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20 sep
20/sep/2017

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Publiés dans Nature, ses travaux remettent en cause les recherches d’une autre équipe

Après deux ans de procédure, l’article de Rita Rebollo (laboratoire BF2i*) et de ses collègues est enfin paru dans la revue Nature. Une satisfaction pour cette chercheuse en épigénétique.

Qu’est-ce que l’épigénétique ?
L’épigénétique désigne les mécanismes de régulation de l’expression de gènes sans changement de séquence d’ADN. Toutes les cellules de notre organisme ont le même génome et c’est le programme d’expression des gènes qui permet à chaque cellule de se spécialiser. En effet, le même gène à un moment précis, peut être exprimé dans une cellule et éteint dans une autre. Tout cela sans que l’ADN ne change de séquence. Les mécanismes épigénétiques permettent aussi de contrôler des séquences virales intégrées qui existent au sein de notre génome. En effet, il faut savoir que la moitié du génome humain est composée d’éléments transposables (ET), qu’on a longtemps appelé « ADN poubelle »  parce qu’on ne savait pas quelle était leur fonction. Les ET sont des séquences répétées capables de se multiplier au sein d’un génome et de causer des mutations ainsi que des changements dans l’expression des gènes. Le séquençage des génomes a montré que ces ET pouvaient impacter fortement les génomes et donc participer au programme d’expression des gènes.

Sur quoi portent vos travaux qui ont fait l’objet de cette publication dans Nature ?
En 2015, une équipe de chercheurs a décidé d’étudier un variant d’histone. Les histones sont les principaux constituants protéiques des chromosomes. Elles sont étroitement associées à l'ADN dont elles permettent la compaction : l'ADN est en effet enroulé autour des histones comme du fil autour d'une bobine. L’équipe concernée a affirmé par ses travaux sur des cellules de souris que ce variant d’histone pouvait réguler l’expression de certains ET. Quand ce variant est muté, c’est-à-dire, n’est plus fonctionnel  dans le génome de la souris, certains ET « bougent », c’est à dire transposent au sein d’une cellule. C’est un résultat important car la dérégulation des ET peut entrainer des mutations délétères.

A l’époque, je travaillais à Vancouver sur des souches de souris un peu bizarres, peu étudiées dans les laboratoires et j’essayais de démontrer que les ET « bougeaient » uniquement dans ces souches de souris et pas dans les autres. Quand Dixie Mager (la chef d’équipe de mon laboratoire de post doctorat à Vancouver) et moi avons vu ces résultats, et l’emplacement dans le génome où les nouvelles copies s’étaient insérées, nous avons compris que les chercheurs avaient fait une erreur.

En effet, les « nouvelles copies » observées par les chercheurs étaient en fait présentes dans les souches que j’étudiais. Leurs résultats s’expliquent par les procédures utilisées dans les laboratoires pour obtenir et maintenir les lignées cellulaires. Les chercheurs ont utilisé des cellules hybrides, c’est-à-dire issues d’un croisement entre deux souches de souris. Ces cellules hybrides contenaient des ET provenant des deux souches de souris, pas seulement de la souche canonique comme spéculé par les chercheurs. Ainsi, les nouvelles copies n’étaient pas une conséquence du manque de régulation des ET par le variant d’histone. Les données suggérées par l’équipe de recherche étaient donc incorrectes. J’ai ensuite participé à l’écriture d’un article pour rectifier ces données, que la revue scientifique Nature vient du publier.

Que signifie la parution de cet article dans Nature ?
Au-delà de l’aspect purement scientifique, je pense qu’il est important en recherche de souligner l’importance d’étudier des systèmes non-modèles, de travailler à partir de différentes souches, et de sortir de sa zone de confort. Nous avons tendance à affirmer que des schémas se développent d’une même façon à partir d’un modèle mais même au sein d’une espèce, les mécanismes peuvent être différents. Deux ans de procédure ont abouti à la parution d’un « Brief communications arising » dans le numéro du 3 août 2017, permettant d’ouvrir le dialogue sur le fait que nos recherches viennent rectifier les données avancées par une autre équipe de recherche en 2015. Néanmoins, l’article originel est toujours présent dans le magazine Nature par une décision des éditeurs de laisser libre arbitre aux lecteurs.

 

* Rita Rebollo, chercheur INRA (département Santé des Plantes Environnement), travaille depuis le mois de janvier au laboratoire BF2i (UMR INRA/INSA de Lyon Biologie Fonctionnelle, Insectes et Interactions) à l’INSA Lyon. Elle a effectué sa thèse dans le laboratoire de Biométrie et de Biologie Evolutive (LBBE, UMR CNR 5558 de l’Université Lyon 1), poursuivie par un post-doctorat au Canada, à Vancouver, au Terryfox Lab dans le British Colombia Cancer Research Center.
Après avoir travaillé une année au LBBE sous un contrat H2020 Marie Skłodowska-Curie, elle a rejoint le laboratoire BF2i dirigé par Pr Abdelaziz Heddi.
Rita a bénéficié depuis d’un soutien PALSE et vient de réussir un projet ANR jeunes chercheuses/jeunes chercheurs nommé UNLEASH.