
Entreprises
Rewall : des constructions écotouristiques en sacs de terre
Tout récemment diplômés de l'INSA Lyon, Maxime Feugier, Bastien Delaye et Lucas Gehin ont souhaité poursuivre l’aventure entrepreneuriale débutée au sein de la Filière Étudiant Entreprendre. Avec leur projet intitulé « Rewall », les trois jeunes ingénieurs souhaitent prouver que la construction peut allier esthétique, résistance et impact écologique positif à partir d’une idée née dans les années quatre-vingt : l’écodôme en Super Adobe. Ce type de construction bioclimatique sur mesure, couplée à un outil d’Intelligence Artificielle développé par leurs soins, pourrait déployer tout son potentiel.
De la terre et des déchets plastiques
C’est de l’esprit de Nader Khalili, architecte irano-américain, que la technique du Super Adobe est née : une construction en forme de calotte qui semble être tout droit sortie de la planète Tatooine dans Star Wars. Pourtant, sous ses allures de maison de hobbit, l’écodôme offre des possibilités architecturales infinies et une efficacité énergétique très performante. « Le Super Adobe consiste à empiler des sacs en polypropylène tissés remplis de terre et de déchets plastiques, en remplacement des parpaings. Empilés très rapidement et une fois enduits de chaux et de chanvre, ce type de construction présente des propriétés isolantes et mécaniques très intéressantes, avec une empreinte carbone très réduite », introduit Lucas Gehin, diplômé du département génie industriel. La forme conique assure à la construction une stabilité et une résistance capable de résister aux séismes et aux vents violents. Originellement développé pour les activités de la NASA, le Super Adobe pourrait même résister aux tempêtes de poussière lunaire. Quant à son efficacité énergétique, elle est sans appel. « Pour une surface de 20m2 construite en Super Adobe, on trouve une moyenne de 22 degrés de température en été, pour 35 fois moins de Co2 émis par rapport à une construction en béton », ajoute l’ingénieur. Face à ce constat, le groupe1 engagé dans le projet « Rewall » a vu une occasion concrète de faire rimer « génie civil » et « environnement ». Mais comment tirer parti de l’impact positif de cette technique capable d’allier esthétique, résistance et réutilisation des déchets ?
Remplis de terre du site et de déchets plastiques, empilés en un temps record et enduits à la chaux,
les sacs forment un dôme reconnaissable, confortable et qui garde la fraîcheur en été.
(©F DVIDSHUB - New eco-dome signals changes for local village, Djibouti)
Des hébergements écotouristiques
« Les constructions en Super Adobe sont très souvent utilisées comme hébergements dans les zones à risque, qui contrairement aux assemblages en tôle, peuvent représenter une alternative très durable et rapidement construite. Nous avons souhaité explorer une autre destination, celle du tourisme. Nous avons pensé que le Super Adobe pouvait être utile pour des hébergements touristiques, secondaires ou insolites et permettre de diffuser la culture d’une construction low-tech, qui contrairement aux idées reçues, ne fait pas l’impasse sur le confort », ajoute Maxime Feugier, diplômé du département génie civil et génie urbain.
Avec l’aide de certains camarades en double-cursus ingénieur-architecte et le concours de quelques enseignants-chercheurs du département GCU, ils travaillent les designs et la faisabilité technique de leurs écodômes. Résultat ? Pour un prototype final de 20 m2, la construction nécessite une cinquantaine de kilos de sacs en polypropylène, « soit quelques chaises de jardin », illustrent les jeunes ingénieurs. « Nous avons participé à un salon qui réunissait des acteurs majeurs de la construction et nous avons senti l’intérêt de bon nombre d’entre eux. Seulement, nous avons aujourd’hui un obstacle de taille : les assureurs restent encore frileux quant aux nouvelles techniques de construction. »
« Rewall One » : une habitation écologique et hors du commun, offre la possibilité d’accueillir deux personnes en autonomie totale sur le plan thermique et électrique. Avec ses 16m2, cet habitat dispose d’une kitchenette et d’une salle de bain. (©Rewall)
Un outil d’IA au secours des archis
En développant les constructions du projet « Rewall », Maxime, Lucas et Bastien ont fait un constat : dans le métier d’architecte, l'ébauche de plan est une activité très chronophage. « Pendant nos travaux préliminaires, nous avons développé une solution d’intelligence artificielle qui offre la possibilité de produire, à partir des dessins de nos prototypes à la main, une retranscription numérique. Nous souhaitons poursuivre le développement de cet outil pour soutenir les architectes dans leurs rendus visuels car aujourd’hui, certains logiciels ou plug-ins permettent d’ajouter de la texture ou de la lumière aux différents plans, mais c’est un travail très fastidieux. SamIA, qui est le nom donné à notre outil, permet de générer quatre propositions de prototypages à partir d’une ébauche manuelle. En travaillant avec nos camarades en double cursus ingénieur-architecte, nous avons vu le potentiel », conclut Bastien Delaye, également diplômé du département génie industriel.
(De gauche à droite) : Maxime Feugier, Lucas Gehin et Bastien Delaye, diplômés de l’INSA Lyon,
veulent prouver que « construction » peut rimer avec « environnement ».
Le projet « Rewall » a été soutenu par les « coups de pouce entrepreneurs » de la Fondation INSA Lyon.
[1] Au commencement du projet, l’équipe était composée de six membres, élèves-ingénieurs et membres de la Filière Étudiant Entreprise (Maxime Feugier, Bastien Delaye et Lucas Gehin, Dimitri Lazarevic, Samia Tahiri et Walid Da Costa).

Formation
La difficile équation du matériau de construction durable
Pour construire durablement, faut-il privilégier la pierre, la paille ou la brique comme les trois petits cochons ? Là où « produit de construction écologique » ne rime pas toujours avec « durabilité économique », la transition des matériaux du génie civil se heurte à plusieurs défis. Pour Élodie Prud'homme, enseignante-chercheure au département génie civil et urbanisme et responsable du module « matériaux innovants pour la construction durable » à l’INSA Lyon, il faut commencer par faire connaître et reconnaître les procédés de construction plus durables par les (futurs) professionnels du secteur.
Construction et le développement durable : laisse béton !
Au procès écologique du bâtiment, l’industrie cimentière est habituée à être sur le banc des accusés. En effet, elle représenterait près de 2,9 % des émissions carbone en France. Si le tout-béton a connu son apogée dans les années d’après-guerre, le procédé lourd et énergivore imposé par la fabrication du ciment est désormais pointé du doigt face à la conjoncture environnementale. « De la fabrication du ciment, nécessitant l’extraction de calcaire et d’argile et une transformation gourmande en énergie fossile, en passant par l'utilisation de granulats qui sont des ressources non-renouvelables à l'échelle humaine, le béton est certainement le plus mauvais élève des matériaux. C'est un exemple très parlant pour illustrer l'impact des matériaux dans le cycle de vie des bâtiments. Dans une construction classique, les parties bétonnées entraînent environ 40 % des émissions de CO2 au niveau de l'étape de construction. L’impact carbone est déjà très élevé dès les premières fondations de la construction », explique Élodie Prud'homme.
Parmi les matériaux nouveaux ou redécouverts par les procédés d’écoconstruction : des matières naturelles. Mais si la réponse durable ne doit pas se cantonner à l’utilisation de quelques matériaux biosourcés comme le bois ou la terre, il faut garder à l’esprit que chaque ressource, une fois extraite de son milieu naturel engendre un impact. « La réponse n’est pas automatique. Une réflexion globale est nécessaire », ajoute l’enseignante.
Explorer de nouveaux matériaux : oui, mais pas seulement.
Le premier petit cochon construisit sa maison avec de la paille trouvée dans un champ. Le deuxième trouva du bois dans la forêt et le troisième prit plus de temps pour construire sa maison, car elle était en briques. Ce sur quoi la comptine ne s’attarde pas, c’est la façon dont les trois personnages ont choisi leur matière. Qu’ont-ils préféré ? Des ressources visiblement à portée de main, mais qui n’ont pas toutes résistées au souffle du loup. Voilà peut-être l’un des principaux défis auquel fait face l’écoconstruction du 21e siècle : concilier impact carbone et performance. « Prenons l’exemple de la laine de chanvre dont la production a un faible impact en émission de GES par rapport un isolant de type polystyrène. Si à épaisseur égale, ses performances isolantes ne sont pas aussi satisfaisantes que le polystyrène, est-ce toujours un choix écologique ? En effet, une performance moindre pourra entrainer des consommations énergétiques plus importantes, qui ne seront pas forcément compensées par l'utilisation de l'écomatériau. Il est donc fondamental d'avoir une vision globale de l'impact environnemental du bâtiment pour faire des choix. L’impact écologique d’un bâtiment ne s’arrête pas à la construction, mais se poursuit pendant toute sa durée de vie, à travers son utilisation, et jusqu’à sa fin de vie, sa démolition et la gestion des déchets », souligne l’enseignante.
Ouvrir les perspectives des futurs ingénieurs
Au sein du département génie civil et urbanisme de l’INSA Lyon, Élodie Prud'homme initie ses élèves de 4e année à d’autres regards sur les matériaux de construction à travers un module, intitulé « matériaux innovants pour la construction durable ». Selon elle, la fonction d’ingénieur a un rôle décisif, capable d’accélérer la transition du secteur. « En amont ou sur le chantier, l’ingénieur est souvent amené à faire des choix, bien qu’il doive faire face aux habitudes du secteur qui se résument souvent à trouver l’équilibre entre performance énergétique, coût financier bas, et temps de livraison rapide. Ce qui freine le développement des éco-matériaux aujourd’hui, c’est une certaine méconnaissance de ces solutions alternatives et le manque de cadre règlementaire pour certains matériaux, tels que la terre crue, qui peut encore faire peur, tant aux maîtres d’œuvre, qu’aux investisseurs et assureurs ! ». À travers un programme de découverte, les élèves-ingénieurs suivant le module optionnel déconstruisent leurs préjugés sur les méthodes alternatives. « Les étudiants doivent développer un matériau à base de terre et/ou de fibres végétales répondant à certaines caractéristiques comme être porteur ou isolant. L’expérimentation est indispensable pour découvrir que les ressources biosourcées ont des propriétés inexplorées. Je suis persuadée que c’est en essaimant les petites graines auprès des futures générations d’ingénieurs que le secteur peut évoluer, d’ailleurs, de plus en plus de bureaux d’études émergent sur ces questions de matériaux durables. Cela est très encourageant pour l’évolution d’un génie civil plus durable », conclut Élodie.
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Podcasts « Les cœurs audacieux » - Saison 1 / Épisode 2 - 29 avril 2021

INSA Lyon
Ingénieurs et réalisation d’exception : le Viaduc de Millau
Il y a des aventures d’un jour et celles d’une vie. Il y a celles qui se vivent malgré soi, et celles qui se déroulent avec ce sentiment conscient de vivre un moment extraordinaire, un moment d’histoire. C’est ce qu’a ressenti Jean Guénard, au début des années 2000 et trois ans durant. Poussé par une force de conviction extraordinaire, il sera l’un de ceux qui a permis au génie civil français de briller partout dans le monde, et de faire de sa société l’une de celles sur qui la France peut compter. Son métier : ingénieur. Sa spécialité : les travaux publics.
Contexte
« Je venais tout juste de prendre les fonctions de PDG d’Eiffage TP, qui englobe les activités de génie civil, ouvrages d’art et terrassements. Un projet était alors en cours d’étude pour désengorger la petite ville de Millau, prise régulièrement d’assaut par les automobilistes sur la route des vacances reliant le Nord de l’Europe à la Méditerranée. L’équipe de Lord Norman Foster venait tout juste de remporter le concours international d’architecture et d’ingénierie avec un projet de viaduc multi-haubané en béton, conçu avec l’aide de Michel Virlogeux », raconte Jean Guénard.
Poussé par une force de conviction extraordinaire, l’homme est persuadé que son entreprise a le pouvoir de réaliser ce projet pharaonique, et de remporter le dossier face aux géants de l’époque. Il entreprend de convaincre Jean-François Roverato, N°1 d’Eiffage. « Eiffage était le petit poucet du TP à l’époque et j’étais convaincu que nous tenions là l’occasion de rentrer enfin dans la cour des grands. Nous décidons de nous porter candidat. Notre force : réaliser seuls ce projet titanesque. Notre argument mouche : le montage financier. L’État n’aurait pas à débourser un seul centime dans ce viaduc, et pourrait récupérer la concession au bout de 50 ans, et non 75 comme initialement prévu, grâce à la potentialité d’un trafic dépassant les estimations prévues. Cette novation, pour être pris en compte, a dû recevoir l’aval du conseil d’État ».
Démarche
Pour cela, Eiffage, qui compte en son sein Eiffel (aujourd’hui Eiffage Construction Métallique) va miser sur le métal et non sur le béton, en respectant l’exigence du concepteur de ne pas modifier les dimensions de l’ouvrage. Mais ce qui va faire la différence pour l’entreprise, c’est la décision de limiter au maximum les risques des compagnons dans un contexte dangereux, à plus de 200 mètres de hauteur au-dessus du Tarn. « Je connaissais la région pour avoir participé à la construction d’autres ouvrages (les viaducs du Piou et du Rioulong à Marvejols) et les risques étaient considérables entre le vent en rafales, la neige et le froid. Il fallait penser sécurité et préfabrication. 90% des heures de fabrication du tablier ont été faites au sol ou en atelier. Avec le double avantage de nous permettre de réaliser en temps masqué la construction des 7 piliers nécessaires à l’implantation du pont. Nous avons ainsi gagné 15 mois sur le délai de chantier initial, 15 mois de gain pour toucher le premier péage (vous imaginez l’avantage financier) », complète Jean Guénard.
Pour aider à la compétition entre les équipes concurrentes du béton et du métal, il fait également étudier en parallèle une solution béton en voussoirs préfabriqués. Hasard ou astuce de l’ingénieur, les deux arrivent au même coût. C’est le jury mis en place par Jean-Claude Gayssot et présidé par Georges Mercadal qui choisira.
Ingénierie
L’architecte avait souhaité que les piles émergent du terrain naturel, et donnent par un effet d’optique l’impression de sortir du sol. Elles seront coulées avec du béton sur place, et érigées grâce à un coffrage grimpant par tranche de 4 mètres.
« Chacune des 7 piles a été considérée comme un chantier indépendant, avec sa propre équipe dédiée. Chaque opérateur a auparavant été formé sur un chantier pilote pour ne prendre aucun risque une fois dans les conditions réelles. C’est l’une de nos plus grandes fiertés : aucun accident grave n’est survenu sur ce chantier », se souvient Jean Guénard.
Grâce à l’expérience d’Eiffel, l’option métallique a eu pour avantage de proposer une solution sur-mesure à ce chantier hors-norme et ce vide infranchissable à 252 mètres de hauteur : la construction de piliers intermédiaires pour faciliter le lançage du tablier, les piles étant chacune espacées de 342 mètres. Autre particularité : l’invention d’un procédé unique au monde pour mettre en place le tablier qui va permettre la liaison entre les deux rives du Tarn, le translateur. Ce système de cale permet par une action de levée-poussée de faire avancer la charge qu’il supporte, et le principe va permettre de pousser dans le vide les 36 000 tonnes du tablier, en partant des deux rives. « Il fallait avoir la météo de notre côté, et plusieurs jours consécutifs d’une météo favorable pour mener l’opération, souligne Jean Guénard. Nous avions tout anticipé, jusqu’à mettre au point une solution pour arrimer le tablier en cas de tempête, en le clouant sur place sans exercer de contrainte qui auraient pu fragiliser l’ouvrage ou mettre en doute sa pérennité sur le très long terme. Nous n’avons pas eu besoin de l’utiliser, mais cette procédure aurait pu nous faire perdre beaucoup de temps si nous avions dû la discuter dans le cadre d’un appel d’offre classique. Le concessionnaire décide et paye le surcoût sans barguigner », précise-t-il.
La liaison piles-tablier aura demandé 6 mois de recherche. Une difficulté technique pour toutes les forces en présence qu’il faut savoir accompagner dans le dialogue. Jean Guénard, nommé président de la compagnie Eiffage du Viaduc de Millau (CVEM), travaille main dans la main avec Marc Legrand, son adjoint devenu depuis Directeur des concessions chez Eiffage. 400 personnes travaillent sur leur chantier. « Nous avions ainsi autorité tant sur le béton que sur le métal, et concentrions tous les pouvoirs de décision comme un seul homme. C’est l’une des clés de ce succès », indique Jean Guénard, qui voit son calendrier se rythmer d’un rendez-vous chaque quinzaine avec le Président du Groupe pour valider les grandes options … Et maintenir la pression.
Outre le tour de force de voir la parfaite jonction des deux parties de la route se faire au millimètre près, le Viaduc de Millau est une réussite de bout en bout, jalonnée de records historiques et de procédés nouveaux, jusqu’à la barrière de péage. « Elle est couverte du plus grand auvent précontraint jamais réalisé grâce au BSI, le béton à ultra hautes performances inventé, mis au point et commercialisé par Eiffage », précise Jean Guénard avec fierté.
Les premières fondations du viaduc ont été réalisées en octobre 2001. Il sera mis en service en 2004, après 3 années de chantier succédant à 11 années de préparation par l’État, et la collaboration de 600 compagnons au plus fort des travaux, mobilisant toutes les branches de la société Eiffage. « Je n’ai pas un seul instant pensé qu’on n’y arriverait pas. Aujourd’hui encore, je peux dire qu’il n’y a pas eu une seule ombre au tableau », conclut Jean Guénard, ingénieur INSA génie civil de la 8e promotion.
20 ans plus tard quasiment, le Viaduc de Millau, maillon essentiel de l’Autoroute A75, a vu passer plus de 50 millions de véhicules. Il fait l’objet d’un suivi technique en temps réel très performant et sécurisant. La garantie contractuelle est elle aussi exceptionnelle : 120 ans.

Recherche
Tour Silex 2 : des capteurs pour anticiper les constructions de demain
Le laboratoire GEOMAS (GÉOmécanique, MAtériaux, Structure) de l’INSA Lyon mène des recherches qui répondent à des enjeux de société dans les domaines de la construction et de l’environnement. Spécialisés dans la mécanique des structures, les enseignants-chercheurs confrontent leurs résultats théoriques à la réalité du terrain. Découverte des moyens mis en place pour récolter des données et anticiper le futur avec le cas de la tour Silex 2 dans le quartier de la Part-Dieu à Lyon.
La construction d’un bâtiment suit de nombreuses étapes nécessaires et obligatoires : études des sols, modélisation, tests, choix des matériaux… Le laboratoire GEOMAS réalise de nombreux essais sur des plateformes de qualité afin de pouvoir tester des solutions et simuler les conditions réelles. Une des étapes importantes qui précède la construction d’un bâtiment est la caractérisation du sol.
« Les immeubles ont un poids important, réparti sur une surface réduite. Les fondations doivent alors être résistantes et bien ancrées dans le sol pour assurer la fiabilité de la tour. Nous devons donc bien connaître sa nature et son comportement pour prévoir les fondations et anticiper l’enfoncement naturel du bâtiment dans le sol sous son propre poids. Plus la tour est haute, plus les fondations sont importantes », précise Rosy Milane, doctorante au laboratoire, dans l’équipe spécialisée dans la mécanique des sols.
La Part-Dieu, un quartier complexe
À la Part-Dieu, quartier d’affaires en plein centre de Lyon, les chantiers de construction se multiplient et les projets d’immeubles de grande hauteur fleurissent. Rosy Milane explique pourquoi le dimensionnement des fondations des immeubles est devenu complexe.
« Les contraintes à prendre en compte pour les calculs sont nombreuses. La densité de constructions dans le quartier, l’influence des bâtiments de proximité et la mauvaise connaissance du sol impliquent de grosses marges d’erreurs pour établir les fondations. En effet, les vingt premiers mètres de profondeur sont composés d’alluvions1 et ensuite de molasse2. Les alluvions sont assez bien connues car les fondations sont traditionnellement implantées dedans. Mais dans le cas de tours plus hautes, les fondations s’intègrent dans la molasse qui est sableuse et dont les caractéristiques ne sont pas bien connues ».
Silex 2, tour pilote pour caractériser la molasse
Le laboratoire GEOMAS et le bureau d’études Antea Group travaillent sur le projet de recherche FondaSilex. Ce projet, financé en partie par la région Auvergne-Rhône-Alpes, consiste à instrumenter les fondations de la nouvelle tour Silex 2, afin de récupérer des données sur le comportement du sol et des fondations. Des capteurs de déformation, de déplacement et de pression sont en train d’être fixés depuis février 2019 dans six des vingt pieux ancrés dans le sol sous Silex 2. Rosy Milane rédige une thèse depuis février 2018 sur le sujet.
« Ma thèse est en trois étapes : l’instrumentalisation des fondations, la réalisation d’essais expérimentaux sur des échantillons de sols récupérés pendant le forage et la création d’un modèle numérique pour traiter les données des capteurs. Ces données seront récoltées en temps réel pendant près de dix ans et permettront de mieux connaître la molasse », conclut Rosy.
À terme, une surface de 4200 m2 de sol sera caractérisée. Les résultats obtenus permettront d’optimiser les calculs des futurs projets de construction, et ainsi éviter le surdimensionnement des fondations.
1 Dépôts de sédiments abandonnés par un cours d'eau.
2 Roche sédimentaire argilo-calcaire.

Formation
Bâtiment du futur : 4 INSA lauréats du challenge The Trail by Vinci Construction
Comment imaginer le futur de la ville ? Que faire des infrastructures en sous-sol rendues obsolètes par les nouvelles mobilités ? Quels nouveaux services pourraient être offerts dans la ville de demain ? Afin de faire face aux enjeux d’un monde en pleine mutation, le secteur de la construction doit impérativement s’organiser. En proposant le projet « Upside Down », quatre étudiants en Génie Civil Urbanisme (GCU) à l’INSA Lyon ont conquis le jury du challenge international « The Trail » by Vinci. Une belle victoire pour Lili, Jean-Pascal, Camille et Susie.
« Ce fut une expérience très enrichissante à tous points de vue. Expérimenter le travail en équipe pluridisciplinaire a réellement été profitable et nous a permis à chacun d’approfondir nos réflexions sur notre rôle de l’ingénieur pour le monde de demain. Travailler sous pression nous a également permis d’évoluer et grandir, de découvrir nos limites propres et confirmer nos intentions sur nos vies professionnelles futures. L’expérience a été humaine avant tout ; penser au-delà de l’enseignement théorique et rencontrer des gens du monde entier nous a fait envisager d’autres modes de pensée. Nous sommes très fiers de notre réussite et sommes impatients de la visite à l’étranger d’un projet d’envergure mené par Vinci ! »
« Upside Down » se base sur la réutilisation de l’énergie captée par les bâtiments tout au long de la journée au moyen de réseaux de tuyaux fins, alimentés par de l’eau. Ainsi réchauffée par rayonnement solaire, l’eau chaude permet de produire de la chaleur ou de la lumière grâce à l’effet Seebeck. Cette énergie produite de façon durable est ensuite utilisée pour le développement de fermes urbaines éclairées, en sous-sol.
La solution des quatre étudiants INSA répond à des objectifs écologiques importants, puisqu’elle permet l’amélioration des performances thermiques des bâtiments. Elle présente également des avantages économiques en fournissant une énergie gratuite et d’origine renouvelable. Le projet favorise aussi une économie locale, grâce aux productions réalisées dans les fermes urbaines destinées à approvisionner les commerces et les lieux de restauration collective de proximité.
« La collaboration avec Pauline Grougnet, David Richard et Paola Mugnier, de Vinci, nous a permis de cerner nos limites et de stimuler les capacités de chacun à co-construire et à s’investir dans le projet. Leurs regards extérieurs ont fait grandir le projet et nous ont éclairés sur les points faibles et surtout le potentiel de « Upside Down ». En profitant de leur expertise en façade et en agriculture urbaine, nous avons validé les mesures grâce à des avis professionnels ancrés dans les réalités du secteur. »
The Trail by Vinci est un challenge qui questionne le secteur de la construction face aux enjeux de demain, mais qui a également amené les étudiants à s’interroger sur leurs rôles d’ingénieurs à jouer dans ce futur proche.
« Nous avons beaucoup apprécié de travailler sur ces thématiques. Nous pensons que l’ingénieur de demain devra absolument être attentif et ouvert à son environnement ; il doit entretenir son ouverture d’esprit, partager ses idées et travailler en équipe. Sensibilisé et visionnaire face aux défis environnementaux, sociétaux et économiques, l’ingénieur d’aujourd’hui pour demain sait trouver des solutions progressives et adaptables à ce monde en perpétuel mouvement. La capacité d’adaptation est une qualité indispensable, en particulier dans le domaine de la construction où les exigences sont de plus en plus importantes et obligent à de nouvelles façons de procéder. Cela va au-delà du rôle de technicien auquel on peut encore parfois restreindre l’ingénieur. Nous aimons ce genre de challenge qui, en complétant notre formation, nous prépare à être l’ingénieur pour demain. »
© photos Vinci Construction Remy Bloome - JOH
Décidément concernées par les enjeux environnementaux posés par le monde de demain, ces deux élèves ingénieures ont également remporté le premier prix de l’INVOLVE challenge France 2017 proposé par le groupe Volvo. En deux jours et en équipe, elles ont imaginé « Water Lily », une solution de transport aquatique en libre-service innovante et durable permettant de se déplacer sur les fleuves et rivières, loin de l’agitation des transports urbains.
« Au-delà d’avoir défendu des projets auxquels nous croyons, avec la victoire de ces deux challenges, nous avons montré que les insaliens peuvent avoir de très bonnes idées, savent les présenter et les mettre en valeur. Nous avons aussi prouvé qu’à notre échelle, nous pouvons faire changer un peu les choses. »
Investies dans la vie du département GCU, Camille et Lily travaillent également à la création d’une association de rencontre et de partage entre étudiants en génie civil partout dans le monde, la IACES (International Association of Civil Engineering Students).