Insectes

21 oct
21/oct/2024

Formation

BIOSnare : un piège à insectes biosourcé et biodégradable pour les rayons de vracs alimentaires

D’ici à 2050, la production alimentaire devra augmenter de 60 % pour nourrir une population mondiale d’environ 9 milliards d’habitants. Un défi immense, d’autant plus difficile à atteindre dans un contexte de réchauffement climatique qui perturbe nos écosystèmes, les rendements agricoles et favorise la prolifération d’espèces d’insectes ravageurs. Pour faire face, la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre pour limiter les impacts de ce réchauffement et l’adaptation en trouvant des solutions adéquates, sont les deux faces d’une même pièce. Mais comment repousser ces espèces nuisibles sans utiliser de produits agrochimiques qui contribuent encore un peu plus à alimenter le problème ? Depuis près d’un an, une équipe d’étudiants de l’INSA Lyon et de l’Université Claude Bernard travaillent d’arrache-pied pour mettre au point une solution écoresponsable appelée BIO Snare. Fin octobre, ils présenteront les résultats de leurs travaux lors de l’édition 2024 du grand concours international de biologie de synthèse iGEM (International Genetically Engineered Machine). Objectif : décrocher un titre. 


Les espèces nuisibles en pleine croissance 

En Europe comme ailleurs, depuis quelques décennies, l’effondrement des populations d’insectes est vertigineux. Dans certaines zones du globe comme en Allemagne, le déclin atteint près de 80 % pour la biomasse d’insectes volants entre 1989 et 2016 selon une étude1 publiée en 2017. Dans le même temps, d’autres espèces nuisibles sont quant à elles en pleine croissance. Une prolifération favorisée par le réchauffement climatique avec des effets importants sur les rendements agricoles. Selon certaines études2, le rendement global des cultures de blé, de maïs et de riz devrait diminuer de 10 % à 25 % pour chaque degré supplémentaire de réchauffement en raison des pertes causées par les insectes nuisibles. Pour faire face à cette problématique de taille, une urgence, réduire nos émissions de gaz à effet de serre pour limiter les impacts de ce réchauffement climatique, mais il est aussi nécessaire de s’adapter et trouver des nouvelles solutions pour éliminer ces nuisibles tout en protégeant les autres espèces dont celles menacées d’extinction et les pollinisateurs primordiaux pour l’équilibre de nos écosystèmes.


Une solution sans produits chimiques 

Plus aucun produit chimique. C’est ce que propose le dispositif BIO Snare, du même nom que l’équipe constituée il y a un an et composée de 16 étudiants du département Biotechnologies et Bioinformatique l’INSA Lyon et de l’Université Claude Bernard. BIO Snare, c’est « un patch collant et coloré, 100 % biosourcé, biodégradable et respectueux de l'environnement », comme l’indique son slogan. Comment ? En laissant la nature faire son travail ou presque : « On associe une bactérie qui produit naturellement de la cellulose en grande quantité et une levure génétiquement modifiée pour modifier cette cellulose et ainsi fabriquer un papier gluant capable de sélectionner les insectes », explique Marion Fiorucci, étudiante en 5ᵉ année du département Biotechnologies et Bioinformatique à l’INSA Lyon et membre de l’équipe BIO Snare.

 


L’équipe BIO Snare. Composée d’étudiants du département Biotechnologies et Bioinformatique de l’INSA Lyon et de l’Université Claude Bernard, en biochimie et biotechnologie,
en bioinformatique et modélisation, mais aussi en microbiologie, cancérologie, ingénierie de la santé, santé publique et biologie moléculaire et cellulaire. Crédits : Graines d’image.


Au début du projet, l’équipe embrasse un objectif ambitieux qui répond à une problématique locale : limiter la prolifération du moucheron asiatique ou drosophile du cerisier (Drosophila suzukii), un ravageur apparu en 2009 en France. Ce moucheron est redoutable, en particulier pour les framboises et les cerises dont le bassin lyonnais et reconnu comme le premier producteur. Selon les chiffres de l’AOP « Cerises de France » qui fédère plus de 600 producteurs français de cerises, la production des adhérents en 2023 a ainsi chuté de 35% par rapport à la moyenne des cinq années précédentes. « Placé directement sur les arbres, le patch attirera des insectes ciblés en fonction de sa couleur spécifique. Et il est complètement biodégradable, ce qui signifie qu'il se décompose naturellement sans laisser de résidus nocifs dans l'environnement », indique l’équipe à son lancement. « Nous avons finalement dû revoir notre projet, car il nous manquait un moyen de rendre notre piège sélectif pour que ce patch une fois installé n’attire que les insectes nuisibles. Aujourd’hui, on se concentre davantage sur la thématique domestique (magasins alimentaires) qu’agricole », détaille Marion Fiorucci. Ce piège serait par exemple très utile dans les rayons vrac des supermarchés et marchés BIO qui sont la cible de nombreux insectes comme les mites, entraînant beaucoup de gaspillage. 


Décrocher la lune 

Du 23 au 26 octobre prochain, l’équipe de Bio Snare a rendez-vous pour la finale du grand concours IGEM. Créée il y a 20 ans, il s’agit de la plus grande compétition internationale de biologie de synthèse. Elle regroupe chaque année plus de 350 équipes issues des meilleures universités du monde pour repousser les limites de la biologie afin de répondre aux enjeux contemporains. « Nous sommes très fiers d’avoir pu établir les preuves de notre concept et de présenter nos travaux lors de cette finale. C’est la concrétisation d’un an de travail que nous avons réalisé, en plus de mener nos études, nous avons tout géré de A à Z, l’administratif, le financier, la communication, les liens avec les partenaires. C’est une expérience scientifique et humaine très enrichissante », insiste Marion Fiorucci de l’INSA Lyon. 

Accompagnée par le laboratoire MAP (microbiologie, adaptation et pathogène) et soutenue financièrement notamment par la Fondation INSA de Lyon et la société bioMérieux, l’équipe attend avec impatience ce moment : « gagner nous ouvrira forcément des portes, mais nous verrons après la finale si l’idée de monter une startup est viable et si des débouchés industriels sont possibles. Il reste encore du travail et de la recherche, mais on a déjà pris contact avec des entreprises qui sont intéressées », conclut Marion Fiorucci. En attendant de décrocher la lune, l’équipe peut compter sur sa bonne étoile, Agnès Rodrigue, maître de conférences au sein du département Biotechnologies et Bioinformatique de l’INSA Lyon qui a déjà reçu la médaille des « Distinctions scientifiques » de l’INSA Lyon pour les récompenses obtenues lors de la compétition IGEM de 2022. 

 

[1] More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas. Plos One - 2017

[2] Increase in crop losses to insect pests in a warming climate. Science - 2018
 

Informations complémentaires

Mots clés

18 sep
18/09/2023 10:00

Sciences & Société

Soutenance de thèse : Fatima Diya

Research and study of A1b type entomotoxins: Application for the protection against the pest of tomato, Tuta absoluta

Doctorante :  Fatima Diya

Laboratoire INSA : BF2I

Ecole doctorale : ED 341 : Evolution, Ecosystèmes, Microbiologie, Modélisation

Pea albumin 1 subunit b, PA1b, is a plant cystine knot peptide, extracted from the seeds of peas Pisum sativum and is composed of 37 amino acids. It is a potential candidate for use to control economic pests such as cereal weevils, major pests of stored grains. The natural diversity of this peptide in the seeds of legumes native to the Middle East and belonging to the Faboideae subfamily was investigated. Additionally, the insecticidal activity of each of the seed flour from the selected seeds were evaluated against the susceptible and resistant strains of weevils. This has led to the identification of Vicia sativa ssp. sativa, a promising species containing potent A1b isoforms. The latter from different geographical regions of this species were biochemically characterized, and their biological activities were evaluated. A putative A1b sequence has been identified from Vicia sativa ssp sativa originating from Turkey. Previously, AG41, a 10-fold more toxic isoform was also identified from the roots of Medicago truncatula. In this study, we have identified the key residues responsible for the enhanced toxicity of this peptide using NMR. As a promising bio insecticide targeting the VATP-ase, a proton pump necessary for the absorption of nutrients, PA1b has been also tested on the major pest of tomato, Tuta absoluta. The peptide delivered through injection was lethal to the larval stage of the pest. This has raised interesting prospects about the potential targets of PA1b in insects.

Informations complémentaires

  • Bibliothèque du Laboratoire BF2I, Premier étage, Bâtiment Louis Pasteur (Villeurbanne)

26 fév
26/fév/2018

Recherche

Mort cellulaire programmée : le puceron du pois montre une nouvelle voie

Publié dans la revue PNAS, l’article rédigé au laboratoire BF2i (Unité Mixte de Recherche INRA/INSA Lyon) fait référence à la découverte d’un nouveau processus de mort cellulaire chez les insectes et plus précisément chez le puceron du pois. Cette découverte ouvre le champ des possibles chez les insectes mais aussi chez l’Homme. Entretien avec Federica Calevro, enseignante et chercheuse au laboratoire BF2i (Biologie Fonctionnelle, Insectes et Interactions).

Pourquoi étudiez-vous les pucerons ?
Les pucerons ont beaucoup de succès sur notre planète ! Il y a environ 5000 espèces différentes de pucerons sur terre, c’est énorme ! Le problème, c’est qu’ils aiment beaucoup trop les plantes nécessaires à l’alimentation de l’Homme. Comme les conséquences économiques sont importantes, le laboratoire BF2i concentre une partie de sa recherche sur les nouveaux moyens de lutte contre ces insectes. Il faut savoir que le puceron a la possibilité de se reproduire de façon clonale, contrairement à la majorité des autres insectes ! Un seul puceron femelle peut pondre plus de 90 femelles qui lui sont strictement identiques ! On cherche donc à comprendre leur comportement et leur biologie, non pas pour les éradiquer, mais pour parvenir à en contrôler la population, et éviter l’explosion de leur population suite à leur reproduction clonale.

Qu’avez-vous donc découvert récemment ?
Un nouveau processus de mort cellulaire chez le puceron du pois. C’est une découverte qui ouvre la porte à de nombreuses réflexions. Mais il faut d’abord comprendre que le puceron vit en symbiose avec de nombreuses bactéries dont une, en particulier, lui est indispensable, la bactérie Buchnera. En effet, si le puceron se nourrit du sucre de la sève et des acides aminés non-essentiels de la plante, il complète son alimentation avec les acides aminés manquants dont il a besoin grâce à la bactérie Buchnera. Cette bactérie symbiotique se trouve dans des cellules spéciales du puceron, appelées bactériocytes, qui ne sont présentes que chez les insectes.

Notre doctorant Pierre Simonet, voulant comprendre comment le puceron contrôle la dynamique de population de ses bactéries symbiotiques, s’est aperçu qu’au stade de jeune adulte, le puceron présentait de nombreux bactériocytes, de grande taille et remplis de bactéries symbiotiques, précisément lors des pics de reproduction. Ce n’est que lorsque le puceron entre dans sa phase « vieillissante » que le nombre de bactériocytes diminue et leur taille aussi. On a alors découvert chez ces pucerons âgés que le cœur de chacune de ces cellules était dépourvu de symbiotes contrairement aux jeunes pucerons.
Des coupes de quelques nanomètres d’épaisseur nous ont précisé que ce cœur de cellule n’était pas vide, mais au contraire rempli de vacuoles (des sous-compartiments membraneux de la cellule). Cela nous a tout de suite interpellés ! Parce que l’accumulation de vacuoles est observée régulièrement dans les processus de mort cellulaire !
Pierre décide alors de partir en Belgique, chez l’un de nos collaborateurs, pour développer une méthode nouvelle pour les  bactériocytes, le whole-mount, qui consiste à isoler un puceron et disséquer ses cellules pour les marquer.
C’est ce marquage, fait sur différentes protéines de bactériocytes en cours de vieillissement, qui a démontré que nous étions face à un cas nouveau de mort cellulaire.

Quelles sont les caractéristiques de ce nouveau processus de mort cellulaire ?
La grande taille des vacuoles, leur origine (ils sont produits par le réticulum endoplasmique de la cellule), la réorganisation du système des microtubules de la cellule, qu’on peut assimiler à sa colonne vertébrale, la digestion, par les lysosomes, des millions de symbiotes présents dans les bactériocytes.   

Quelles réflexions peuvent s’engager après cette découverte ?
L’évolution a doté le puceron du pois d’un nouveau moyen de se débarrasser de ses cellules symbiotiques.
Est-ce que d’autres insectes qui possèdent des bactéries symbiotiques et des bactériocytes peuvent faire la même chose ? Peut-on contrôler ce processus cellulaire pour lutter contre le puceron du pois d’une façon plus respectueuse de l’environnement que l’utilisation de pesticides chimiques ?
Cette découverte n’aurait peut-être jamais pu aboutir il y a 10 ans parce qu’on considérait que les mécanismes principaux de mort cellulaire étaient la mort cellulaire programmée (apoptose) ou l’auto-cannibalisme cellulaire (autophagie). Depuis, les études en la matière se sont multipliées et, rien que chez les mammifères, on dénombre une vingtaine de morts cellulaires différentes. Et à chaque fois, le processus est relié à un mécanisme physiologique ou pathologique.
Découvrir de nouveau processus de mort cellulaire chez l’insecte ouvre le champ des possibles et a un écho chez l’humain. D’ailleurs, grâce à son travail de thèse, Pierre a décidé de poursuivre ses études en médecine, pour travailler sur la biologie cellulaire autour de l’Homme et de la santé. Le puceron du pois lui a ouvert la voie !

Bacteriocyte cell death in the aphid/Buchnera symbiotic system. PNAS 2018; published ahead of print February 5, 2018 ; pii: 201720237.
1Pierre Simonet, Karen Gaget, Séverine Balmand, Mélanie Ribeiro Lopes, Nicolas Parisot, Gabrielle Duport, Gérard Febvay, Abdelaziz Heddi, Hubert Charles and Federica Calevro
2Kurt Buhlerb, Veerle Vulstekeb and Patrick Callaerts

1 Univ Lyon, INSA-Lyon, INRA, BF2I, UMR0203, F-69621, Villeurbanne, France.
2 KU Leuven, University of Leuven, Department of Human Genetics, Laboratory of Behavioral and Developmental Genetics, B-3000, Leuven, Belgium.

Contact : Federica Calevro - Tél : 04 72 43 79 88 - federica.calevro@insa-lyon.fr

 

Mots clés