
INSA Lyon
« Face à l’urgence climatique, l’INSA s’est engagé dans une transformation profonde, au cœur de laquelle se trouvent nos diplômés »
L’année scolaire 2022/2023 est lancée. L’occasion de faire le point avec Frédéric Fotiadu, directeur de l’INSA Lyon, sur les actions entreprises par l’établissement pour répondre aux défis sociétaux actuels.
Canicules, incendies, inondations… La crise climatique touche toujours plus durement la France, comme le reste du monde, illustrant les derniers rapports du GIEC, qui a appelé à des mesures immédiates, radicales pour « garantir un avenir vivable ». Face au défi climatique, comment l’école se saisit de cette urgence ?
L’INSA Lyon s’est mobilisé très tôt en faveur du développement durable et de la responsabilité sociétale de ses ingénieurs. Notre école s’est dotée d’une cellule DDRS, d’un chargé de mission et d’outils et en plaçant la question du développement durable et de la responsabilité sociétale au cœur de son pilotage et de son organisation. Au cours du contrat quinquennal 2011-2016, la recherche de l’INSA Lyon a été structurée autour de cinq grands enjeux sociétaux. À partir de 2018, la démarche prospective engagée par notre établissement s’est saisie de cette question de manière très forte, en impliquant l’ensemble des parties prenantes internes et externes de l’école. Dans le même temps, le sentiment d’urgence et la volonté de se mobiliser pour y répondre prenaient corps parmi les élèves et les enseignants-chercheurs. Cela s’est traduit en particulier par la constitution de « groupes transitions » au sein de départements afin d’agir sur la formation des ingénieurs pour mieux répondre à ces enjeux socio-climatiques. Fin 2019, a été votée, en conseil d’administration de l’INSA Lyon, la première lettre de cadrage sur l’évolution de la formation afin d’irriguer tous les niveaux du cursus ingénieur. De mon point de vue, ce travail doit se prolonger sur la formation doctorale, la formation continue et les nouveaux programmes Erasmus Mundus sur lesquels nous travaillons avec nos partenaires.
Début 2020, avant même que Jean Jouzel ne soit mandaté par la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, nous nous sommes saisis de cet enjeu à l’échelle du Groupe INSA, en parfait accord avec notre mission : former des ingénieurs humanistes conscients de l’impact de leurs actions et dotés des meilleures capacités à agir. Nous avons alors souhaité nous associer avec un think tank de référence en la matière, The Shift Project, qui est aussi représentatif de cette mobilisation à l’échelle de la société civile – particuliers, décideurs économiques, institutionnels et politiques. Ce partenariat a permis d’aborder ces sujets complexes avec une réelle hauteur de vue, dans une logique d’innovation partagée. Il a véritablement renforcé la mobilisation de l’ensemble de notre communauté sur l’enjeu de transformation de la formation, tout en donnant lieu à la production de documents de référence mis à disposition de tous les acteurs de l’enseignement supérieur.
Dans le cadre de la fondation INSA, en lien avec des entreprises partenaires telles que Vinci, des réflexions et des échanges contradictoires sur des thématiques telles que « les ingénieurs peuvent-ils réparer le monde ? » ont également pu être organisés. L’INSA cherche enfin à prendre part au débat public sur le rôle de l’ingénieur face à ces enjeux socio-écologiques à travers des interventions dans les médias, comme le magazine Usbek et Rica ou des conférences comme Les Rencontres du Développement Durable.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cette évolution de la formation ?
C’est une évolution qui s’inscrira dans la durée. C’est aussi une évolution qui a tendance à masquer le « r » de révolution, tant l’urgence et le caractère radical des transformations s’imposent à nous aujourd’hui. Il s’agit de maintenir une qualité de vie de l’humanité et les équilibres des écosystèmes à l’échelle de la planète. C’est précisément dans ce contexte que s’inscrit l’ensemble de la dynamique de transformation de l’INSA Lyon.
En matière de formation, nous avons identifié deux enjeux clés : l’enjeu socio-climatique et l’enjeu numérique. Dans une école d’ingénieurs comme la nôtre, ces deux enjeux peuvent et doivent faire système. Ce sont en effet les deux facteurs majeurs d’accélération de l’histoire et de mutation de nos sociétés. Ils ont ainsi été placés au cœur de l’évolution des enseignements de l’INSA Lyon, dont le principal levier d’action, face aux défis socio-écologiques, sont les diplômés, ingénieurs et docteurs que nous formons. Je vous invite d’ailleurs à participer au webinaire « former les ingénieurs humanistes de demain » qui aura lieu le 27 septembre, à l’initiative de Nicolas Freud, chef de projet évolution de la formation et Carine Goutaland, Directrice du Centre des Humanités.
Vous parliez de transformer l’institution elle-même. Les bâtiments sont un des leviers de cette transformation. Qu’en est-il de l’évolution du campus ?
De fait, la pertinence des choix qui ont été opérés sur la décennie écoulée en matière de rénovation des bâtiments est assez exemplaire. L’INSA Lyon a choisi d’agir de façon prioritaire sur la question de la performance énergétique, objet aujourd’hui de toutes les attentions. Le plan campus a permis la rénovation énergétique des premiers bâtiments. Le plan de relance l’a complété. Nos priorités sont de poursuivre les opérations de rénovation, notamment dans le cadre du CPER (Contrat Plan État-Région), pour donner à la fois plus de confort aux usagers et réduire notre impact carbone. Je voudrais également souligner l’importance des espaces non bâtis et je me réjouis de voir la part consacrée aux espaces verts progresser sur notre campus. Ils contribuent à rendre notre environnement de vie plus agréable à travers, notamment, un ambitieux programme de plantations, une réduction des îlots de chaleur urbain et un développement de la biodiversité. Notre recherche contribue également à faire de la Doua un véritable campus démonstrateur pour inventer la ville de demain, avec des expérimentations grandeur nature de nos laboratoires.
Pour être légitime, nous nous devons d’être exemplaire sur notre campus, comme dans l’ensemble de nos activités. C’est précisément ce qu’on propose de poursuivre dans le futur contrat pluriannuel avec l’État.
À quelle étape se trouve le travail mené conjointement ces deux dernières années avec les quatre écoles d’ingénieurs du site Lyon-Saint-Étienne ?
Aujourd’hui, dans un contexte où le site de Lyon-Saint-Étienne doit se réinventer, repenser son organisation et ses schémas de coopérations entre établissements, nous proposons de mobiliser l’extraordinaire potentiel de l’ingénierie, collectivement. En effet, l’école Centrale de Lyon qui dépend, comme nous, du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’école des Mines de Saint-Étienne, qui dépend du Ministère en charge de l’industrie, l’ENTPE, qui dépend du Ministère de la transition écologique, et l’INSA Lyon ont noué une alliance stratégique pour mobiliser leurs forces en ingénierie. Nous souhaitons avancer ensemble pour aborder, en particulier, les enjeux critiques des grandes transitions. Il ne faut pas oublier que notre région constitue le premier site en France en concentration de laboratoires en ingénierie.
Aujourd’hui, les laboratoires, les fédérations et toutes les entités qui structurent les forces scientifiques sur le site Lyon-Saint-Étienne, partagées entre les universités, les organismes de recherche et nos écoles, se sont mobilisés pour formuler des propositions de grands programmes interdisciplinaires. Ils ont imaginé comment mobiliser leurs expertises pour pouvoir répondre, mieux encore que nous ne le faisons aujourd’hui, aux multiples enjeux des transitions.
Cette dynamique, démarrée en 2020, s’articule autour de trois grands défis : aller vers une industrie et une société décarbonées, développer une économie circulaire et construire une société numérique responsable. Ces trois grands défis constituent aujourd’hui la trame de la réponse que préparent nos quatre écoles d’ingénieurs, avec l’ensemble des partenaires académiques du site, pour la vague 3 de l’appel à projets « Excellences » dans le cadre de France 2030. Il s’agit de nous doter de moyens afin de mobiliser nos expertises dans une logique résolument interdisciplinaire, des sciences de l’ingénieur aux sciences humaines et sociales. C’est l’objet même du projet « E@SELY, l’ingénierie pour les transitions » coordonné par Jean-Michel Jolion.
En parallèle, les quatre écoles d’ingénieurs, associant l’Université Jean Monnet et le CNRS, en lien avec nos filiales de valorisation – Centrale Innovation et INSAVALOR - déposent une réponse à l’appel à projets France 2030 « Accélération des stratégies de développement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ». Il vise, entre autres, à construire une offre nouvelle de formation continue afin d’accompagner les entreprises dans leur capacité à aborder leur propre transformation.
L’ensemble de ces initiatives dessinent un schéma cohérent, extrêmement ambitieux, pour transformer notre formation, notre recherche, notre site, nos relations avec notre environnement local, national et international, dans une logique systémique.

INSA Lyon
« 2021 sera l'occasion de nouveaux défis »
Alors qu'une nouvelle année débute, le directeur de l'INSA Lyon revient sur l'année 2020 et présente le nouveau projet stratégique de l'école « Ambitions 2030 ». Entrevue exclusive avec Frédéric Fotiadu.
2020, « pire année de l’Histoire » selon le Times, vient de se terminer. Dans quel état d'esprit abordez-vous cette nouvelle année ?
Avant tout, permettez-moi d'adresser, par l’intermédiaire de cet entretien, mes meilleurs vœux à l’ensemble de la communauté INSA mais aussi à nos partenaires et amis avec lesquels je suis impatient de reprendre les relations de proximité et de convivialité, qui nous ont tant fait défaut en 2020. Dans un monde particulièrement affecté par la crise sanitaire, qui nous touche encore en ce début 2021, je formule le vœu d’une nouvelle année plus sereine, plus épanouissante, qui nous permettra de renouer avec ces choses de la vie qui nous semblaient très anodines il y a encore un an, mais dont la crise épidémique nous a fait prendre conscience de la valeur inestimable.
Je dois dire que l'année passée a été éprouvante à bien des égards. Nous avons dû bouleverser nos habitudes, adapter nos méthodes, innover pour continuer d’avancer et assurer nos missions. Nous y sommes parvenus grâce à la mobilisation de toutes et tous et je tiens de nouveau à remercier très chaleureusement l’ensemble des personnels INSA pour leur engagement exceptionnel dont je suis extrêmement fier. Nous ne nous attendions pas à vivre une telle crise, mais nous avons su y faire face.
Si 2020 a été difficile, je ne dirais pas pour autant que ce fut la pire année de l'histoire. Je pense utile de rappeler que, ce que nous vivons, est sans aucune commune mesure avec d'autres épisodes de l'Histoire. La formule du Times nous enferme dans une vision court-termiste, sans hauteur, ni perspective. Il nous appartient de résister à toute forme d'immédiateté, qui nous placerait de fait dans une logique d’urgence, et de lui préférer une approche qui consiste à voir loin, à voir large, et à analyser en profondeur, comme le préconisait Gaston Berger, père fondateur de l'INSA Lyon et de la prospective.
Pendant cette période, nos fondamentaux n'ont pas été ébranlés. Le fait d’être un établissement public nous a aussi permis de mieux résister à la crise que d’autres organisations. Nos emplois et notre activité ont été préservés. Nous avons pu amortir le choc, contrairement à d’autres structures plus fragiles. Il est important de le reconnaître et de le souligner.
Nous avons aussi démontré une capacité à nous dépasser, à nous adapter, dans un contexte mouvant et à faire preuve de la plus grande agilité. J'aborde donc cette nouvelle année avec enthousiasme, confiance et détermination et ferai de notre mieux pour que chacun de nous s’épanouisse personnellement dans notre projet collectif.
Quels enseignements et bilan tirez-vous de l'année 2020 ?
Que de chemin parcouru en une année ! Cette crise a modifié la donne, elle a été une source de transformation et d’innovation sans précédent. Elle nous a permis de porter un nouveau regard sur la pédagogie, de déconstruire des représentations bien établies sur nos propres limites, d'inventer et d'éprouver de nouvelles méthodes d'apprentissage et de travail. Nous avons vécu une transformation en accéléré et aussi appris à cultiver une forme d’endurance, afin de pouvoir tenir dans la durée. De nouveaux modes de collaboration et de nouveaux outils, nous ont permis d’assurer une continuité de service, malgré la distance et des contraintes inédites qui s’imposaient à nous. Nous avons aussi pris conscience que le tout numérique avait ses limites et à quel point se voir, se parler, partager des temps de convivialité, étaient essentiels à nos vies. L'une de nos aspirations pour 2021 est de nous retrouver ensemble, sur nos campus, dès que la situation sanitaire le permettra.
Je retiendrai aussi de l’année passée un formidable esprit d'entraide, de solidarité et de cohésion. La communauté INSA a traversé et continue de traverser cette période difficile en étant extrêmement soudée, attentive et bienveillante. De ce point de vue, la crise a été le révélateur de la force de notre collectif et de la réalité concrète des valeurs que nous revendiquons.
La crise n’a pas non plus affecté notre attractivité, qui a continué de progresser. L’an dernier, nous avons reçu 16.260 candidatures sur Parcoursup, avec notamment une progression de 10% du nombre de bacheliers S.
2020 a également marqué la conclusion de processus et de projets qui ont rythmé la vie de l’INSA Lyon ces dernières années. Après nous y être longuement préparés, nous accédons aux responsabilités et compétences élargies, ce qui va permettre à notre établissement de gagner en autonomie et de disposer de nouvelles marges de manœuvres. La démarche prospective, entamée il y a deux ans, a abouti à l’élaboration de la stratégie Ambitions 2030, validée par notre conseil d’administration en novembre dernier. Le projet d’Initiative d’Excellence et la création de l’Université cible ont été définitivement arrêtés, mais le site universitaire Lyon-Saint-Étienne affiche d’ores et déjà la volonté de relancer une dynamique collective, sous de nouvelles formes et de nouveaux périmètres de coopération.
2021 sera ainsi l'occasion de nouveaux défis : repenser donc une politique de site, notamment autour de propositions portées par les écoles d’ingénieurs, préparer le nouveau contrat quinquennal avec l’État et y déployer la stratégie de notre établissement, en restant attachés à une démarche contributive. Avec la décennie qui s’ouvre, débute l’écriture d’une nouvelle page de l’histoire de notre établissement. Ce sont aussi des actions qui se poursuivent, comme celles du Groupe INSA, également engagé dans une démarche prospective qui inspirera, sans aucun doute, de nouvelles synergies et initiatives structurantes.
Alors prêt pour 2021 ? Quelles sont les perspectives à venir ?
Nous n'avons pas la prétention de dire que nous sommes prêts : nous nous préparons en permanence. Nous devons penser dans une logique de long terme et nous efforcer de toujours anticiper. Le monde d'après, nous y avons pensé avant. Nous avons en effet pris de l'avance en pensant les futurs, grâce à la démarche prospective INSA 2040. Dès 2018, l'idée a été d’imaginer et de préparer l'avenir de l'INSA à travers un processus collaboratif, qui a permis d’élaborer notre stratégie Ambitions 2030. Celle-ci est articulée autour de cinq grandes transitions qui font écho aux grands enjeux auxquels notre société est confrontée actuellement : une transition énergétique, environnementale et écologique, une transition sociale, une transition numérique, une transition de modèle économique et une transition institutionnelle.
Au travers de ce projet stratégique, notre objectif est bien de transformer profondément le positionnement, les missions et les pratiques de notre école. L’INSA Lyon possède de nombreux atouts pour envisager l’avenir avec confiance et la stratégie Ambitions 2030 est décisive pour son évolution future. Les prochaines étapes seront, comme les précédentes, participatives et inclusives, pour construire un projet commun. Nous allons écrire ensemble un nouveau chapitre de notre histoire avec la volonté d'être exigeants, inspirants et ouverts sur le monde.