Formation

07 mai
07/mai/2020

Formation

Le campus Auto’mobilités pour répondre aux enjeux de « l’après »

Dans une France confinée, une pause s’est imposée à la mobilité : des autoroutes tranquilles, peu de transports individuels roulant en centre-ville, un ciel bleu dénué d’avions… Pour le moment. À l’heure où le déconfinement s’annonce, le souvenir du bourdonnement des villes et de ses voitures nous revient progressivement en mémoire. Comment doit-on imaginer la mobilité de l’après-confinement ? Sébastien Morterolle, maître de conférences au département génie mécanique et chercheur au LaMCos1 mise sur l’électrification des véhicules. D’ailleurs, il fait partie du comité de pilotage du campus des métiers Auto’Mobilités. Explications.

L’Être nomade en quête du « zéro émission »
La mobilité est figée depuis 52 jours déjà. La réflexion date de plusieurs années pour les grandes villes du pays : envisager de nouveaux plans de mobilité pour leurs centres, entre impératifs environnementaux et normes européennes d’émissions de gaz à effet de serre. « Depuis des mois déjà, les villes accéléraient le mouvement vers le ‘zéro émission’ en envisageant des zones privilégiées, en souvenir des sanctions de la justice européenne sur le NO
2 notamment. Du côté des équipementiers automobiles, il fallait aussi changer son fusil d’épaule car depuis 2014, nos dirigeants européens avaient validé le règlement ‘Corporate Average Fuel Economy’ (CAFE) qui plafonne le rejet de CO2 des nouveaux véhicules à 95g/km, favorisant le développement des véhicules électriques dans les parcs automobiles. D’ailleurs, on peut apercevoir de plus en plus de voitures électriques dans les grandes villes et petit à petit, on voit des camions poids-lourds assurer des livraisons et le ramassage des déchets ménagers. Les enjeux de la mobilité sont plus que jamais d’actualité », introduit Sébastien Morterolle. 

Si les solutions alternatives au modèle vieillissant du « chacun sa voiture diesel ou essence » n’avaient pas fini de convaincre le plus réticent des consommateurs, la crise sanitaire aurait-elle accéléré une prise de conscience de l’hyper-mobilité à laquelle il était habitué ? « Il est peut-être trop tôt pour annoncer un tournant décisif à l’heure actuelle mais le confinement nous ayant immobilisés, je pense qu’une prise de conscience du côté des consommateurs a été amorcée plus rapidement qu’espéré. De plus, 2020 est une année charnière pour le véhicule électrique, grâce au dispositif de bonus européen », poursuit Sébastien.

Repenser les usages et les matériaux
Le 12 mars 2020, le Président de la République annonçait vouloir « tirer des leçons du moment que nous traversons, interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé notre monde depuis des décennies ». Le secteur de la mobilité n’a pas attendu cette injonction pour remettre en question son modèle, voyant planer au-dessus de sa tête l’enjeu environnemental, incompatible avec les milliards de moteurs à explosion encore endormis dans nos garages de conducteurs confinés. Entre différentes technologies émergentes, Sébastien, lui, travaille à l’hybridation des moteurs. « Les recherches au sein de laboratoires de l’INSA se concentrent sur l’électrification des véhicules et la gestion optimale de l’énergie, ainsi qu’au développement des batteries, de la pile à hydrogène et du véhicule connecté. Ce sont des technologies émergentes dont il faut parfaire le modèle. Parmi les enjeux de l’automobile électrique, le recyclage des batteries et la source de production de l’électricité sont deux grands aspects à traiter pour réellement réduire le coût écologique de ces véhicules. Autrement, on ne ferait que déplacer le problème. »

Selon Sébastien, repenser le véhicule et ses aspects techniques ne sont qu’une partie de l’iceberg. « Une fois le véhicule en lui-même repensé de façon plus ‘propre’, il faut s’atteler à l’offre de service qui l’accompagne. En développant des véhicules électriques, il faut penser un nouvel environnement qui permettra l’accès aux bornes de recharge. Un autre paramètre à envisager est celui de l’évolution des usages de déplacements : par exemple, le ‘free-floating’, un modèle d’autopartage en libre-service sans borne qui permettrait de réduire drastiquement l’usage de la voiture personnelle en ville se développe à vitesse grand V », poursuit Sébastien. 

Former les jeunes générations aux enjeux du futur de la mobilité
À nouvelle ère pour la mobilité, nouvelles compétences à développer pour les prochaines générations de professionnel du transport. Les besoins en maintenance électrique sur les véhicules et les bornes de recharges se faisant déjà sentir, les étudiants ont besoin de basculer vers ces nouvelles technologies pour entrer dans le monde du travail. Pour faire avancer la formation autour de ces nouveaux métiers de la mobilité, des établissements de formation, des laboratoires, des enseignants et des professionnels de l’automobile se sont réunis autour d’un important projet : le campus des métiers Auto’Mobilités. « Notre objectif est double : mettre en lien le monde universitaire académique avec les industriels tout en répondant aux enjeux de mutations technologiques et sociologiques de la mobilité. Le comité de pilotage, actif depuis trois ans, travaille à identifier les grands besoins de l’avenir de la mobilité, notamment électrique. Le campus a pour vocation de réfléchir aux nouvelles compétences à développer pour les futurs experts et mettre en place des actions pour orienter les jeunes vers ces futurs métiers », poursuit le maître de conférences.  

L’INSA Lyon : le lieu totem du campus
Le projet campus Auto’Mobilités a déjà bénéficié d’une subvention nationale comme Projet d’Investissement d’Avenir (PIA) pour financer un banc d’essai à rouleaux que les étudiants ont déjà expérimenté pour tester les véhicules. « L’idée du campus est de créer un lieu vitrine autour de « l’automobilité », toujours pour attirer les futurs étudiants et surtout, aménager un espace dédié qui renforcerait le sentiment d’appartenance au secteur qui n’attire plus beaucoup depuis quelques années. Pour donner corps au projet, nous souhaitons que l’INSA Lyon devienne le lieu totem de cette thématique car beaucoup d’acteurs insaliens travaillent sur la mobilité et de nombreuses formations sont « colorées » véhicule , comme la mécatronique. Nous plaçons beaucoup d’espoirs dans cette initiative, notamment avec la création d’un mastère spécialisé mention conception véhicule électrique dont les cours se dérouleraient dans nos murs, à l’INSA Lyon. En attendant la labellisation du projet dont la demande est en pause en raison de la crise sanitaire, et en attendant la mobilité du futur, restons encore un peu chez nous », conclut Sébastien Morterolle.

1 Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures (INSA Lyon/CNRS)