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« Airxôm offre une réponse immédiate aux personnes dont la vie dépend de la qualité de l’air qu’elles respirent »
L’invention, présentée début janvier au salon des innovations électroniques de Las Vegas, le Consumer Electronics Show, a fait parler d’elle. Alors que la vague du variant Omicron déferle dans le monde entier, le masque « Airxôm » promet une protection « active » contre les risques viraux et infectieux et la pollution atmosphérique.
Trong Dai Nguyen, ingénieur INSA diplômé du département génie mécanique et docteur du laboratoire LMFA1 a rejoint la start-up lyonnaise en 2020. Cet expert en mécanique des fluides revient sur les enjeux techniques et les limites d’un tel produit.
Le masque Airxôm a fait une arrivée tonitruante lors du salon CES Las Vegas. En quoi consiste l’appareil ?
C’est un dispositif portable de purification d’air, le premier masque actif du monde, qui permet de protéger les individus contre les particules fines, les composés organiques volatiles, les virus et les bactéries. Concrètement, le masque possède plusieurs niveaux de protection. D’abord, il filtre l’air entrant et sortant puis il décontamine et détruit les particules grâce à la photocatalyse. Il est composé de deux filtres : le premier neutralise les virus et les bactéries et le second détruit les particules résiduelles polluantes en émettant des rayons UVA sur un catalyseur. C’est la raison pour laquelle il est utilisé avec une batterie. Notre produit repose sur l’utilisation de plusieurs brevets techniques et a été pensé avant l’arrivée de la Covid, pour protéger les personnes avec des maladies chroniques respiratoires, des porteurs de greffes ou des personnes fragiles pour qui la question de l’air est très sensible. Nous avons bien sûr par la suite effectué des tests sur le SARS-CoV-2, et Airxôm s’est avéré très efficace.
Avec deux diplômes d’ingénieur et de docteur en génie mécanique et en mécanique des fluides à l’INSA Lyon, vous êtes le responsable technique parfait pour ce projet. Quels ont été les enjeux scientifiques derrière la conception de ce masque ?
Cela fait plusieurs années que je travaille sur la filtration et le traitement de l’air, notamment dans le cadre d’un post-doc sur la qualité de l’air dans les habitacles de véhicule automobile. J’avais donc une vision globale de l’offre des filtres techniques en photocatalyse qui ont fleuri sur le marché ces dernières années. Pour la conception du masque, j’ai surtout été occupé aux mesures dont les protocoles très rigoureux nous ont permis de construire et de tester les différentes couches filtrantes pour trouver un bon compromis entre la meilleure respirabilité, le tissage efficace et la recyclabilité des matériaux.
La Covid a mis en lumière les effets de la pollution de l’air, intérieure et extérieure, et ses effets sur la santé. Le masque Airxôm est également un bon prétexte pour sensibiliser à la question, mais sommes-nous condamnés à porter des masques filtrants pour respirer un air pur ?
La pollution de l’air est un problème systémique auquel aucun objet technique n’apportera jamais une solution miracle. Je pense que l’innovation-produit n’a pas vocation à traiter les enjeux à la racine et j’ai conscience que notre masque ne représente qu’une solution de surface face à l’immense problématique de la pollution atmosphérique. Cependant, elle offre une réponse immédiate aux personnes dont la vie dépend de la qualité de l’air qu’elles respirent, pour vivre plus longtemps. C’était d’ailleurs la volonté première de Vincent Gaston, le président de la start-up qui travaille à ce projet depuis le décès de son fils atteint d’une mucoviscidose. Si Airxôm avait été conçu avant, Mathieu aurait pu bénéficier d’une « béquille » pour avancer dans le quotidien avec plus de sécurité. C’est pour cela que cette innovation a du sens pour moi, même si elle ne fera pas directement reculer les dangers de la pollution atmosphérique qui pèsent sur les individus. Il faut garder en mémoire que la technique ne peut pas se substituer aux transformations de fond nécessaires pour faire réduire les tensions qui pèsent sur la santé humaine et la biodiversité.
▪️ Pollution atmosphérique : mesurer les risques grâce à la modélisation cartographique
▪️ Alliance Atmo/INSA Lyon : pour une recherche qui a le vent en poupe
[1] Laboratoire Mécanique des Fluides et d’Acoustique (CNRS/Lyon 1/ECL/INSA Lyon)
Podcasts « Les cœurs audacieux » - Saison 2 / Épisode 3 - 9 février 2022

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Pollution atmosphérique : mesurer les risques grâce à la modélisation cartographique
Greenpeace a récemment publié une carte interactive dénonçant les niveaux de pollution atmosphérique aux abords des écoles lyonnaises. Pour mener son étude, l’ONG a croisé deux cartes : une première réalisée en 2017 par l’observatoire Atmo Auvergne Rhône-Alpes et une deuxième cartographie des établissements accueillant des enfants. Matérialisés en quatre catégories, du vert au rouge, la nouvelle carte affiche les niveaux d’exposition au dioxyde d’azote présents dans l’air.
Le logiciel à l’origine de la modélisation de ces données est SIRANE, créé par Lionel Soulhac, professeur au Département Génie Mécanique de l’INSA Lyon et Directeur adjoint du Laboratoire de Mécanique des Fluides et d’Acoustique, le LMFA1. Il explique l’importance de la modélisation de la pollution atmosphérique pour répondre aux enjeux d’environnement et de santé.
En ville, des panneaux lumineux renseignent sur la qualité de l'air en temps réel. Variant de 1 à 10 et du vert au rouge, les « indices Atmo » sont le résultat de mesures en stations et de logiciels de simulation comme l’explique Lionel Soulhac.
« La pollution atmosphérique, qu’elle soit chronique ou accidentelle, est très diffuse et difficile à mesurer. Au LMFA, on l’étudie de façon expérimentale, grâce à des maquettes à échelle réduite et grâce à la modélisation numérique avec le logiciel SIRANE par exemple. »
Lionel étudie les risques de la pollution atmosphérique depuis quelques années. Pour créer une cartographie de la qualité de l’air, le logiciel combine plusieurs grandes familles de données comme la géographie du site, les producteurs de polluants comme les industries et d’autres facteurs de propagation et de dilution comme la météorologie.
« SIRANE travaille en croisant les données pouvant influencer la qualité de l’air : le trafic routier, les centrales de chauffage, le relief, les bâtiments, le vent qui vient du nord ou d’ailleurs… Et nous croisons ces données avec les mesures réelles de la pollution pour obtenir une modélisation en 2D ou 3D. »
En collaboration avec deux enseignants-chercheurs du Centre d’Innovation en Télécommunications et Intégration de services (CITI), Hervé Rivano, Walid Bechkit et Lionel Soulhac travaillent au développement de micro-capteurs de mesure de l’air.
« Aujourd’hui, les outils de mesure de la qualité de l’air coûtent très cher à fabriquer et à exploiter. Les micro-capteurs sont une solution économique et pratique. Bientôt, nous pourrions avoir ces capteurs jusque dans nos téléphones, permettant d’alimenter les vecteurs de communication auprès du grand public, comme les applications mobiles2 ou les girafes en ville. Les mesures de la qualité de l’air seraient plus représentatives de la réalité. »
Les cartographies numériques ne sont pas seulement utiles à des fins informationnelles. Elles sont de véritables outils d’aide à la décision.
« Les cartes nous permettent de simuler des scénarios en prévision du comportement de la pollution atmosphérique dans 10 ou 20 ans. Les institutions publiques, les organismes spécialisés en sécurité de l’air et les entreprises utilisent ces outils de modélisation pour mettre en place des actions correctrices. »
Plusieurs projets en santé et sécurité sont en cours, par exemple en relation avec le Centre Léon Bérard pour étudier les corrélations entre épidémies, maladies et pollution atmosphérique.
« Il s’agit d’aider les spécialistes de la santé et de la sécurité à apprivoiser une menace qui peut être invisible à l’œil nu. Nous travaillons également avec des sapeurs-pompiers à l’élaboration de lunettes de simulation capables d’avertir des risques toxiques ou radiologiques grâce à la réalité augmentée. »
1 INSA/Lyon 1/ École Centrale de Lyon/CNRS
2 L’application « Airtogo » de l’observatoire Atmo Auvergne Rhône Alpes utilise également le logiciel SIRANE