évaluées à partir de méthodes qualitatives telles que les ethnographies dans l'espace domestique, les entretiens, l'anthropologie visuelle, l'analyse socio-historique et aussi par des méthodes quantitatives avec des enquêtes.

Ensuite, les textiles post-consommation non désirés seront qualifiés. Des caractéristiques d'usure et des indicateurs d'hétérogénéité seront ajoutés à la composition et à la structure textile des textiles jetés. En parallèle, les filières de recyclage des vêtements seront étudiées à partir de la littérature scientifique et complétées par une analyse dans les entreprises françaises. Cela permettra de mettre en place des scénarios de cycle de vie des vêtements avec différentes boucles de fin de vie et, en utilisant l'ACV, de rechercher ceux qui conduisent à une diminution des impacts environnementaux. Les critères pertinents pour anticiper le recyclage seront définis : nature des fibres et structure des tissus, conditions d'utilisation (durée et défauts générés), valorisation en fin de vie, nombre de boucles avant recyclage. Un outil d'aide à la décision pour optimiser le choix des filières de recyclage des textiles mis au rebut sera proposé.