
Entreprises
« Les chaufferies collectives sont des lieux sombres mais leurs données peuvent éclairer la facture d’énergie des copropriétés »
Quelques petites actions peuvent permettre d’économiser beaucoup : c’est avec ce principe que Paul Chaussivert, s’est lancé dans le pari de réduire les consommations énergétiques des copropriétés. Avec son entreprise, Captain’ Conso, le diplômé du département génie énergétique et génie de l'environnement de l’INSA Lyon, a fait de sa préoccupation pour la performance énergétique et le bâti, son terrain de jeu. Entretien avec l’ingénieur qui invite les gestionnaires d’immeubles à entamer leur transition énergétique en visitant leurs propres chaufferies collectives.
Un cursus au département GEN, un passage par la Filière Étudiant Entreprendre (FÉE) et un engagement associatif au Proto INSA Club1 lors de vos années étudiantes à l’INSA Lyon… Avez-vous toujours eu cette fibre entrepreneuriale et un intérêt pour la performance énergétique ?
L’intérêt pour la question énergétique est très certainement présent depuis longtemps ! Ma toute première expérience professionnelle chez un exploitant de chauffage m’a fait réaliser l’importance de la performance énergétique. Mon travail consistait à maintenir des chaufferies de résidences, d’écoles ou de bâtiments d’entreprises. En plus de ce rôle, je développais des actions pour améliorer la performance de celles-ci. Ce premier emploi m’a permis de me confronter à la réalité du secteur : en sortant de l’école, j’imaginais un monde automatisé où les machines étaient optimisées. En trois ans, je me suis aperçu que ça n’était pas le cas, et qu’il y avait des choses à faire sur le plan de la performance énergétique. Par exemple au sein des copropriétés, il n’y a pas une grande connaissance technique du système de chauffage ni des consommations. Les copropriétaires ont souvent l’impression qu'une personne est mandatée pour suivre pour eux. En réalité, peu de personnes suivent de près cette question énergétique : ce n’est pas le rôle du syndic et c’est rarement inscrit dans les contrats de maintenance des chauffagistes… Pour résumer, il manquait un tiers de confiance entre la chaufferie et la facture : c’est pour cela que j’ai créé Captain’ Conso. L'objectif est d’effectuer une exploration approfondie des chaufferies, d'extraire et d'analyser des données précieuses de ces espaces souvent méconnus, puis de les communiquer efficacement aux copropriétaires. Et mon expérience au sein de la FÉE m’a certainement beaucoup aidé pour oser me lancer dans l’aventure entrepreneuriale !
Aujourd’hui, vous jouez ce rôle de tiers avec votre entreprise « Captain’Conso » qui est basée sur un modèle économique gagnant-gagnant. Comment fonctionne-t-il ?
On entend beaucoup que pour faire des économies d’énergie, il faut rénover tout son parc en priorité. Cependant, avec quelques petites actions comme l’optimisation des réglages, on peut mesurer une économie qui peut aller de 15% à 20%. Le pari avec Captain’ Conso est de se rémunérer sur les économies réelles. Effectivement, le modèle est basé sur un échange gagnant-gagnant : à l’issue d’une première visite de la chaufferie, je suis en capacité de définir les petites actions à mettre en place pour réduire les consommations. Si le pari est réussi et que la copropriété économise sur sa facture finale, alors nous partageons la moitié de ce montant sur 3 ans. Le client bénéficie de l’expérience d’un ingénieur et d’une réduction de sa facture. De plus, cela augmente le confort des occupants, car nous garantissons une température stable et homogène sur tout le bâtiment. Ce qui est aussi très intéressant dans la démarche, c’est que nous devenons un vecteur de compréhension pour le client autour de la transition énergétique. Même si l’argument principal est économique, les clients restent très intéressés par l’impact positif de leur décision. Il y a un vrai enjeu d’information car vulgariser ce monde de l’énergie, très technique, ça n’est pas toujours très simple. Aujourd’hui, je suis ingénieur mais aussi chef d’entreprise, commercial et plus encore pédagogue sur les enjeux de l’énergie. C’est assez valorisant et motivant car il y a un double effet à mon activité professionnelle. Certains clients vont même plus loin que l’objectif d’économie de 15% à 20% : grâce à la dynamique engagée, j’accompagne désormais l’un de mes clients vers l’étude de la rénovation totale de son parc.
Comment envisagez-vous la suite avec votre entreprise Captain’ Conso ?
L’année 2023 a été pour moi l’occasion du lancement d’une nouvelle entreprise, qui vient compléter l’activité de Captain’Conso pour aller plus loin dans l’optimisation énergétique et environnementale des bâtiments. C’est une histoire insalienne puisque je mène ce projet avec un ami de promotion, Badr Bouslikhin, diplômé du département génie électrique. L’idée est née d’une discussion où je lui partageais des problématiques rencontrées lors de mes interventions. En concevant nos propres objets connectés destinés à optimiser les chaufferies, nous faisons se rencontrer nos expertises respectives : la thermique et l’électronique. Nous commençons tout juste à poser nos premiers équipements avec notre entreprise Thermigo. Je suis très heureux de ce nouveau projet car nous allons aller plus loin dans l’accès à la transition énergétique des copropriétés et cette activité sera complémentaire à celle menée avec Captain’Conso. Pour la suite, les choses viendront d’elles-mêmes, en fonction de ce que nous trouverons sur le terrain. Il y a encore beaucoup à faire !
[1] Le Proto INSA Club (PIC) est une association étudiante qui conçoit et réalise intégralement des véhicules à faible consommation.

Sciences & Société
[Visite] La sobriété énergétique et l'INSA, on en parle ?
Intervenant : Louis Droissart, Ingénieur Économe de Flux à l'INSA Lyon.
Deux visites sont proposées (30/01 et 22/02) par la DPI, Louis Droissart, Ingénieur Économe de Flux, fera découvrir ce qui est fait au niveau de la résidence A du campus de l'INSA pour avoir une consommation énergétique verte et sobre.
Déambulation dans la sous-station et sur les toits de la résidence.
Informations complémentaires
- scd.animation@insa-lyon.fr
- https://bibliotheque.insa-lyon.fr/cms/articleview/id/6821
-
Rdv devant la bibliothèque Marie Curie
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Sciences & Société
[Visite] La sobriété énergétique et l'INSA, on en parle ?
Intervenant : Louis Droissart, Ingénieur Économe de Flux à l'INSA Lyon.
Deux visites sont proposées (30/01 et 22/02) par la DPI, Louis Droissart, Ingénieur Économe de Flux, fera découvrir ce qui est fait au niveau de la résidence A du campus de l'INSA pour avoir une consommation énergétique verte et sobre.
Déambulation dans la sous-station et sur les toits de la résidence.
Informations complémentaires
- scd.animation@insa-lyon.fr
- https://bibliotheque.insa-lyon.fr/cms/articleview/id/6821
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Rdv devant la bibliothèque Marie Curie
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Sciences & Société
[Conférence] La sobriété énergétique à l'INSA Lyon
Comment fonctionne le chauffage à l'INSA ? Combien consomme-t-on ?
Conférencier : Louis Droissart, Ingénieur Économe de Flux à l'INSA Lyon
Comment fonctionne le chauffage à l'INSA ? Combien consomme-t-on ? Quels travaux ont été réalisés à l'INSA ces dernières années et quels travaux sont prévus dans les années à venir ? Voilà une partie des questions auxquelles vous aurez les réponses.
Sera également abordé le contexte énergétique qui a poussé le gouvernement à demander la mise en place d'un Plan de Sobriété dans le but de réduire les consommations énergétiques de son patrimoine. Le Plan de Sobriété appliqué l'an dernier à l'INSA sera rappelé et les résultats obtenus présentés.
La conférence sera suivie d'un temps d'échange avec le public.
Informations complémentaires
- scd.animation@insa-lyon.fr
- https://bibliotheque.insa-lyon.fr/cms/articleview/id/6832
-
Amphithéâtre Émilie du Châtelet - Bibliothèque Marie Curie - Villeurbanne
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Sciences & Société
[Atelier] Empreinte carbone
Venez découvrir de façon ludique l’impact carbone de votre quotidien.
Intervenant : Louis Droissart, Ingénieur Économe de Flux à l'INSA Lyon
Vaut-il mieux regarder Titanic en streaming 3h ou rester 30 minutes sous la douche ? Quelle empreinte carbone correspond à ces deux actions ? Atelier basé sur le jeu « Carboniq ».
Toutes les informations du jeu proviennent de l’ADEME. Cette activité vous est proposée avec du café et du thé, vous pouvez apporter votre déjeuner pendant l’activité.
Informations complémentaires
- scd.animation@insa-lyon.fr
- https://bibliotheque.insa-lyon.fr/cms/articleview/id/6820
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En salle TD201 - Bibliothèque Marie Curie
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Sciences & Société
Semaine du numérique responsable
L'INSA Lyon vous donne rendez-vous pour la 1re édition de sa semaine du numérique responsable.
🌱 Comprendre les impacts du numérique, se questionner, découvrir des modes d’actions, monter en compétences, pour s’engager dans une démarche de numérique responsable tels sont les objectifs de cette semaine.
🎤 À travers des conférences ouvertes à tous, avec la participation de chercheurs, d’étudiants ou de partenaires économiques et académiques, l’INSA Lyon souhaite ainsi pousser à la réflexion autour de la transition numérique.
Informations complémentaires
- https://bit.ly/semaine-numerique-responsable-insa-lyon
-
INSA Lyon - Campus LyonTech-La Doua
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INSA Lyon
L’INSA Lyon lance une semaine dédiée au numérique responsable
Du 03 au 07 avril 2023, sur le campus de LyonTech-La Doua, se tient la 1re édition de la semaine du numérique responsable organisée par l’INSA Lyon.
A travers des conférences ouvertes à tous, avec la participation de chercheurs, d’étudiants ou de partenaires économiques et académiques, l’INSA Lyon souhaite pousser à la réflexion autour de la transition numérique lors d’une semaine dédiée.
Nous utilisons tous à des degrés divers des équipements et des solutions numériques que ce soit pour des usages professionnels ou personnels. Cette part toujours croissante du numérique dans nos vies doit nous questionner sur ses multiples impacts en termes socio écologiques et nous amener à agir. Comprendre ces impacts, se questionner, découvrir des modes d’actions, monter en compétences, pour s’engager dans une démarche de numérique responsable, ce sont les objectifs de cette 1ère édition de la semaine du numérique responsable de l’INSA Lyon.
La programmation proposée au cours de la semaine est riche avec de nombreux ateliers, des conférences et des activités en ligne. Je vous invite à y participer pleinement pour que l’ensemble de notre communauté puisse conforter son engagement dans une démarche de numérique responsable.
Frédéric Fotiadu, directeur de l’INSA Lyon
Programme ouvert à tous - Entrée libre
▪️ Conférence « Numérique responsable : enjeux, implications et au-delà de la sobriété numérique »
Lundi 03 avril 2023 – 19h00-20h30
Amphithéâtre Émilie du Châtelet, Bibliothèque Marie Curie
Les enjeux du numérique responsable et ses implications au sein d'une grande entreprise, et au-delà de la sobriété numérique quels sont les défis qui sont devant nous ? Ces problématiques seront présentées et discutées par Alexandre Monnin, professeur en redirection écologique et deux représentants de l’entreprise SPIE ICS : Emmanuel Houdaille, Directeur des Opérations Data Center et David Matrat, Consultant Conseil, Numérique Responsable et Innovation.
▪️ Soirée événement « Numérique responsable : faire savoir ! »
Mardi 04 avril 2023 – 18h30-20h30 – Amphithéâtre Jean capelle
D'IA frugale, adaptée à la langue des signes ou à la chasse aux pucerons ... de mesures d'impacts du numérique, en passant par de l'initiation algorithmique dans les quartiers ou des solutions pour se former au numérique responsable ... Étudiants, enseignants-chercheurs, personnels et partenaires entreprise de l'INSA vous partageront leurs projets et actions numériquement responsables dans un format court, original et dynamique : mon action en 180 secondes !
La conférence sera suivie d'un cocktail pour prolonger les échanges et partager les retours d'expériences.
▪️« Software Heritage : une infrastructure révolutionnaire pour la Science ouverte et l’Open source »
Mercredi 5 avril 2023 - 15h45 - Bâtiment Hedy Lamarr, Amphi Claude Chappe 6
Conférence en partenariat avec l’INRIA
Software Heritage est une initiative ouverte à but non lucratif, développée en partenariat avec l’Unesco et Inria, pour préserver sur le long terme, référencer et partager tous les codes sources disponibles publiquement. Avec 14 milliards de fichiers sources uniques provenant de 210 millions de dépôts, il s’agit de la plus grande archive de code source jamais construite. Software Heritage peut ainsi offrir des possibilités d'application dans des domaines aussi variés que le patrimoine culturel, l’industrie et la recherche.
Avec Roberto Di Cosmo, fondateur et pdg de Software Heritage
▪️ Conférence « Accessibilité numérique »
Jeudi 06 avril 2023 -13h30-14h30
Amphithéâtre Émilie du Châtelet, Bibliothèque Marie Curie
L'accessibilité numérique d'un site web c'est quoi, en fait ? Erwan Le Gall, Blue Hat, libriste & hacker, Chargé de mission accessibilité à la direction interministérielle du numérique nous l’expliquera.
▪️ Conférence « Numérique, géopolitique et éthique des algorithmes »
Jeudi 06 avril 2023 - 18h30-20h30
Amphithéâtre Émilie du Châtelet, Bibliothèque Marie Curie
Les algorithmes ont-ils une éthique et comment le numérique modifie les rapports entre les nations et oriente les sociétés dans l’adaptation aux changements écosystémiques ? Ce sont les questions qui seront abordées par Stéphane Grumbach, Directeur de recherche INRIA et par David Wittmann, Professeur agrégé en philosophie des sciences et des techniques.
A l'occasion de cette conférence, vous pourrez découvrir un numéro spécial de "Pour La Science" réalisé en partenariat avec Inria. Intitulé "Le numérique est-il un progrès durable ?", celui-ci s'intéresse notamment à la question d'un numérique au service de l'écoresponsabilité, mais aussi au développement d'un numérique plus frugal.
https://www.inria.fr/fr/numerique-progres-durable-environnement-pour-la-science

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« Il est possible d’aller vers une IA plus frugale »
« Faire aussi bien (voire mieux) avec moins de ressources » : ce pourrait bien être la maxime préférée de Stefan Duffner, enseignant-chercheur au laboratoire LIRIS1. Spécialiste de l’apprentissage et de la reconnaissance des formes au sein de l’équipe Imagine2, il explore une approche de l’Intelligence Artificielle (IA) plus frugale. Comment faire de l’IA robuste, sécurisée et fiable avec moins de données ? Comment relever le défi de la sobriété dans un domaine tenaillé par une course à la performance permanente ? Quel degré d’erreurs est-il acceptable pour un système à qui l’on demande de prendre des décisions pour nous-même ? Stefan Duffner propose d’explorer un concept qui encourage une approche de compromis, entre performances et impacts sur l’environnement. Explications.
Pourquoi, de tous les outils du numérique, l’intelligence artificielle devrait-elle prendre le pli d’une certaine frugalité ou sobriété ?
Derrière le terme « intelligence artificielle » se cache un monde très vaste. Pour ma part, je m’intéresse à l’apprentissage automatique et aux réseaux de neurones profonds, appelé « deep-learning », qui sont des méthodes qui régissent nos principaux usages de l’intelligence artificielle. Ces dernières années, les outils faisant appel à des IA, se sont largement démocratisés, au moyen d’appareils embarqués et de données massivement exploitées. Si l’utilisation de ces données volumineuses permet d’avoir des modèles très précis, il est désormais reconnu qu’elle présente de lourdes conséquences sur le plan environnemental, notamment en matière de consommation d’énergie. Aussi, cette exploitation de données massives va souvent de pair avec des calculs de plus en plus complexes et lourds. Une autre part de la consommation énergétique de l’IA vient de l’apprentissage. Pour qu’un modèle d’intelligence artificielle fonctionne, il a besoin d’être entraîné, d’apprendre. Souvent déployée sur des data centers de grande envergure, cette activité peut s’avérer très gourmande en énergie. Ces approches actuelles, qui ne tiennent pas compte des ressources limitées de la planète, ne sont plus tenables. C’est pour cette raison qu’une partie de la communauté scientifique appelle à plus de frugalité dans l’utilisation des intelligences artificielles, en étudiant d’autres approches plus sobres, tout au long du cycle de développement de l’IA.
Concrètement, quels leviers peuvent être actionnés pour que l’intelligence artificielle soit plus « frugale » ?
Le but, c’est de faire plus léger. Aujourd’hui, beaucoup de modèles sont surdimensionnés et consomment beaucoup plus d’énergie que le besoin le requiert. Il y a beaucoup d’approches pour faire plus « frugal » en matière d’intelligence artificielle et la communauté scientifique commence à s’intéresser notamment à la réduction de la complexité des modèles, en utilisant moins de données ou en les « élaguant ». Il y a aujourd’hui, une surenchère des réseaux de neurones car c’est le système fournissant les résultats les plus performants et efficaces. Cependant, il existe de nombreux usages pour lesquels un apprentissage un peu moins efficace, moins énergivore et plus explicable comme les modèles probabilistes, pourrait convenir. Et puis, concernant les autres leviers, il y a la dimension du matériel, du réseau et du stockage des données qui mériterait d’être repensée pour des IA plus sobres. Je dis « sobre », car il me semble que c’est un terme à différencier de « frugal ». La frugalité invite à faire mieux avec moins, alors qu’il me semble que la sobriété implique de remettre en question les besoins, à l’échelle sociologique, ce qui n’est pas de mon domaine de chercheur en informatique.
Donc, d’après ce que vous laissez entrevoir, l’IA frugale, ça n’est pas vraiment pour tout de suite. Quels sont les freins ?
J’identifie au moins deux freins majeurs. D’abord, un frein technique. Faire de l’IA frugale implique de trouver le bon compromis entre sécurité, robustesse et réponse au besoin. Les deux premières propriétés sont complètement inhérentes à notre usage de l’intelligence artificielle : nous ne voulons pas utiliser d’IA qui fasse de graves erreurs et qui soit sujette aux attaques malicieuses. Parfois, en diminuant les modèles pour gagner en économie d’énergie, on diminue la robustesse. Prenons l’exemple de la voiture autonome : nous ne voulons certainement pas diminuer la robustesse de l’IA qui contrôle la voiture automatique, et que celle-ci confonde un vélo et un piéton. Pour lui faire apprendre à différencier les situations, cette IA a « appris », à travers une multitude de situations différentes. Il sera donc difficile dans cette situation d’alléger le modèle car le seuil de tolérance doit être très bas pour éviter la moindre catastrophe. Bien sûr, on peut questionner le besoin de développer des voitures autonomes, mais c’est un autre débat… L’autre frein majeur pour le développement d’une IA plus frugale, c’est qu’elle implique des compétences dans plusieurs domaines, ce qui réduit le champ des spécialistes pouvant s’impliquer dans cette mouvance. C’est d’ailleurs ce qui m’a motivé à faire un projet avec la SATT Pulsalys3 pour développer un service, facile d’utilisation destiné aux ingénieurs, data-scientists ou à des entreprises qui souhaiteraient s’investir dans la réduction de modèles, sans pour autant en être spécialistes. Nous sommes encore en train de travailler sur un prototype qui ne devrait pas tarder à voir le jour.
Il y a un vrai débat entre les approches dites « green IT » et « IT for Green ». Les terminologies sont proches, pourtant, les démarches ne sont pas les mêmes. Comment y voir plus clair ?
Effectivement, il y existe un vrai débat entre ces approches, qui peuvent être complémentaires. La première prévoit de minimiser l’impact négatif des opérations et des équipements sur l’environnement. L’autre est une démarche qui utilise le numérique dans un objectif de réduction de l’empreinte écologique. Pour ma part, je crois que les intelligences artificielles sont encore trop largement utilisées pour créer des besoins dont l’utilité pourrait être remise en question. Cela est dû au déploiement massif de l’IA ces dernières années, lui-même rendu possible par la disponibilité des ressources de calcul et le matériel disponible, assez bon marché. Jusqu’à aujourd’hui, il est facile d’investir dans l’IA, grâce à des financements. Il ne faut pas oublier que c’est un domaine encore jeune, et que les solutions pour faire plus frugal, ne sont pas encore à la portée de tous. Sur le papier, j’ai le sentiment qu’il y a beaucoup de volonté pour faire « plus vert », mais dans les entreprises, la décision est difficile : utiliser une IA plus « verte » coûte souvent plus cher. Alors que développer un outil d’IA pour faire « plus vert », est un projet plus facilement défendable devant des financeurs. C'est aussi un domaine qui manque encore de règlementation. Nous pourrions imaginer que l’utilisation d’une IA soit soumise à des obligations d’économie d’énergie : ces règles existent pour le chauffage, pourquoi pas avec une IA ?
L’INSA Lyon lance la semaine du numérique responsable
Envie d’explorer le sujet de l’intelligence artificielle frugale plus en détail ?
Stefan Duffner sera présent lors de la première édition de la semaine du numérique responsable qui se tiendra du 3 au 7 avril, à l’INSA Lyon. À travers des conférences ouvertes à tous, avec la participation de chercheurs, d’étudiants ou de partenaires économiques et académiques, l’INSA Lyon souhaite pousser à la réflexion autour de la transition numérique lors d’une semaine dédiée.
=> Découvrir le programme
[1] Laboratoire d'InfoRmatique en Image et Systèmes d'information (UMR 5205 CNRS / INSA Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1 / Université Lumière Lyon 2 / École Centrale de Lyon)
[2] Computer vision, Machine Learning, Pattern recognition
[3] Créée en 2014, La Société d’Accélération du Transfert de technologies (SATT) Pulsalys du site Lyon et Saint Étienne a pour mission de mutualiser les moyens et compétences des établissements de recherche publique de l’écosystème lyonnais et stéphanois en vue d'accélérer le transfert de technologies issu de leurs laboratoires.

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« La sobriété ne suppose pas nécessairement une baisse de la qualité de vie »
Le 18 novembre dernier, l’INSA Lyon accueillait les Rencontres du Développement Durable, en co-organisation avec l'institut Open Diplomacy. Plusieurs experts ont été invités à prendre la parole sur la thématique : « Inventer la sobriété », parmi eux, Marc Clausse, responsable de l’enjeu de recherche « énergie pour un développement durable » à l’INSA Lyon et enseignant-chercheur au CETHIL1.
L'occasion de revenir sur ce terme, « sobriété », qui s’est immiscé dans le quotidien des Français. Aujourd’hui, imposée sur fond de crise géopolitique et de pénurie, la sobriété énergétique est parfois perçue comme une contrainte. Pourtant, les réflexes nés de ce contexte difficile pourraient ouvrir une brèche pour une meilleure acceptation du changement. Entretien.
On parle beaucoup de sobriété en ce moment, notamment avec le « plan de sobriété énergétique » du gouvernement qui vise la réduction de 10 % de la consommation française d’énergie d’ici 2024. Qu’appelle-t-on « sobriété énergétique » ?
La sobriété énergétique vise à réduire l’empreinte carbone par des changements de mode de vie. Elle invite à éviter l’inutile, impliquant parfois une diminution du confort. Elle est à distinguer de l’efficacité énergétique qui relève davantage de compétences techniques et d’ingénierie. L’efficacité énergétique est un vieux concept qui consiste à améliorer la chaîne de production, en consommant moins de ressources et en toute transparence pour l’utilisateur final. D’ailleurs, même les industries les plus polluantes cherchent à faire de l’efficacité énergétique ; l’arbitre étant souvent le volet économique. L’efficacité et la sobriété énergétique se complètent. Par exemple, pour réduire la consommation d’énergie de mon domicile, si je baisse le chauffage en tenant compte des températures de consigne, je fais de la sobriété. Je peux en parallèle miser sur l’efficacité énergétique en isolant ma maison. L’exemple peut se décliner sur la mobilité : choisir une voiture qui consomme moins relève de l’efficacité ; préférer le vélo à la voiture relève de la sobriété. Ce sont souvent deux notions qui sont confondues. Pourtant, la sobriété soulève une réelle question sociétale, d’acception du changement et du mode de vie quand elle ne se heurte pas au plafond social. La sobriété peut avoir un sens différent en fonction de l’endroit où l’on se trouve sur Terre ou son niveau de revenus. Certains n’ont pas attendu la crise énergétique pour être contraint à la sobriété énergétique.
Les pays de l’Union européenne ont misé sur un objectif de décarbonation d’ici 2050. Parmi tous les gros mots de la transition énergétique, celui-ci trône en roi. Pourtant, décarbonation ne semble pas toujours rimer avec sobriété…
Pour atteindre l’objectif « zéro carbone », il y a plusieurs solutions : produire sans engendrer de CO2 (pas facile), compenser ou séquestrer les émissions carbone. En France, il y a une focale sur l’électricité : on veut électrifier la mobilité, les services, les logements… Cependant, pour qu’électrification rime avec décarbonation, il faut que la production d’électricité soit totalement décarbonnée, ce qui est loin d’être le cas en Europe actuellement. Cela implique un déploiement massif de renouvelable ou de nucléaire et ce plan massif de décarbonation devra se faire selon les ressources de chaque pays et selon un principe… de sobriété.
Le mot « sobriété » est aujourd’hui (ré)apparu en contexte de crise. Suppose-t-elle toujours le renoncement ? Devrait-elle toujours être subie ?
En réalité, ça n’est pas la première fois que ce mot apparaît. Pendant les chocs pétroliers de 1973 et de 1979, on en parlait déjà. Les premières recommandations de l’ADEME2, anciennement « agence pour les économies d’énergie » et précisément créée après la première crise pétrolière, datent de cette époque. La sobriété appelle au changement, c’est une certitude. Mais le changement ne suppose pas nécessairement une baisse de la qualité de vie. Prenons l’exemple des échanges académiques. La réflexion sur les départs à l’étranger de nos étudiants questionne : doit-on tout arrêter ? Ou faire autrement ? On pourrait repenser les échanges universitaires en priorisant des limites européennes par exemple. Sur le fond, les objectifs pédagogiques seraient atteints et le bilan carbone des échanges serait réduit. À mon sens, pour que la sobriété soit efficace -sans mauvais jeu de mot- et non subie, il ne faut pas imposer un renoncement trop fort, sous peine de voir apparaître des effets rebonds négatifs. Pour donner un autre exemple, on a longtemps considéré comme aberrant l’idée de climatiser les métros ou les RER, pour cause de gaspillage énergétique. Seulement, lorsque les épisodes de canicules ont frappé le pays, un bon nombre d’usagers, qui en avaient les moyens, ont choisi de prendre leurs voitures climatisées, faute d’un niveau de confort acceptable. Pour éviter ces effets rebonds, il faut indéniablement prendre en compte l’acceptabilité sociale, ce qui relève plus des sciences humaines et sociales que de l’ingénierie.
Vous parlez « d’acceptabilité sociale » ; pour faire accepter la sobriété énergétique, faut-il travailler à un nouvel imaginaire collectif ? Comment l’ingénierie peut-elle aider à cela ?
Pendant longtemps, on nous a vendu le rêve que conduire sa propre voiture était gage de réussite sociale ; peu importe l’usage que l’on en faisait, posséder une voiture, c’était « réussir sa vie ». Aujourd’hui, en utilisant les mêmes mécanismes, on nous vend la voiture électrique pour « rouler propre ». Pourtant, si l’on imagine tous les véhicules individuels thermiques remplacés par de l’électrique, l’impact environnemental serait évidemment désastreux, ne serait-ce que sur la question des batteries, du recyclage et des ressources qu’elles nécessitent. Maintenant, si on travaille à un nouvel imaginaire qui considère qu’une voiture peut être électrique et partagée, on peut arriver à des objectifs très forts en matière de décarbonation et de préservation des ressources. Dans le même temps, on pourrait imaginer que l’ingénierie accompagne ce nouvel imaginaire, en apportant le confort acceptable pour éviter les effets rebonds. Même si je crois qu’il faudrait remettre la science au centre de l’économie car les enjeux d’épuisement des ressources et les limites planétaires sont des faits physiques, la technique n’est jamais la solution miracle. Si elle aide très largement à l’efficacité énergétique, elle ne peut lever seule les verrous sociologiques. C’est d’ailleurs pour cette raison que les approches interdisciplinaires, en recherche notamment, sont indispensables à la transition énergétique.
--------------
[1] Centre d’énergétique et de Thermique de Lyon (INSA Lyon/CNRS/Lyon 1)
[2] Agence de la Transition Écologique

INSA Lyon
Interview croisée #RDD2022 : Thomas Friang – Frédéric Fotiadu
Thomas Friang, Cela fait trois ans que vous avez fondé les RDD. Pourquoi ? Quelle est la vocation de cet événement ?
Depuis la création des Rencontres du Développement Durable sous le haut patronage du Président de la République en 2020, l’Institut Open Diplomacy et ses partenaires académiques poursuivent l’objectif d’organiser un rendez-vous annuel, gratuit, accessible au plus grand nombre pour que chacune et chacun puisse s’emparer des grands enjeux du développement durable. Cet événement est l’opportunité pour tous les citoyens de dialoguer avec les meilleurs experts du sujet. Le référentiel de nos débats sont les Objectifs de Développement Durable des Nations Unies qui permettent d’aborder à la fois les aspects environnementaux économiques et sociaux des défis de la transition. Cette troisième édition est placée sous le haut patronage de la Présidente de l’Assemblée nationale. Elle s’inscrit dans un contexte particulier d’abord à cause de la guerre en Ukraine, dans laquelle les ressources énergétiques comme agricoles sont employées comme des armes de déstabilisation mondiale.
Frédéric Fotiadu votre établissement co-organise les RDD avec L’Institut Open Diplomacy. Pourquoi avoir pris cet engagement ? Qu’est-ce qu’il signifie aux yeux de votre école ?
Ce partenariat avec l’Institut Open Diplomacy s’inscrit très clairement dans la stratégie de l’INSA Lyon. Dès 2018, dans le cadre d’une démarche prospective conduite selon la méthode de notre père fondateur, Gaston Berger, les questions de développement durable ont été abordées dans une logique de long terme à horizon 2040. Ces travaux ont montré l’urgence à se mobiliser fortement pour répondre aux défis de la transition. Dans ce contexte, nous avons élaboré une stratégie d’établissement très ambitieuse et engagé une transformation globale de l’INSA, qui s’articule autour de cinq grandes transitions : une transition énergétique, environnementale, écologique, une transition numérique, une transition sociale, une transition de modèle économique, une transition institutionnelle. Cette grille d’analyse est aujourd’hui, pour nous aussi, croisée avec la grille de lecture des ODD. Tous les programmes qui visent à répondre aux objectifs de nos cinq grandes transitions sont déclinés en ODD. Cette approche se traduit de manière opérationnelle par des grands programmes d’actions. Notre premier levier d’action étant la formation des ingénieurs que nous mettons à la disposition de la société et des entreprises, nous intervenons tout particulièrement sur l’évolution de nos enseignements. Dans ce domaine, nous avons notamment travaillé avec The Shift Project. Notre partenariat avec l’Institut Open Diplomacy s’inscrit dans cette même logique. Il s’agit ici de nous nourrir de l’ensemble des réflexions conduites par des experts de différents horizons, dans une vision mondiale et systémique. Comme l’Institut Open Diplomacy, nous travaillons dans une logique d’Open Innovation. Tous les éléments de production, de réflexion et de retour d’expériences de l’INSA sont mis à la disposition de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche et de la communauté internationale pour contribuer à accélérer la transition de l’ensemble des organisations.
Cette troisième édition des RDD est devenue l’anniversaire officiel de l’adoption des ODD par la France. Comment est-ce venu ?
Thomas Friang - Les RDD mobilisant aujourd’hui un écosystème de plus de 70 acteurs de la société civile, le ministère a jugé qu’il était opportun de mutualiser nos forces pour célébrer l’adoption des ODD. Cette démarche avait d’autant plus de sens au regard de l’ODD 17 « partenariats pour la réalisation des objectifs », qui suppose de rassembler des universités, des entreprises, des collectivités locales, des associations, des ONG, des Think Tank, pour contribuer à la réalisation des objectifs. Le ministère a ainsi souhaité célébrer l’anniversaire de l’adoption des ODD par la France dans la logique de l’ODD 17 en s’appuyant sur les RDD. Le délégué interministériel et commissaire général au développement durable a choisi de nous confier cette tâche, ce qui est la preuve d’une grande confiance pour notre travail d’intérêt général, mobilisant l’excellence scientifique de nos partenaires académiques. L’objectif de cet anniversaire est de faire en sorte qu’un nombre toujours plus important de Français disposent de clés d'analyse et de compréhension pour appréhender la complexité des transitions.
Votre établissement est engagé au service du développement durable. Alors qu’une partie de l’anniversaire français des ODD va se dérouler sur votre campus, pouvez-vous nous rappeler vos principaux engagements ?
Frédéric Fotiadu - Les engagements de l’INSA se déclinent dans la totalité des missions de l’établissement. Par exemple, depuis 2015, notre recherche n’est plus seulement organisée autour de champs thématiques, mais au travers de cinq enjeux qui maillent précisément les ODD. Nous avons ainsi structuré notre recherche pour répondre aux défis sociétaux. Cette recherche a aussi donné lieu à des relations partenariales avec les entreprises autour de ces enjeux, qui font notamment l’objet de chaires. Une autre innovation à souligner est celle portée par la Fondation INSA avec « les Alliances ». Ce dispositif vise à mettre en place des coopérations entre des acteurs du bien public, des ONG notamment, des entreprises mécènes et l’INSA à travers l’expertise de nos laboratoires et la mobilisation de nos élèves. Nous pouvons ainsi proposer à des structures, comme Handicap International par exemple, des modalités de collaborations extrêmement innovantes pour élaborer des solutions techniques et technologiques aux défis qu’elles rencontrent sur leurs différents terrains d’intervention, dans une logique de sobriété et d’innovation frugale. Au niveau de la formation, nous transformons nos approches pédagogiques sur cinq ans pour aborder de façon pluridisciplinaire les défis de développement durable. Il s’agit d’une transformation extrêmement profonde qu’on opère de manière très collaborative, en impliquant l’ensemble des parties prenantes de l’INSA, à commencer par les élèves, mais aussi les entreprises. Nous sommes également un campus démonstrateur, tout particulièrement engagé sur notre propre bilan carbone. Depuis une décennie, nous transformons ainsi notre site pour améliorer la performance énergétique de nos bâtiments et expérimenter des solutions grandeur nature en matière de développement durable, comme par exemple la gestion des eaux pluviales ou encore la réduction des îlots de chaleur urbains. Cet engagement est partagé, ouvert sur la société, comme l’illustre notre partenariat avec l’Institut Open Diplomacy. Nous nous impliquons dans une logique contributive, pour proposer, apporter notre pierre à l’édifice mais aussi s’inspirer de ce qui se fait de mieux.
Alors que nous marquons le 7e anniversaire des ODD, tous les indicateurs sont au rouge. La pandémie et la guerre en Ukraine ont provoqué de sérieuses difficultés pour atteindre les ODD. Y a t il une réelle raison de « fêter » cet anniversaire ?
Thomas Friang - Il s’agit ici de célébrer l’existence du référentiel des ODD, qui propose une seule et même boussole pour comprendre les enjeux de développement durable. Ce tableau de bord commun au monde entier nous permet aussi de réaliser que nous disposons, ensemble, de leviers d’actions majeurs. Par conséquent, l’anniversaire des ODD est également là pour rappeler la mobilisation nécessaire de l’ensemble des acteurs de la société civile pour élaborer les solutions les plus structurantes, transformer les filières industrielles et orienter les investissements d’avenir aux côtés de la puissance publique.
Quel vœu formulez-vous pour que nous puissions « entreprendre la France de 2030 », qui est le thème de cette troisième édition des RDD ?
Frédéric Fotiadu - Notre propre horizon stratégique à l’INSA Lyon est 2030. C’est donc une échéance que nous partageons. Je souhaite surtout qu’on arrive à partager, à travers cette édition, le sentiment d’urgence et le niveau de mobilisation nécessaire. De notre point de vue, les enjeux socio-écologiques et numériques sont les deux facteurs majeurs d’accélération de l’Histoire, c’est-à-dire d’accélération des mutations de notre société. Ils doivent être totalement pris en compte dans la transformation globale des organisations.
Cette journée lyonnaise sera dédiée à la sobriété, comment imaginer une trajectoire de progrès économique compatible avec les objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050. Des tables-rondes, des conférences et des ateliers sont accessibles à toutes et tous.
Programme et inscriptions 👉 https://www.les-rdd.fr/lyon-18-11