
INSA Lyon
1ʳᵉ édition de la Journée de l’Ingénierie à Lyon : Réutiliser, Réinventer, Régénérer – pour une ingénierie du vivant et des territoires
Le 15 avril 2025, l’Hôtel de Région Auvergne-Rhône-Alpes a accueilli la toute première édition de la Journée de l’ingénierie, événement inédit, organisé par le Collège d’ingénierie (une alliance entre 4 grandes écoles : Centrale Lyon, l’ENTPE, l’INSA Lyon et Mines Saint-Étienne) ouvert à tous les acteurs de la région : ingénieurs, étudiants, lycéens, entreprises, collectivités, citoyens. Cette journée, pensée comme un espace de débat et d’inspiration, s’est articulée autour d’un triptyque ambitieux : « Réutiliser, Réinventer, Régénérer ».
Cinq tables rondes et des ateliers de médiation scientifique ont rythmé cette journée dense, marquée par un objectif clair : remettre l’ingénierie au cœur de la transformation écologique et sociale, dans une logique profondément territoriale.
Les directeurs et la directrice des 4 écoles : Pascal Ray (Centrale Lyon), Cécile Delolme (ENTPE), Frédéric Fotiadu (INSA Lyon) et Jacques Fayolle (Mines Saint-Etienne)
Réutiliser : valoriser les ressources existantes, changer de rapport à la matière
Dans un monde fini, où les ressources deviennent critiques, la réutilisation s’impose comme un levier incontournable. De nombreux intervenants ont pointé le caractère profondément gaspilleur de nos modèles industriels actuels.
Fabrice Bonnifet (Co-auteur du sixième rapport du GIEC & Président du Conseil Scientifique - Fondation pour la Nature et l'Homme) a été particulièrement direct : « 80 % des surfaces construites ne servent à rien, les voitures sont à l’arrêt 96 % du temps. » Il appelle à une réduction massive de la production, couplée à une durabilité accrue de tout ce qui est produit. Cela suppose de réintégrer dans chaque modèle d’entreprise une logique de dette environnementale à rembourser.
Bernard Yannou (Directeur du Laboratoire Génie Industriel et Directeur-adjoint de la Recherche - Centrale SupElec) a insisté sur la nécessité d'une approche low-tech : « faire avec le juste nécessaire. ». Dans le secteur du bâtiment, il rappelle que moins de 1 % des matériaux sont aujourd’hui réutilisés dans de nouveaux projets. Un enjeu colossal.
De son côté, Arnaud Mercier (Chargé RSE - stratégie et mobilité durable, Michelin) a présenté un modèle exemplaire d’économie de la fonctionnalité : vendre non plus des pneus, mais un service facturé au kilomètre, optimisant la durabilité, la sécurité et la réduction des déchets.
Réinventer : repenser nos modèles économiques et industriels à l’échelle des territoires
La réinvention ne concerne pas seulement les technologies, mais surtout la manière dont elles s’inscrivent dans les territoires, les usages, et les écosystèmes vivants.
Laure Flandrin (Enseignante Chercheuse - École Centrale Lyon) a posé un cadre fort dès l’ouverture : « Notre économie est prédatrice, linéaire, et pensée en opposition au vivant. Il faut réencastrer l’économique dans le social et le social dans l’environnemental. » Elle défend une approche territorialisée et coopérative, où les acteurs locaux construisent des réponses adaptées à leurs enjeux spécifiques, plutôt que d’imposer des solutions macro.
Antoine Denoix, PDG - AXA Climate, a poursuivi cette idée en soulignant que les risques climatiques diffèrent selon les territoires, et que les entreprises doivent se reconnecter à leur ancrage local pour s’adapter. Il appelle à modéliser la résilience – par exemple en valorisant économiquement le recyclage de l’eau ou la consolidation des sols en viticulture.
Isabelle Delannoy, Présidente de Symbiotique, quant à elle, appelle à passer d’une logique linéaire à une logique systémique, où la coopération autour des ressources vitales (comme l’eau) devient centrale. Elle rappelle que réinventer les méandres des rivières peut permettre de recharger les nappes phréatiques et d’éviter une explosion du prix de l’eau.
Régénérer : une ingénierie au service du vivant
Enfin, le troisième pilier de la journée portait sur la régénération : au-delà de la sobriété et du recyclage, il s’agit de redonner à la nature plus qu’on ne lui prend, d’imaginer des modèles industriels qui deviennent positifs pour les écosystèmes.
Pour cela, il faut, selon Fabrice Bonnifet, une transformation radicale du rôle de l’ingénieur : « L’entreprise doit devenir un agent de régénération. Elle doit rendre à la nature ce qu’elle prélève. Il faut que les sciences de l’ingénieur se mettent au service du vivant. »
De son côté, Laurence Borie-Bancel, Présidente du Directoire de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR) a illustré cette approche avec l’exemple de la Compagnie Nationale du Rhône (CNR), qui produit une énergie 100 % renouvelable tout en aménageant le fleuve Rhône pour stabiliser la nappe phréatique et soutenir l’agriculture locale.
La question de la géo-ingénierie, portée par François Gemenne, a également été abordée comme un signal d’alerte : face à l’échec des politiques actuelles, doit-on manipuler le climat artificiellement ?
Entre technologies risquées (injection de soufre dans l’atmosphère, forêts artificielles, miroirs spatiaux) et dilemmes éthiques, le débat reste ouvert, mais il montre l’urgence d’agir autrement avant d’en arriver à ces extrêmes, et surtout le rôle que l’ingénieur devra jouer demain.
Une ingénierie des limites et des liens
Au terme de cette journée, une idée s’est imposée : l’ingénierie de demain ne peut être ni extractive, ni isolée, ni techno-centrée. Elle doit faire lien : entre les humains, avec le vivant, au cœur des territoires.
Réutiliser, réinventer, régénérer — ces trois verbes tracent un cap clair pour la transformation des pratiques, des formations, et des modèles économiques. La première Journée de l’Ingénierie pose ainsi les bases d’un nouvel imaginaire technique : celui d’un monde où l’innovation n’est plus synonyme de croissance matérielle, mais de résilience collective.

Formation
Former les élèves-ingénieurs à s’emparer des futurs souhaitables
L’ingénieur1 doit-il se contenter d’être le rouage d’un système qui étend les logiques d’exploitation et de marchandisation du monde ? Aujourd’hui, la représentation majeure de l’ingénieur ne peut plus être défini par le seul prisme d’une efficacité technique, posant l’Homme comme « maître et possesseur de la nature ». Désormais, comme pour beaucoup d’activités professionnelles, l’horizon de la fonction d’ingénieur se doit d’être repensé dans les limites planétaires.
Dans le cadre du chantier de l’évolution de la formation INSA, le groupe de travail « quels futurs possibles et souhaitables ? », s’est attelé à mettre en mots une vision répondant à la question suivante : comment amener les élèves-ingénieurs à retrouver la possibilité d’un futur souhaitable, quand le progrès scientifique et technique se heurte déjà aux limites physiques et humaines de notre planète ? À la convergence de la quête de sens des étudiants et celle d’un établissement dont la raison d’être est de former des individus conscients de leurs choix, il est nécessaire de construire une nouvelle dialectique et de nouveaux récits. Entretien avec quatre enseignants du groupe de travail.
L’ingénieur : un rouage dans un système
À travers son activité professionnelle, l’ingénieur alimente la construction et le développement de systèmes techniques qui s’imposent aux sociétés et aux écosystèmes. L’héritage de Descartes, par lequel l’Humain s’est posé en maître de son environnement, continue d’opposer l’Homme et la nature. L’urgence climatique et la quête de sens des individus tendent à remettre en question ce principe philosophique. « Dans notre système de société, basé sur l’exploitation et la marchandisation, il y a une difficulté croissante à contrôler le phénomène technique. Quand l’optimisation, la performance ou la production sont réduits à leur seule dimension technique, celui-ci peut souvent sentir lui échapper les conséquences de ses actions », introduit Romain Colon de Carvajal, enseignant en génie mécanique. Pourtant la technique, par les créations qu’elle rend possible, est un moyen privilégié de penser l’action de l’Homme sur le monde. « En réalité, ça n’est pas qu’un débat technique et scientifique. Admettre que l’innovation puisse répondre aux grands défis et aux crises contemporaines force à poser des limites qui ne sont pas seulement techniques et physiques. L’innovation, qui ne peut plus être envisagée liée à une société de consommation débridée, pose des questions très politiques. Quel type de société souhaite-t-on réaliser ? Quelles valeurs veut-on véhiculer à travers la technique ? »
Des futurs possibles et souhaitables
« Qui sommes-nous ? Que peut-il advenir ? Que pouvons-nous faire ? Que devons-nous faire ? ». Ces quatre questions empruntées à la démarche Prospective de Gaston Berger, ont constitué l’ossature de la réflexion des membres du groupe de travail. Elles soulignent également l’aspect démocratique et politique du débat. Si le fondateur de l’école entendait former « des philosophes en action » en 1957, quelle école imaginerait-il aujourd’hui, pour faire agir l’ingénieur dans un espace sûr et juste pour l’humanité ? « Gaston Berger parlait de relations sociales, d’identité et de sens. En ouvrant la formation technique aux Humanités2, il tentait d’introduire une capacité politique chez l’ingénieur afin de penser les conséquences de ses actions. Aujourd’hui, il est nécessaire d’intégrer à cette réflexion, les problématiques se rapportant à l’anthropocène : les limites de la Terre sont des phénomènes physiques qui amènent à nous questionner sur le sens de l’Humanité », poursuit Marie-Pierre Escudié, enseignante en sciences humaines et sociales. Alors à quels futurs possibles et souhaitables l’ingénieur doit-il se vouer ? La question, presque oratoire, soutient une obligation de démocratie. « Il ne s’agit pas de penser le futur à la place des élèves-ingénieurs, mais bien de les mettre en capacité de le construire par eux-mêmes. Pour cela, il nous faut instaurer un double mouvement, individuel et collectif. Notre rôle est de leur permettre de trouver un espace de responsabilité où ils se sentent en capacité d’agir. »
Une éthique renouvelée de l’innovation pour l’ingénieur
Si l’un des rôles premiers de l’ingénieur consiste à éclairer les choix de société par leurs connaissances techniques et en sciences humaines et sociales, l’enjeu pédagogique d’une telle formation est de donner les clés pour innover en conscience. « Il faut cultiver l’optimisme, car il permet de dépasser l’angoisse des défis qui se dressent devant nous et sert de catalyseur pour apporter des solutions innovantes. L’ingénieur en tant que philosophe en action doit être capable d’éviter la production de fausses bonnes idées, qui tendent à invisibiliser les problèmes ou conduisent à des effets rebonds », prévient Joëlle Forest, maîtresse de conférences en épistémologie et histoire des techniques à l’INSA Lyon. « Qu’il adopte une posture de médiateur ou de diplomate-polyglotte, l’ingénieur pour réarticuler l’innovation à un dessin moral pour la société devra s’interroger sur les valeurs que véhiculent ses innovations : vont-elles vers plus ou moins de liberté, d’égalité, d’autonomie, de sécurité ou de convivialité ? »
Prendre le chemin de l’éthique et de l’action collective
Pour amener les futurs ingénieurs à développer leur espace de responsabilité, les membres du groupe de travail ont ainsi synthétisé plusieurs objectifs d’apprentissages fondamentaux. « Notre réflexion et le livrable qui en a découlé sont majoritairement une synthèse des pratiques existantes au sein des départements et au centre des Humanités. Nous avons surtout travaillé à donner une meilleure visibilité des pratiques qui n’étaient pas nécessairement communiquées ni partagées au sein de la communauté et qui ont pourtant beaucoup à apporter à l’évolution de la formation d’ingénieur INSA », ajoute Thomas Le Guennic, professeur agrégé de sciences économiques et sociales à l’INSA Lyon. « Sur le principe, il s’agit d’aider les élèves à démêler les idéologies, à décoder les relations d’interdépendances et comprendre la nécessité d’adapter les moyens aux finalités et les besoins aux ressources. Aussi, au titre de citoyen, futur salarié ou chef d’entreprise, avant de pouvoir s’engager dans l’action collective et cultiver un futur, il est nécessaire que chaque élève puisse connaître les valeurs qui l’animent individuellement, avant d’accepter les chemins de traverse et les échecs comme faisant partie du changement. »
Depuis 2019, un vaste chantier d’évolution de la formation a été entrepris au sein de l’INSA Lyon pour former les étudiants à deux facteurs majeurs de la mutation de nos sociétés : les enjeux socio-écologiques et les enjeux du numérique. Cette évolution concerne tous les élèves-ingénieurs, de la 1re à la 5e année. Elle est mise en œuvre progressivement depuis la rentrée 2021. Un socle commun est ainsi décliné en huit thématiques :
▪️ Anthropocène et climat
▪️ Énergie
▪️ Ressources, analyse du cycle de vie (ACV) et mesure d’impact
▪️ Enjeux du vivant
▪️ Quels futurs possibles et souhaitables ?
▪️ Calcul numérique
▪️ Sciences des données et intelligence artificielle
▪️ Enjeux environnementaux et sociétaux du numérique

« Projet soutenu dans le cadre de l'AMI Emergences. »
[1] Le masculin est utilisé à titre épicène et sans aucune discrimination de genre.
[2] La formation en humanités a pour objectif de doter ses élèves d’un solide bagage de compétences transversales, donner des clés de compréhension et des leviers d’action dans un monde complexe, en affirmant une vision socialement et écologiquement responsable.

INSA Lyon
Monde : la plus grande compétition des métiers organisée avec l'INSA !
En route pour WorldSkills 2023 ! Si la France a su tirer son épingle du jeu face au Japon pour l’accueil de la 47e WorldSkills Compétition, c’est grâce à la ville de Lyon ! Très motivée pour décrocher le titre de ville-hôte, la Métropole de Lyon a travaillé pendant de longs mois sur ce dossier, bénéficiant de nombreux soutiens. Parmi eux, celui de l’INSA Lyon.
Son directeur, Éric Maurincomme, affirme en effet l'engagement de son établissement dans cette aventure.
« WorldSkills 2023 s’inscrit complètement dans l’ADN de l’INSA Lyon, un modèle basé sur la recherche de l’excellence, l’envie de se dépasser, l’ouverture à d’autres cultures, l’échange avec les jeunes du monde entier, la pluridisciplinarité, la convivialité, l’entraide, l’esprit d’équipe et la créativité issue de la diversité. Des valeurs qui au-delà du campus sont largement partagées et mises en oeuvre au sein de la communauté lyonnaise » soulignait-il en octobre 2018.
Depuis, le jury composé de 60 pays votants, membres du mouvement WorldSkills, a rendu son verdict. Après Shanghai en 2021, c’est bien à Lyon que le rendez-vous est donné. Le projet conçu par la Métropole, en étroite coordination avec l’INSA, est celui qui a été retenu pour accueillir cet événement d’envergure exceptionnel !
Industrie, automobile, alimentation, végétal, services, bâtiments et travaux publics ou encore nouvelles technologies : une cinquantaine de métiers vont faire l’objet de concours métiers, où 1600 candidats de moins de 23 ans vont s’affronter.
82 pays participent à cette compétition qui s’étale sur quatre jours. Sur la dernière édition organisée cet été à Kazan, 250 000 visiteurs se sont déplacés.
L’INSA Lyon va donc se préparer à accueillir du 11 au 17 septembre 2023 les candidats qui viendront défendre leurs compétences professionnelles à Eurexpo. Le campus de l'INSA Lyon à Villeurbanne se transformera alors en Village Olympique, devenant la vitrine d’une belle compétition qui donne l’occasion à la France de « montrer son savoir-faire et son attachement aux métiers d’arts et d’excellence qui rayonneront dans le monde entier » souligne Michel Guisembert, Président de WorldSkills France.
« Nous mettons tout en œuvre pour accueillir les participants, avec une offre d'hébergement et de restauration sur-mesure. C’est une belle opportunité pour la visibilité de l’INSA Lyon, sur le plan national et un beau challenge pour nos équipes qui ont hâte de participer à cette aventure » indique Carole Brunie, directrice de la vie de campus de l’INSA Lyon.