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Associée à la bactérie Dickeya dadantii, la pectine révèle son potentiel
Une scène quotidienne : dans la corbeille à fruits, une pomme dont la peau brunit et ramollit. Elle qui paraissait si ferme et si rouge quelques jours plus tôt. L’une des responsables de cette dégradation pourrait être la bactérie Dickeya dadantii. William Nasser, directeur du laboratoire MAP1 (Microbiologie, Adaptation et Pathogénie) et son équipe la connaissent bien puisqu’ils l’étudient depuis quelques années.
« Au tout début de nos recherches, nous voulions neutraliser cette bactérie responsable de la pourriture molle des aliments. Puis au fur et à mesure de nos essais, il s’est avéré que la bactérie Dickeya dadantii avait plus de qualités qu’elle n’en avait l’air. »
La bacterie Dickeya dadantii transforme la pectine en « POS »
Une bactérie peut être pathogène ou bénéfique à un organisme vivant. Il s’agit pour l’équipe CRP (Chromatine et Régulation de la Pathogénie bactérienne), de tirer profit de la virulence de la Dickeya dadantii vis-à-vis des plantes en contrôlant son action de dégradation sur la pectine.
« Naturellement présente dans les végétaux, la pectine est un polymère de sucre. Elle permet aux cellules du végétal de se tenir entre elles, un peu comme un ciment. Une fois ‘découpée’ par la bactérie Dickeya dadantii, la pectine se transforme en POS, des oligosaccharides, qui s’avèrent être une ressource intéressante pour des applications pharmaceutiques, médicales ou alimentaires », illustre Sylvie Reverchon du laboratoire MAP.
Pour contrôler le processus de décomposition de la pectine en POS, l’équipe a conçu un bioréacteur, un appareil dans lequel évoluent les bactéries.
« Le bioréacteur permet d’avoir une dégradation continue : à l’entrée de la cuve on injecte de la pectine et à la sortie nous obtenons des POS », ajoute William Nasser, directeur du laboratoire.
Un article2 paru dans le « Journal of Biological Chemistry » souligne l’apport du travail de modélisation réalisé en collaboration avec Jacques-Alexandre Sepulchre de « l’Institut de Physique de Nice » qui a permis d’optimiser le fonctionnement de l’appareil pour générer des quantités relativement importantes de POS.
« Cela nous a permis de répondre aux problématiques de calcul du débit : nous avons recherché le débit parfait pour une dégradation optimale, c’est-à-dire, sans que les bactéries ne ‘mangent’ trop les polymères », explique Sylvie.
Les POS, complexes de sucres aux vertus prometteuses
« Les POS ont une forte valeur ajoutée. Elles ont des propriétés prébiotiques, des vertus hydratantes et immunologiques qui peuvent répondre à des enjeux de santé importants », poursuit le directeur du laboratoire MAP.
Des études sont en cours sur la capacité des POS à enrayer le développement de la Galectine 3, une protéine impliquée dans la progression des cancers métastasiques. La pectine décomposée par la bactérie Dickeya dadantii révèlerait donc un potentiel inexploité et un intérêt écologique puisque, disponible en grande quantité dans les déchets verts, la réutilisation de la pectine pourrait représenter une alternative au brûlage.
« La lignine et la cellulose, également présentes en grande quantité dans les végétaux, sont déjà utilisées pour fabriquer du bioéthanol. La pectine pourrait être réutilisée au sein des industries pharmaceutiques et alimentaires, offrant aux déchets verts une seconde vie profitable à la santé des populations », conclut Sylvie.
1 INSA Lyon/CNRS/Université Lyon 1
2 Modelling the bioconversion of polysaccharides in a continuous reactor: A case study of the production of oligogalacturonates by Dickeya dadantii, Sepulchre JA, Reverchon S, Gouzé JL, Nasser W (2019 February 1)
Recherche
Du pain sur la plante, ou comment accélérer l’innovation agronomique grâce à la biologie de synthèse !
Dominique Loqué du Laboratoire Microbiologie, Adaptation et Pathogénie (MAP/ UMR5240 INSA Lyon-CNRS-Lyon 1) a développé une nouvelle technologie qui devrait changer la vision de la difficulté à modifier les plantes et accélérer l’innovation agronomique. Sa nouvelle approche de l’assemblage dans la levure de gènes et fragments génomiques codant différentes propriétés agronomiques a été élaborée en collaboration avec plusieurs équipes aux Etats-Unis et s’avère peu coûteuse et accessible à tous les laboratoires.
Contexte de recherche
Pour répondre aux besoins d’une économie et d’une agriculture durables, les biologistes sont aujourd’hui à la recherche de nouvelles technologies renforçant leur connaissance du vivant, mais permettant également d’élaborer des systèmes bio-inspirés qui exploitent les propriétés du vivant.
L'avènement de la biologie synthétique chez les microorganismes a déjà démontré son fort potentiel dans différents domaines. Cependant, la biologie de synthèse végétale a jusqu'ici été entravée par une pénurie d’outils, notamment de banques de modules d’expression (par exemple des promoteurs, des terminateurs et des régulateurs), de stratégies d'assemblage de l’ADN efficaces et robustes, ainsi que de vecteurs de transformation supportant ces nouvelles approches.
Une nouvelle technologie révolutionnaire en biologie de synthèse
La technologie mise au point par Dominique Loqué et ses collaborateurs aux USA, est porteuse d’une véritable révolution dans le domaine de la biologie synthétique chez les plantes. Ces chercheurs ont développé un système polyvalent nommé jStack. Le but ? Utiliser la capacité naturelle de la levure pour assembler efficacement, par recombinaison homologue, des gènes et des fragments d’ADN variables de petites et grandes tailles dans des vecteurs de transformation de plantes.
Des champs d'application variés et durables
Ils démontrent comment cette méthode permet la bio-production, chez de nouvelles plantes hôtes, de molécules d'intérêt pharmaceutique et industriel, ainsi que la fabrication de biocarburants potentiels. Cette approche permet également de combiner des traits agronomiques issus de plantes (par exemple des gènes de résistance aux maladies), et de les réimplanter dans une nouvelle espèce afin de répondre à des besoins agronomiques. Elle constitue ainsi une puissante alternative aux stratégies classiques de sélection variétale.
Cette méthode répond donc aux besoins fondamentaux des biologistes pour étudier les mécanismes du vivant et pour mieux utiliser les plantes, aussi bien à des fins de substitution des produits d’origine pétrolières que de production de molécules pour la santé humaine, et ainsi faire face aux défis environnementaux et agricoles futurs.
- En savoir plus : Cette étude a été publiée le 26 octobre 2016 dans la revue Nature Communications.
A robust gene-stacking method utilizing yeast assembly for plant synthetic biology.
Shih PM, Vuu K, Mansoori N, Ayad L, Louie KB, Bowen BP, Northen TR, Loqué D.
Nat Commun. 2016 Oct 26;7:13215. doi: 10.1038/ncomms13215