Lutter contre les insectes nuisibles en perturbant leur relation avec leur partenaire bactérien.
La plupart des insectes nuisibles exploitant des milieux nutritionnellement déséquilibrés vivent en association symbiotique avec des bactéries intracellulaires (endosymbiotes) qui complètent leur alimentation, améliorant ainsi leurs pouvoirs adaptatif et invasif. Ces bactéries, transmises maternellement, sont confinées dans les cellules germinales femelles et les bactériocytes, des cellules spécialisées de l’hôte permettant d’isoler les endosymbiotes de la réponse immunitaire de l’hôte. Ces interactions sont dites obligatoires puisqu’aucun des deux partenaires symbiotiques ne peut survivre sans la présence de l’autre. L’étude des mécanismes par lesquels les insectes maintiennent et contrôlent les bactéries symbiotiques qu’ils hébergent pourra permettre l’identification de nouvelles cibles spécifiques de l'interaction hôte-symbiote.
En étudiant l'association endosymbiotique entre le charançon des céréales Sitophilus oryzae et la bactérie à Gram négative Sodalis pierantonius, nous avons observé que les gènes de la réponse immunitaire présentent une expression modulée dans les bactériocytes, avec notamment une régulation négative de la plupart des effecteurs immunitaires. Nous avons également révélé une dynamique complexe et contrastée du nombre d’endosymbiotes au cours du développement de l’insecte. Cette charge endosymbiotique est contrôlée et ajustée aux besoins physiologiques et développementaux de l’hôte via l'expression spécifique de certains gènes de l’immunité ainsi qu’au travers de processus d’apoptose et d'autophagie. Ce projet vise à identifier les principaux mécanismes impliqués dans l’homéostasie bactériocytaire et la régulation de la dynamique endosymbiotique. Nous décrypterons les bases moléculaires des interactions hôtes-symbiotes aux différentes phases critiques du développement de l'hôte en utilisant la technologie de « dual-RNA-seq ». Cette nouvelle approche transcriptomique permet d’étudier l’expression génique de l’ensemble des partenaires d’une association symbiotique simultanément et ainsi de mettre en évidence le dialogue moléculaire qui s’opère entre l’hôte et le symbiote. Afin de caractériser plus finement la façon dont la réponse immunitaire a évolué pour n’exprimer qu’un nombre limité d’effecteurs au sein des bactériocytes, nous chercherons à identifier les éléments cis-régulateurs, les ARN non-codants ainsi que les facteurs de transcriptions associés à l’immunomodulation bactériocytaire. Enfin, nous analyserons la fonction de certains gènes candidats en lien avec l’homéostasie bactériocytaire et la dynamique endosymbiotique durant le développement de l’insecte, en associant des outils complémentaires de génomique fonctionnelle, notamment la localisation in situ des transcrits et des protéines, l’inactivation de gènes par ARN interférence et l'analyse structure-fonction de protéines candidates.
En combinant des techniques de pointe en biologie et en bioinformatique, nous décrypterons le dialogue moléculaire qui s’opère entre l’hôte et les bactéries endosymbiotiques qu’il héberge. Nous identifierons les gènes clés impliqués dans l’homéostasie bactériocytaire et la dynamique endosymbiotique ainsi que leur régulation. Les connaissances acquises au cours de ce projet seront utilisées pour proposer de nouvelles stratégies de lutte contre les charançons et autres insectes ravageurs majeurs.
