
Formation
De Mayotte à l’INSA Lyon : oser les études supérieures
Il y a deux et trois ans, Aboubacar Assani et Elwafa Hamidi arrivaient en Métropole pour suivre des études d’ingénieur à l’INSA Lyon. Aujourd’hui en deuxième année de FIMI1, ils mesurent le chemin parcouru depuis qu’ils ont quitté l’île de Mayotte. Ils se revoient jeunes bacheliers, laissant derrière eux leurs repères. S’ils étaient bien décidés à suivre des études supérieures, ils ne pouvaient à cette époque ignorer les craintes suscitées par le départ du nid familial mahorais, les températures hivernales, les nouvelles habitudes alimentaires ou les nouvelles méthodologies de travail. Après avoir fait le grand saut vers le supérieur, ils ont souhaité faire profiter de leur expérience pour susciter les ambitions scolaires de leur cadets mahorais. C’est ainsi que, dans le cadre d’une intervention chapeautée par l’Institut Gaston Berger et les cordées de la réussite, les deux élèves-ingénieurs se sont rendus à Mayotte en février dernier. À la lumière de leur expérience personnelle et accompagnés par François Rousset, enseignant-chercheur, ils ont ouvert le dialogue avec des jeunes lycéens du 101e département français. Ils racontent.
« L’accès à l’information sur les études supérieures à Mayotte n’est pas toujours facilité »
Face aux assemblées de jeunes oreilles attentives, Elwafa Hamidi s’est revu, lycéen. Très bon élève, il se souvient que très peu d’établissements de l’enseignement supérieur métropolitain ne franchissaient l’Océan Indien. « Je ne connaissais les études supérieures qu’à travers le parcours de ma sœur, aujourd’hui infirmière. Plus jeune, j’ai longtemps nourri le souhait de rejoindre le milieu médical car c’était le seul exemple que je connaissais. Lorsqu’une enseignante de l’INSA est venue présenter les études d’ingénieur, le déclic s’est fait. Même si je n’avais pas tout à fait compris tous les contours du métier qu’elle avait dépeint, j’ai su que c’était ce que je voulais devenir : ingénieur. Je crois que ces rencontres de terrain sont très importantes pour informer les jeunes des territoires d’outre-mer et leur permettre d’avoir une chance d’accéder aux études de haut-niveau. »
Atelier de la fresque du climat, conférence d’initiation à la science appliquée et intervention
dans les cours de travaux pratiques ont permis de montrer comment les notions apprises
au lycée pouvaient être étudiées dans l’enseignement supérieur.
« On ne vit pas au même rythme en Métropole et sur une île »
L’île de Mayotte, département français depuis 2011, compte plus de 100 000 jeunes lycéens et collégiens2. Parmi eux, nombreux sont les élèves qui, malgré des capacités scolaires soulignées par les professeurs du secondaire, cachent sous le tapis la possibilité des études supérieures. « À la sortie du lycée, je n’étais pas sûr d’avoir le niveau pour faire des études poussées, même si mes profs me disaient le contraire. Ajouté à cela que la France vit sur un autre rythme, j’ai mis longtemps avant de faire le choix de poursuivre mes études à Lyon où je ne connaissais personne. Et puis avant d’arriver à l’INSA, j’avais peur de l’inconnu, pour des raisons qui peuvent peut-être paraître ridicules : la vie sociale différente, un pays plus grand, l’éloignement de ma famille, le passage du lycée au supérieur… Mais une fois que l’on saute le pas, on découvre ses propres capacités à s’adapter. C’est pour cette raison qu’il m’a paru important d’aller discuter avec des lycéens de mon île : pour les inciter à dépasser leurs craintes et leur dire que c’est possible », explique Aboubacar Assani, en deuxième année de FIMI.
Invités par des médias locaux, Elwafa et Aboubacar ont diffusé
leur message d’incitation jusqu’aux familles des lycéens mahorais.
« Bien sûr, les premiers amphis, c’était compliqué »
Pendant leurs rencontres sur l’île, les deux étudiants ont insisté. Si l’adaptation à la vie métropolitaine s’est faite naturellement pour eux, pour réussir ses études d’ingénieur, il faut être persévérant. « Je me souviens de mon premier cours en amphi : le prof parlait en faisant défiler sa présentation. J’attendais patiemment que l’enseignant nous donne du temps pour noter le cours. Et puis j’ai jeté un œil sur la feuille de mon voisin : il en était déjà à sa deuxième copie double ! Je n’avais pas l’habitude de la prise de note ; j’ai dû apprendre à apprendre, avec de nouvelles méthodes. Ça a été plus ou moins long pour moi, mais j’avais la chance de pouvoir compter sur mon colocataire et mes amis. Je ne me suis jamais retrouvé seul », poursuit Elwafa.
« Je voulais transmettre un message d’encouragement aux Mahorais »
Lors de leur mission, Aboubacar et Elwafa se sont montrés rassurants. « Beaucoup de lycéens s’interrogeaient sur l’aspect pratique de faire des études en Métropole : comment prendre l’avion, le train ou récupérer les clés de sa résidence sur le campus. Je crois que nous avons réussi à en rassurer certains avec ces petits détails. L’INSA proposant l’hébergement et la restauration sur le campus, c’est sécurisant lorsque l’on arrive dans un nouveau pays », indique Aboubacar. Et Elwafa d’ajouter. « Mayotte est un territoire en plein développement, en manque d'infrastructures, d'ingénieurs, de médecins... Encourager les jeunes à s'orienter vers des formations exigeantes est primordiale pour l'avenir de mon île. Je voulais transmettre un message d'espoir et d'encouragement aux étudiants mahorais. Je crois que nous avons réussi à passer le message que la peur de l'échec ne doit en aucun cas être un frein pour candidater dans des filières exigeantes. J'ai moi-même redoublé ma première année en arrivant à Lyon, et je l’ai vécu comme une seconde chance et qui m'a encouragé à redoubler d'efforts. »
Aboubacar devant une assemblée d’élèves, au lycée des Lumières à Mamoudzou.
« Il est difficile de se projeter dans un métier quand on n’a pas d’exemple autour de soi »
Faire germer la volonté de poursuivre des études ambitieuses dans l’esprit des élèves était donc le but principal de ces échanges comme l’explique François Rousset, enseignant-chercheur et ancien directeur de la filière Formation Active en Sciences, aujourd’hui INS’AVENIR3. « La question de la confiance en soi et de la légitimité est souvent la clé de voûte pour franchir le pas des études supérieures et éviter l’autocensure. La problématique est sociologique : il est difficile de se projeter dans un métier que l’on n’a pas en exemple dans son entourage proche. Il était important que les étudiants investis sur cette mission soient mahorais. La prochaine fois, j’espère que cette mission pourra aller plus loin et compter sur le partage d’expérience d’une étudiante pour faire naître l’ambition chez les lycéennes mahoraises. »
Pour en savoir plus :
[2] Présentation de l'Académie de Mayotte
[3] Nouvellement ouverte à la rentrée 2023, la filière INS'AVENIR accueillera des élèves issus des baccalauréats technologiques STI2D et STL et des élèves issus du baccalauréat général ayant suivi une seule spécialité scientifique en Terminale : Mathématiques ou SI / NSI / PC + l'option Maths complémentaires.

Formation
« L’Include Campus ouvre le champ des possibles pour les apprenants de l’Ain »
C’est un tremplin conçu pour suivre et réussir des formations diplômantes à distance sur le campus d’Oyonnax de l’INSA Lyon. Véritable démonstrateur destiné à favoriser les chances d’accès à l’enseignement supérieur, l’Include Campus d’Oyonnax explorera de nouvelles méthodes d’apprentissage grâce aux techno-pédagogies numériques avec un objectif : éviter l’isolement et la démobilisation des apprenants dans un cursus à distance.
Dès la rentrée 2023, l’Include Campus accueillera 25 étudiants en formation à distance, qui bénéficieront de la vie du campus oyonnaxien, tout en étant étroitement accompagnés par une équipe pédagogique. Ali Aksen, chargé de mission Include Campus, explique le fonctionnement de cette nouvelle structure d’accueil.
Pourriez-vous résumer l’objectif de l’Include Campus en quelques mots ?
L’Include Campus veut favoriser la réussite et l’accès à l’emploi sur le territoire du Haut-Bugey ; c’est un dispositif « tremplin » qui permettra à une promotion d’étudiants habitant l’Ain de mener à bien des études supérieures à distance, tout en bénéficiant des services et des facilités de notre campus. Dans ce cadre-là, l’INSA Lyon n’est pas opérateur de formation, mais propose un encadrement de proximité pour faciliter la réussite au diplôme. La promotion sera accueillie dans nos locaux, à raison d’une trentaine d’heures par semaine pour suivre les cours en ligne du diplôme choisi (BTS, licence, BUT, master…). Ce projet novateur a pour ambition d’encourager l’accès à l’enseignement supérieur sur notre territoire : avec l’Include Campus, on élargit les possibilités de formation, via une offre diplômante en ligne.
Pourquoi parle-t-on de « dispositif tremplin » ? Quels profils d’apprenants l’Include Campus souhaite-t-il accueillir ?
Nous avons fait état de beaucoup de freins à la mobilité sur notre territoire notamment lorsqu’il s’agit d’aller étudier dans des centres universitaires hors du département. Des situations particulières peuvent empêcher un déménagement par exemple. Alors, la formation à distance, en ligne, peut s’avérer être une solution intéressante pour ces personnes. Seulement, se former à distance implique parfois une démotivation qu’il n’est pas toujours facile de surmonter. C’est la raison d’exister de l’Include Campus : en étant adapté à la diversité des publics d’apprenants, l’accompagnement proposé offre un environnement d’apprentissage accessible et par extension, plus humain. Cette offre peut intéresser les étudiants présentant des contraintes de santé, familiales, sportives, en reconversion professionnelle, en formation initiale et continue. Le terme « tremplin » fait donc référence à l’ambition principale de ce dispositif : amener vers la réussite du diplôme à travers un cursus personnalisé.
La promotion de l’Include Campus sera
accueillie sur le campus d’Oyonnax de l’INSA Lyon.
Concrètement, comment l’accompagnement fonctionnera et de quels services pourront bénéficier les étudiants ?
Les apprenants de l’Include Campus auront à leur disposition du matériel, avec des postes de travail mobiles. Des espaces d’études seront assignés pour créer une dynamique collective : même si les disciplines suivies par chacun des membres de la promotion seront certainement très diverses, des temps d’échange seront créés pour favoriser l’entraide et la pluridisciplinarité. Aussi, chaque élève pourra bénéficier de temps de suivi individuel pour apporter des réponses aux potentielles questions et une aide méthodologique. Autre avantage de taille : la promotion pourra profiter des services de notre campus, être intégrée avec les élèves-ingénieurs de l’INSA Lyon et bénéficier des nombreuses activités de la vie de campus.
Comment candidater à l’Include Campus ?
D’abord, parmi une liste de formations, le candidat devra trouver le diplôme qui lui convient. Pour chaque cas, les modalités de candidature seront précisées par l’opérateur de formation qui peut-être une école, une université, le CNED… Certaines requièrent une candidature sur ParcourSup ; d’autres demandent d’adresser son dossier de candidature classiquement. En parallèle, le candidat pourra postuler auprès de l’Include Campus, pour faire partie de la promotion de la rentrée prochaine. Ensuite ? Après quelques formalités administratives, vous voilà en route pour la réussite !

Plus d’informations : https://www.insa-lyon.fr/fr/include-campus-oyonnax
Contact : include.campus@insa-lyon.fr ou 04 72 43 78 11


INSA Lyon
« Le mentor est un point de repère pour l’étudiant dans cette période de fortes incertitudes. »
Chaque année, l’Institut Gaston Berger propose de mettre en lien des élèves-ingénieurs avec un mentor ingénieur, femme ou homme. L’objectif : accompagner les jeunes élèves en quête d’orientation et d’expérience, à travers une relation d’échange mutuel. Quid du mentorat à l’INSA Lyon en période Covid ? Clémence Abry-Durand, chargée de mission à l’IGB, répond.
En quoi consiste le mentorat porté par l’Institut Gaston Berger auprès des élèves-ingénieurs ?
Il s’agit d’un dispositif qui met en relation des étudiants avec des ingénieurs, quel que soit leur niveau d’expérience et domaine d’activité. Il existe plusieurs types d’accompagnement : le mentorat individuel ou collectif et le mentorat pour les femmes, qui a pour but de favoriser l’insertion des élèves-ingénieures filles dans des domaines encore trop masculins. Pour chaque type de mentorat, l’objectif est d’apporter un soutien à l’étudiant.e dans ses choix d’orientation et d’insertion professionnelle, le tout, basé sur une relation d’échange. Bien souvent, le ou la mentor est une sorte de « point de repère » pour le ou la mentoré.e, notamment dans cette période de fortes incertitudes pour les élèves-ingénieurs.
La crise Covid a-t-elle influé sur le nombre d’étudiants participants à ce dispositif ?
Effectivement, nous avons enregistré le double de participations par rapport aux années précédentes. Il faut bien avouer que les motivations énoncées par les étudiants dans les formulaires d’inscription sont assez révélatrices du contexte actuel : nous avons comptabilisé beaucoup de questionnements sur l’insertion professionnelle et le rôle des ingénieurs dans les années à venir. Il ne s’agit ici que d’un ressenti personnel, mais je crois que ce doublement d’effectif traduit une volonté assez forte d’échanger sur les pratiques et les visions pour l’avenir de leur métier avec des professionnels. Ce qui est tout aussi intéressant, c’est que nous avons un beau record de participations du côté des mentors également, même s'il nous manque encore quelques volontaires pour pouvoir accompagner tout le monde.
Qui peut devenir mentor et pourquoi s’engager ?
Tout ingénieur issu de tout domaine confondu, peut s’inclure dans nos dispositifs de mentorat. Bien souvent, c’est l’échange que les mentors viennent chercher dans ces relations particulières. Je crois qu’ils apprennent beaucoup en étant au contact d’élèves-ingénieurs car cela engendre souvent un questionnement sur leur propre rôle d’ingénieur. C’est une sorte de retour sur eux-mêmes, car quand on conseille, on peut parfois remettre sa vision en question et la faire évoluer.
Cette année, je crois qu’il y a aussi une vague de solidarité qui se crée face à la situation économique engendrée par l’épidémie et les doutes qui lui sont associés. D’ailleurs, si des ingénieurs lisent ces quelques lignes et souhaitent s’intégrer dans le dispositif, ils et elles sont les bienvenu.e.s !
Je suis ingénieur.e et je souhaite accompagner un.e étudiant.e de l'INSA Lyon : https://bit.ly/2ISHmul