Formation

25 avr
25/avr/2023

Formation

« Il est nécessaire d’inciter les mobilités universitaires bas-carbone »

Dans un contexte contraint par l’urgence climatique et compte tenu du fort impact environnemental du voyage, comment repenser la mobilité universitaire à l’international ? C’est le sujet qui a occupé Antoine Humbert, Gladys Leclerc, Sarah Spagnesi et Kathleen Izquierdo, lors de leur cursus au sein de la formation mastère spécialisé Manager de l’Environnement et de l'Éco-Efficacité Énergétique (ME4). Dans le cadre de leur « Projet de Compétences Acquises », ces étudiants se sont mis en quête de solutions concrètes et applicables à l’INSA Lyon en matière de stratégie bas-carbone. 

Dans votre rapport intitulé « Alignement de la politique de mobilité internationale des étudiants avec la stratégie bas-carbone de l’INSA Lyon », vous décrivez vous être appuyés sur des constats précédemment établis par le projet GEnEPI1, mené par des étudiants de l’INSA Lyon en 2021. Quels étaient ces constats en matière de mobilité étudiante ?

Kathleen Izquierdo : Le rapport GEnEPI2 « Décarbon’INSA » mené par des étudiants de troisième année du département génie énergétique et environnement établit la liste des émissions de gaz à effet de serre liées aux mobilités internationales des étudiants et du corps professoral. Il propose aussi des préconisations pour réduire les émissions et inscrire les mobilités dans une trajectoire bas-carbone. Sur l’année 2019, près d’un quart du bilan carbone de l’établissement était dû aux « déplacements aériens étudiants », soit 2076 tonnes CO2eq émises. Cela s’explique : avec plus de 200 universités partenaires à travers le monde, l’INSA Lyon a une politique de développement international ambitieuse. Les offres de séjour longue distance sont nombreuses ; la mobilité étudiante d’une durée minimale d’un semestre étant un critère d’obtention du diplôme selon le référentiel des études rédigé par la Commission des Titres d’Ingénieurs (Cti), chaque département de spécialité doit accompagner les étudiants sur leurs projets de mobilité. Deux fois sur trois, les trajets sont réalisés en avion, et l’impact environnemental est significatif. 
Suite à l’étude GEnEPI, le PassCarbone a été instauré au sein du département GEn. Cet outil de comptabilité fixe un quota carbone par étudiant à 5 tonnes CO
2eq pour réaliser l’ensemble des mobilités du cursus de spécialité. Le dispositif n’interdit rien, les étudiants peuvent demander des dérogations dans le cadre de projets nécessitant une mobilité plus lointaine. Le bilan de ce dispositif est positif puisqu’il sensibilise et permet aux étudiants d’envisager leur mobilité autrement, notamment en utilisant des moyens de transport moins polluants.

 

Face à ces constats, comment avez-vous questionné la nécessité de rendre obligatoire la mobilité à l’international ?

Antoine Humbert : La raison d’être des mobilités est intrinsèquement liée à l’acquisition de multiples compétences, qu’elles soient relatives aux savoirs et aux savoir-faire, au développement de compétences relationnelles, linguistiques ou personnelles. Au-delà des apports académiques et professionnels, cela permet aux élèves-ingénieurs d’élargir leurs horizons, de développer une adaptabilité et une ouverture aux autres : des qualités indispensables pour devenir un ingénieur ancré dans la réalité, capable de répondre aux enjeux sociétaux d’aujourd’hui en faveur d’un développement durable. Nous avons donc cherché d’autres formes d’expériences permettant d’accéder à des compétences similaires : un engagement associatif, un tour de France à vélo, une expérience de woofing, être professeur de français langue étrangère, un engagement pour devenir mentor de jeunes issus de milieux défavorisés… Bien sûr, chaque levier d’action est plus ou moins facile à mettre en place et aura un potentiel d’impact différent.

 

Quels sont les principaux leviers qui peuvent être actionnés pour réduire la facture écologique des mobilités académiques étudiantes ? 

Gladys Leclerc : Pour faire mieux, il est indispensable de dresser un état des lieux de la situation existante. Pour ce faire, il faut collecter de la donnée. Les évaluations carbone réalisées jusque-là se basent sur des extrapolations. Or, disposer de données plus précises est primordial pour conduire efficacement le changement. Cela permet notamment d’envisager la création d’un outil de suivi et de pilotage des mobilités plus fiable. Une fois les données connues, il est possible de fixer un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’engager un plan d’action pour atteindre cet objectif. Ensuite, le volet financier est très important. Aujourd’hui, beaucoup de bourses sont proposées aux étudiants « pour aller loin ». Or, nous avons constaté la nécessité d’inciter financièrement les mobilités douces. Pour accompagner et soutenir les changements de pratiques, un système de bourses « bas-carbone » doit être mis en avant. Nous avons imaginé un « badge mobilité » qui intégrerait le temps de transport, souvent plus long, lié aux mobilités douces pour les voyages européens. En complément au sujet financier, l’INSA pourrait accompagner ses étudiants dans la préparation, l’organisation de départs groupés ou la mutualisation des bagages. Enfin, il apparaît nécessaire de créer de nouveaux récits et de mettre en lumière des expériences de mobilité douce stimulantes. Le deuil des mobilités existantes est inévitable pour atteindre les objectifs des Accords de Paris… Certains étudiants ont d’ailleurs déjà commencé, comme Jules Ducas, étudiant à l’INSA Lyon qui avait rejoint son université d’accueil à vélo. Ces récits permettent d’envisager les choses sous un autre angle pour les élèves-ingénieurs qui s’apprêteraient à partir à l’étranger et peuvent susciter l’envie de faire autrement.

 

La mobilité internationale étudiante préoccupe beaucoup les institutions et la jeunesse très sensible aux défis environnementaux. C’est un sujet qui nécessite un profond travail de conduite du changement : un terrain idéal pour des étudiants en éco-efficacité ?

Sarah Spagnesi : Nous avons relevé un engouement très fort autour du sujet de la part de toute la communauté, d’autant que le contexte externe a beaucoup de poids, en particulier chez les étudiants qui manifestent de plus en plus d’intérêt sur ce sujet-là. Cela oblige les établissements à être plus proactifs que réactifs. À l’INSA Lyon, des initiatives ont déjà été mises en place mais elles restent insuffisantes. Loin de vouloir supprimer totalement les mobilités des étudiants et malgré un contexte contraint par les réglementations, il est possible et même nécessaire de faire mieux au vu du contexte environnemental, social et politique. Les changements rapides sous contraintes sont souvent difficiles à opérer et le sujet de la mobilité n’y échappe pas. Les freins aux changements identifiés sont essentiellement structurels, organisationnels et sociétaux. Toute politique de changement s’accompagne de mesures d’adaptation. Nous avons été ravis de constater l’intérêt de l’INSA Lyon pour ce sujet de transformation et soulignons la volonté de l’établissement à réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

 

La formation mastère spécialisé : Manager de l’Environnement et de l’Éco-Efficacité
Un cursus au service du développement durable et en adéquation avec le Plan Climat et la Stratégie Nationale Bas Carbone.

Fort de plus de vingt ans d’existence et d’expérience, cette formation fait évoluer sans cesse son enseignement pour répondre aux besoins et aux évolutions du marché. Aujourd’hui l’écologie industrielle et territoriale, l’économie circulaire, la maîtrise de l’énergie, la RSE/RSO, le droit de l’environnement, les énergies renouvelables, ainsi que le management QHSE harmonisé sont des thématiques au cœur des enjeux globaux du développement durable et représentent le socle de cette formation.

En savoir plus :  Les formations mastères spécialisés proposés par l’INSA Lyon

 

[1] GEnEPI est l’acronyme de « GEn Équipe Projet Interdisciplinaire » qui vise à travailler la dynamique de groupe, la gestion de projet et la communication orale et écrite à travers un projet collectif au sein du département GEn.

[2] Anouk et al., « Projet GEnEPI Groupe 2 - Mobilité Internationale -Livrable 1 : Bilan actuel ». 30 novembre 2021.