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« Il est possible d’aller vers une IA plus frugale »
« Faire aussi bien (voire mieux) avec moins de ressources » : ce pourrait bien être la maxime préférée de Stefan Duffner, enseignant-chercheur au laboratoire LIRIS1. Spécialiste de l’apprentissage et de la reconnaissance des formes au sein de l’équipe Imagine2, il explore une approche de l’Intelligence Artificielle (IA) plus frugale. Comment faire de l’IA robuste, sécurisée et fiable avec moins de données ? Comment relever le défi de la sobriété dans un domaine tenaillé par une course à la performance permanente ? Quel degré d’erreurs est-il acceptable pour un système à qui l’on demande de prendre des décisions pour nous-même ? Stefan Duffner propose d’explorer un concept qui encourage une approche de compromis, entre performances et impacts sur l’environnement. Explications.
Pourquoi, de tous les outils du numérique, l’intelligence artificielle devrait-elle prendre le pli d’une certaine frugalité ou sobriété ?
Derrière le terme « intelligence artificielle » se cache un monde très vaste. Pour ma part, je m’intéresse à l’apprentissage automatique et aux réseaux de neurones profonds, appelé « deep-learning », qui sont des méthodes qui régissent nos principaux usages de l’intelligence artificielle. Ces dernières années, les outils faisant appel à des IA, se sont largement démocratisés, au moyen d’appareils embarqués et de données massivement exploitées. Si l’utilisation de ces données volumineuses permet d’avoir des modèles très précis, il est désormais reconnu qu’elle présente de lourdes conséquences sur le plan environnemental, notamment en matière de consommation d’énergie. Aussi, cette exploitation de données massives va souvent de pair avec des calculs de plus en plus complexes et lourds. Une autre part de la consommation énergétique de l’IA vient de l’apprentissage. Pour qu’un modèle d’intelligence artificielle fonctionne, il a besoin d’être entraîné, d’apprendre. Souvent déployée sur des data centers de grande envergure, cette activité peut s’avérer très gourmande en énergie. Ces approches actuelles, qui ne tiennent pas compte des ressources limitées de la planète, ne sont plus tenables. C’est pour cette raison qu’une partie de la communauté scientifique appelle à plus de frugalité dans l’utilisation des intelligences artificielles, en étudiant d’autres approches plus sobres, tout au long du cycle de développement de l’IA.
Concrètement, quels leviers peuvent être actionnés pour que l’intelligence artificielle soit plus « frugale » ?
Le but, c’est de faire plus léger. Aujourd’hui, beaucoup de modèles sont surdimensionnés et consomment beaucoup plus d’énergie que le besoin le requiert. Il y a beaucoup d’approches pour faire plus « frugal » en matière d’intelligence artificielle et la communauté scientifique commence à s’intéresser notamment à la réduction de la complexité des modèles, en utilisant moins de données ou en les « élaguant ». Il y a aujourd’hui, une surenchère des réseaux de neurones car c’est le système fournissant les résultats les plus performants et efficaces. Cependant, il existe de nombreux usages pour lesquels un apprentissage un peu moins efficace, moins énergivore et plus explicable comme les modèles probabilistes, pourrait convenir. Et puis, concernant les autres leviers, il y a la dimension du matériel, du réseau et du stockage des données qui mériterait d’être repensée pour des IA plus sobres. Je dis « sobre », car il me semble que c’est un terme à différencier de « frugal ». La frugalité invite à faire mieux avec moins, alors qu’il me semble que la sobriété implique de remettre en question les besoins, à l’échelle sociologique, ce qui n’est pas de mon domaine de chercheur en informatique.
Donc, d’après ce que vous laissez entrevoir, l’IA frugale, ça n’est pas vraiment pour tout de suite. Quels sont les freins ?
J’identifie au moins deux freins majeurs. D’abord, un frein technique. Faire de l’IA frugale implique de trouver le bon compromis entre sécurité, robustesse et réponse au besoin. Les deux premières propriétés sont complètement inhérentes à notre usage de l’intelligence artificielle : nous ne voulons pas utiliser d’IA qui fasse de graves erreurs et qui soit sujette aux attaques malicieuses. Parfois, en diminuant les modèles pour gagner en économie d’énergie, on diminue la robustesse. Prenons l’exemple de la voiture autonome : nous ne voulons certainement pas diminuer la robustesse de l’IA qui contrôle la voiture automatique, et que celle-ci confonde un vélo et un piéton. Pour lui faire apprendre à différencier les situations, cette IA a « appris », à travers une multitude de situations différentes. Il sera donc difficile dans cette situation d’alléger le modèle car le seuil de tolérance doit être très bas pour éviter la moindre catastrophe. Bien sûr, on peut questionner le besoin de développer des voitures autonomes, mais c’est un autre débat… L’autre frein majeur pour le développement d’une IA plus frugale, c’est qu’elle implique des compétences dans plusieurs domaines, ce qui réduit le champ des spécialistes pouvant s’impliquer dans cette mouvance. C’est d’ailleurs ce qui m’a motivé à faire un projet avec la SATT Pulsalys3 pour développer un service, facile d’utilisation destiné aux ingénieurs, data-scientists ou à des entreprises qui souhaiteraient s’investir dans la réduction de modèles, sans pour autant en être spécialistes. Nous sommes encore en train de travailler sur un prototype qui ne devrait pas tarder à voir le jour.
Il y a un vrai débat entre les approches dites « green IT » et « IT for Green ». Les terminologies sont proches, pourtant, les démarches ne sont pas les mêmes. Comment y voir plus clair ?
Effectivement, il y existe un vrai débat entre ces approches, qui peuvent être complémentaires. La première prévoit de minimiser l’impact négatif des opérations et des équipements sur l’environnement. L’autre est une démarche qui utilise le numérique dans un objectif de réduction de l’empreinte écologique. Pour ma part, je crois que les intelligences artificielles sont encore trop largement utilisées pour créer des besoins dont l’utilité pourrait être remise en question. Cela est dû au déploiement massif de l’IA ces dernières années, lui-même rendu possible par la disponibilité des ressources de calcul et le matériel disponible, assez bon marché. Jusqu’à aujourd’hui, il est facile d’investir dans l’IA, grâce à des financements. Il ne faut pas oublier que c’est un domaine encore jeune, et que les solutions pour faire plus frugal, ne sont pas encore à la portée de tous. Sur le papier, j’ai le sentiment qu’il y a beaucoup de volonté pour faire « plus vert », mais dans les entreprises, la décision est difficile : utiliser une IA plus « verte » coûte souvent plus cher. Alors que développer un outil d’IA pour faire « plus vert », est un projet plus facilement défendable devant des financeurs. C'est aussi un domaine qui manque encore de règlementation. Nous pourrions imaginer que l’utilisation d’une IA soit soumise à des obligations d’économie d’énergie : ces règles existent pour le chauffage, pourquoi pas avec une IA ?
L’INSA Lyon lance la semaine du numérique responsable
Envie d’explorer le sujet de l’intelligence artificielle frugale plus en détail ?
Stefan Duffner sera présent lors de la première édition de la semaine du numérique responsable qui se tiendra du 3 au 7 avril, à l’INSA Lyon. À travers des conférences ouvertes à tous, avec la participation de chercheurs, d’étudiants ou de partenaires économiques et académiques, l’INSA Lyon souhaite pousser à la réflexion autour de la transition numérique lors d’une semaine dédiée.
=> Découvrir le programme
[1] Laboratoire d'InfoRmatique en Image et Systèmes d'information (UMR 5205 CNRS / INSA Lyon / Université Claude Bernard Lyon 1 / Université Lumière Lyon 2 / École Centrale de Lyon)
[2] Computer vision, Machine Learning, Pattern recognition
[3] Créée en 2014, La Société d’Accélération du Transfert de technologies (SATT) Pulsalys du site Lyon et Saint Étienne a pour mission de mutualiser les moyens et compétences des établissements de recherche publique de l’écosystème lyonnais et stéphanois en vue d'accélérer le transfert de technologies issu de leurs laboratoires.

Vie de campus
Biodiversité : le cas d’école du campus de La Doua
Une récente étude scientifique franco-américaine parue en janvier dans la revue scientifique Biological Reviews revient sur les chiffres faisant état des espèces animales et végétales éteintes. Là où l’union internationale pour la conservation de la nature recensait 0,4 % d’espèces disparues, le calcul ne permettait pas de mesurer la quantité réelle d’espèces en cours d’extinction ou éteintes sur notre planète, prenant en compte uniquement les espèces vertébrées. Avec les espèces non-vertébrées, il y aurait entre 7,5 et 13 % d’espèces disparues depuis l’an 1 500 dans le monde. Pourtant, la biodiversité en danger peine à être considérée. Alors que faire pour accélérer la prise de conscience, à l’échelle locale ? D’abord, mettre le nez dehors, observer et prendre le pouls de la nature environnante : les forêts ne poussent pas au même rythme que les buildings.
Quand l’évolution naturelle déraille
« La 6e extinction de masse ». Non, ça n’est pas le titre d’un énième blockbuster actuellement à l’affiche mais bien le nom donné pour décrire l’effondrement en cours de la biodiversité. Majoritairement causée par les activités humaines, la sixième extinction succéderait à celle qui aurait causé la disparition… des dinosaures. Cette fois, pas de « météorite ou de volcanisme exceptionnel1 », mais plusieurs causes d’origine humaine. Elles sont au nombre de cinq selon l’IPBES2 : changements d’usage des terres et de la mer, surexploitation des ressources naturelles et d’espèces sauvages, pollution des eaux, des sols et de l’air, propagation d’espèces exotiques envahissantes et changement climatique. Toutes ces activités et phénomènes entraînent destructions et fragmentations des habitats, animales et végétales, avec une rapidité défiant les précédentes.
Si le scénario fait froid dans le dos, la crise de la biodiversité peine à être comprise, encore dans les coulisses lorsque la crise climatique prend le devant de la scène et ce, malgré l’interconnexion des deux urgences : le dérèglement climatique aggrave l’érosion de la biodiversité et la destruction du vivant accélère le réchauffement climatique. Est-ce par rationalisme moderne que nous feignons de ne pas comprendre pourquoi la crise de la biodiversité nous concerne nous, êtres humains ?
Campus de La Doua, avril 2020
Lorsque l’on vit en ville, il semble plus facile d’oublier le lien à la nature, pourtant même en zone urbaine, il existe une biodiversité à protéger. Avec ses 100 hectares, le campus de La Doua est idéalement situé entre le Parc de la Tête d’Or, le Parc de la Feyssine et du Grand Large. Il constitue un bon observatoire dans la zone périurbaine lyonnaise, qui ravit d’ailleurs les membres de l’association Aelbo3. « Depuis quelques années, nous travaillons à recenser la faune et la flore du campus, avec l’aide des étudiants passionnés de biologie. Le principe est simple : à travers une application en ligne, chaque usager peut participer à inscrire les espèces qu’il a observées sur le campus. C’est un inventaire précieux pour mesurer l’état de santé de la biodiversité de notre campus. », explique Loïs Guillot directrice du service interuniversitaire du domaine de la Doua (SIDD).
Arrivée en 2013, elle a vu plusieurs espèces animales et végétales protégées s’installer à nouveau sur le campus. « Nous avons tenté de multiplier les habitats naturels grâce à une méthode de gestion raisonnée et adaptée aux usages qui porte déjà ses fruits. Nous avons par exemple observé l’installation de faucons crécerelle, des rapaces dont le développement est en régression. Côté végétal, des zones de prairies ont permis l’accueil d’insectes pollinisateurs et ont engendré la réintroduction de nouvelles espèces d’orchidées sauvages sur le site. Nous sommes passés de 2 à 8 espèces différentes en l’espace de neuf ans ; c’est pour moi un bon indicateur de la diversité du milieu du campus. Il faut continuer », explique Loïs.
User des petites habitudes pour faire prendre conscience
Sur le terrain et au quotidien, c’est un rôle de funambule que joue l’équipe du SIDD pour s’adapter aux habitudes des usagers du campus et préserver les espaces pour la biodiversité. « Il faut trouver le bon équilibre entre le déploiement de refuges naturels et devancer les habitudes de déplacement des usagers. Mais souvent, trop souvent, on ne peut rien contre la personne pressée qui piétine ces espaces, sans savoir que son passage a des conséquences », ajoute la directrice du SIDD.
La communication et la sensibilisation, si elles sont des outils puissants pour faire changer les mauvaises habitudes, ne sont pas toujours simples à déployer. « Je ne voudrais pas que l’on comprenne que l’on va sauver la planète juste en évitant de piétiner les espaces, non. La biodiversité se cache partout, il ne s’agit pas seulement du moineau ou du hérisson qui trouvent refuge dans le fond de votre jardin. La biodiversité sont des écosystèmes dont nous faisons partie, et s’il tombe, nous tombons avec lui. C’est un système dont l’ampleur des conséquences sont difficiles à percevoir, mais faire comprendre que passer par un chemin de traverse pour aller plus vite peut empêcher les futurs arbustes de pousser, et donc d’amener les insectes qui feront évoluer les écosystèmes… Et ainsi de suite. Pareil pour ne pas jeter ses mégots et déchets par terre, ou cueillir des fleurs pour s’en faire un joli bouquet dans son bureau. C’est un mode de pensée global : nous partageons ces espaces avec d’autres espèces avec lesquelles il faut cohabiter, et même plus, dont il faut être reconnaissants. »
Reconnaissance, car la vie humaine lui est intimement liée : nourriture, pharmacopée, air pur… Une fois compris, les mécanismes valent mille chiffres alarmistes. « C’est d’ailleurs ce que nous essayons de transmettre lors de nos projets auprès des étudiants de génie énergétique et environnement avec les projets POLLEN. C'est une question à laquelle il est nécessaire de sensibiliser nos élèves-ingénieurs, au même titre que la question climatique ou l’épuisement des ressources qui seront abordés dans les nouveaux objectifs du chantier de l’évolution de la formation INSA. Peut-être que l'observation serait une bonne entrée en matière pour s'approprier le sujet. D’ailleurs, je crois que c’est aussi une façon de reprendre confiance et espoir face à ces constats difficiles. La première leçon est peut-être là : l’activité de la nature n’a pas le même rythme que nous, elle prend du temps. Pourtant, c’est elle qui bat la mesure de la grande symphonie de la vie », conclut Loïs.
1 Source : CNRS
2 La Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques est un groupe international d'experts sur la biodiversité. Elle a été créé en 2012.
3 Association des étudiants de Lyon en Biologie des organismes de l’Université Lyon 1
4 Faucon crécerelle nicheur à Lyon et Villeurbanne
Podcasts « Les cœurs audacieux » - Saison 2 / Épisode 7 - 29 juin 2022

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Co-UDlabs : l’INSA Lyon s’engage pour une gestion durable des eaux urbaines
Ne plus penser et construire la ville « contre l’eau », mais « avec l’eau ». C’est dans cette philosophie que s’inscrivent les recherches au sein du laboratoire DEEP1 de l’INSA Lyon. Pour répondre aux enjeux pressants de santé publique, d’inondations et d’environnement, DEEP participe au projet « Co-UDlabs », un projet européen dont l’objectif est de contribuer à faire évoluer les pratiques et l’innovation en matière de gestion des eaux urbaines. Jean-Luc Bertrand-Krajewski, enseignant-chercheur au département génie civil et urbanisme et au laboratoire DEEP, explique.
Longtemps, les villes ont été construites en étant imperméables à l’eau. La priorité était mise sur le traitement des eaux usées, que l’on pensait être les seules à contenir des polluants. « Cette vision héritée du 19e siècle a longtemps empêché de voir que les eaux pluviales nécessitaient une attention particulière en matière de propagation des polluants. Il faut savoir qu’avant de tomber au sol, l’eau de pluie est déjà polluée par les particules et les gaz présents dans l’air. Une fois tombée au sol, l’eau ruisselle et emporte avec elle des polluants nocifs pour l’environnement et la biodiversité. C’est ici que l’humain peut agir différemment. Aujourd’hui, beaucoup de villes sont en train de revoir complètement leur façon de gérer les eaux pluviales et usées », explique Jean-Luc Bertrand-Krajewski, enseignant-chercheur au laboratoire DEEP.
Pour se rapprocher au plus près du cycle naturel de l’eau et limiter la concentration rapide de ces polluants, les villes cherchent à réduire l’imperméabilisation des sols urbains par des systèmes favorisant l'infiltration. « Nous travaillons par exemple avec le Grand Lyon sur ces questions de désimperméabilisation des zones urbaines et le transfert des polluants par les eaux pluviales. Le réchauffement climatique va entraîner plus fréquemment des épisodes de pluie plus intenses. La gestion des eaux pluviales urbaines est donc un vrai enjeu. Bien sûr, on ne change pas une ville en un claquement de doigts, il faut donc adopter des stratégies de long terme », ajoute l’enseignant-chercheur.
Spécialiste des enjeux liés aux réseaux d’eaux usées et d’eaux pluviales, le laboratoire DEEP s’inscrit dans un projet européen H2020 de grande envergure : le projet « Co-UDlabs2 ». « L’idée de ce projet est de mettre à disposition d'utilisateurs extérieurs des infrastructures dont les laboratoires de recherche se servent quotidiennement, pour faire émerger des projets innovants en matière d’hydrologie urbaine. Les financements européens obtenus permettront à des chercheurs du monde entier de proposer des projets de recherche sur ces infrastructures et d’élargir les réseaux de collaborations », explique l’enseignant du département génie civil et urbanisme.
Comptant sur le riche potentiel d’expérimentation offert par le campus de la Doua, l’INSA Lyon propose trois infrastructures parmi les dix-sept mises à disposition par Co-UDlabs à travers toute l’Europe. « Nous pourrons proposer à la communauté de recherche de réaliser des expérimentations sur les systèmes alternatifs de gestion des eaux pluviales que nous avons mis en place, en plein cœur du campus, parmi lesquels : des parkings infiltrants, des noues3, et la plateforme GROOF, notre tout dernier dispositif expérimental dédié aux toitures végétalisées. Plus loin, à Chassieu, un site de l’OTHU4, sur lequel travaille DEEP et d'autres partenaires, sera également mis à disposition. »
Si Co-UDlabs ambitionne d’améliorer les connaissances et les outils, une autre dimension reste chère au cœur du laboratoire DEEP : celle de développer une culture commune autour de l’hydrologie urbaine pour engager plus de collectivités sur la voie de la gestion alternative durable des eaux urbaines. « DEEP est déjà très engagé dans cette dynamique, notamment à travers sa participation aux activités du GRAIE5, qui est également partenaire du projet. La dimension internationale de Co-UDlabs n’en est que plus stimulante pour poursuivre le développement de l’approche intégrée que nous souhaitons promouvoir », conclut Jean-Luc Bertrand-Krajewski.
[1] Déchets, Eaux, Environnement, Pollutions (INSA Lyon).
[2] Co-UDlabs pour « Building Collaborative Urban Drainage research labs communities ».
[3] Noue : larges fossés permettant la rétention, l'acheminement et l'infiltration des eaux pluviales.
[4] Observatoire de Terrain en Hydrologie Urbaine.
[5] Groupe de recherche, animation technique et information sur l’eau.
Podcasts « Les cœurs audacieux » - Saison 2 / Épisode 7 - 29 juin 2022

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« Face aux modes de travail qui évoluent, il faut s’attendre à ce que la ville se transforme »
Le télétravail pourrait-il modifier l’organisation des villes ? Au sein du laboratoire Environnement Ville et Société, Éléonore Gendry, doctorante, étudie de près les mutations urbaines de la Métropole de Lyon. Depuis l’invention de la machine à vapeur, les territoires semblent avoir évolué au rythme des révolutions techniques. Et si leur organisation était désormais concernée par les nouveaux modes de travail de plus en plus numérisés ? Sous la direction de Jean-Yves Toussaint, enseignant à l’INSA Lyon et responsable scientifique et technique du Labex Intelligences des Mondes Urbains, dont est labellisé son sujet de thèse, Éléonore construit des ponts entre la ville et les habitudes de travail. Elle explique.
Votre sujet de recherche consiste à mettre en parallèle les évolutions des modes de travail et celles de la morphologie de la Métropole de Lyon. Pourquoi ?
Notre étude s’appuie sur l’hypothèse que le travail joue un rôle important sur la transformation de nos villes. Aujourd’hui, les zones industrielles telles que nous les connaissons incluent des commerces ou des restaurants, des infrastructures de transport en commun ou des espaces verts, mais il y a cinquante ans, une toute autre organisation urbaine existait. Face aux prochaines mutations du travail, il faut s’attendre à ce que les aménagements de la ville évoluent aussi. Mon travail de thèse s’attarde à étudier le territoire lyonnais de 1950 à aujourd’hui, pour en tirer des conclusions et imaginer, en toute humilité, ce à quoi elle pourrait ressembler dans plusieurs années. Et notre ville a déjà connu de beaux exemples de mutations de territoire par le travail.
Vue aérienne de l’usine de Vénissieux, 1950
Fondation de l’automobile Marius Berliet - Lyon (1950)
Quels types de mutations par exemple ?
Lorsque l’on s’attarde sur l’histoire de la société des automobiles de Marius Berliet, aujourd’hui Renault Trucks, on s’aperçoit que la construction de l’usine avait non seulement impacté le quartier Monplaisir sur lequel elle se trouvait, mais également les alentours des sites de production. Il a notamment fondé la « Cité Berliet », aujourd’hui à Saint-Priest qui s’inspirait des travaux de l’architecte Tony Garnier. Cette cité-ouvrière est née d’une politique sociale visant à offrir aux employés toutes les commodités dont ils pouvaient avoir besoin comme un logement, une crèche, des jardins, une bibliothèque, une école primaire… Aujourd’hui, le groupe Berliet a été racheté et le territoire même s’il a évolué, a gardé des traces de son histoire. D’ailleurs, vous connaissez certainement la rue du 8e arrondissement qui porte son nom. C’est une belle mise en abyme pour celui qui y avait transformé le paysage en y implantant une des plus grandes usines de son époque.
Vue aérienne de l’usine Renault Véhicules Industriels à Vénissieux
et de la cité Berliet à Saint-Priest, 1980-1990
Fondation de l’automobile Marius Berliet - Lyon (1980-1990)
Comment étudie-t-on l’évolution urbaine des villes ? Existe-t-il une méthode particulière ?
L’objectif du laboratoire dont je fais partie s’applique à analyser les dynamiques de changement entre environnement, ville et société. Notre antenne à l’INSA Lyon est spécialiste des objets urbains qui sont un prisme intéressant pour étudier l’évolution des pratiques. Dans le cas de Berliet, c’est à travers le moteur que nous allons tenter de décrypter l’histoire. Marius Berliet a construit son premier moteur en 1894 et en tant qu’objet d’ingénierie, il permet d’expliquer des dynamiques globales. Son évolution technique et mécanique a induit des changements de fabrication, qui ont eux-mêmes induit des changements d’organisation des usines, du nombre d’ouvriers nécessaires pour produire, etc. Par extension, il se peut qu’un nouveau moteur ait impacté le paysage urbain. Notre expertise se situe à la confluence de l’ingénierie et des sciences sociales. Quant à la méthode, nous récolterons dans un premier temps des données d’archives et mènerons des enquêtes terrain notamment auprès d’anciens employés. De cette base, nous croiserons les informations morphologiques du territoire pour essayer de déterminer les mutations futures éventuelles de notre ville au regard de l’évolution de l’industrie, qui n’est plus du tout la même qu’autrefois.
Ligne de montage des moteurs de cylindrées 120*140 de l’usine Berliet
Source : usines d’aujourd’hui, numéro spécial, octobre 1958
À quoi ressemble l’industrie de nos jours ? A-t-elle toujours sa place dans les villes ?
Aujourd’hui, l’industrie n’est plus uniquement les haut-fourneaux, en tout cas à l’échelle urbaine. Les industries actuelles tendent à lier production de biens, services, connexions et informations (numériques) et « culture » (design, style de vie…). Ces industries, qui concernent de plus en plus de populations de travailleurs cadres, redéfinissent les catégories de planification urbaine en répartissant les activités primaires, secondaires et tertiaires. Au cœur du processus d’hyper-industrialisation, ces industries conduisent les villes à se mettre en réseau. Mon travail de thèse s’inscrit dans une dynamique financée par la Métropole de Lyon dans le cadre d’un projet de Territoire Innovant de Grande Ambition (TIGA). En 2018, Lyon a présenté un projet dans le cadre de l’appel à manifestation d’intérêt1, intitulé « L’industrie intégrée (re)connectée à son territoire et ses habitants ». Si le projet a été lauréat, c’est parce qu’il propose de mettre en lien industrie et habitants pour répondre aux différents enjeux que suppose la révolution industrielle que nous vivons. C’est d’ailleurs pour cela que nous travaillons avec le service de prospective de la Métropole : pour permettre à l’industrie lyonnaise, de continuer à exister dans la ville et d’être un véritable facteur de développement pour la vie des habitants.
Robots servant à positionner à l’horizontale et sur un axe les moteurs. Renault Trucks, Vénissieux, Photo Le Progrès, Christophe Gallet, 2020
Votre travail tombe à point nommé puisque le télétravail dû à la situation sanitaire s’est développé, amorçant peut-être une nouvelle révolution dans les modes de travail. Peut-on dire que la Covid ait déjà impacté nos territoires urbains ?
C’est pour l’instant assez dur à dire, mais c’est une question intéressante. Ce qui est drôle, c’est que mon sujet de thèse a été pensé bien avant la crise Covid ; c’est encore la preuve que le travail est un vecteur très intéressant pour comprendre la ville. Nos déplacements sont principalement fondés sur ce besoin d’aller là où le travail se trouve et le télétravail, s’il parvient à être généralisé dans les entreprises, aura certainement un impact. Seulement, ces changements ne seront visibles que dans plusieurs décennies. Rome ne s’est pas construite en un jour. La ville de demain non plus !
1 Territoires d’innovation de grande ambition

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« Il y avait un point que nous n’avions pas résolu : satisfaire la curiosité des enfants »
Le saviez-vous ? La nuit, toutes les cours d’écoles irradient ! Ils râpent quelques genoux innocents le jour et renvoient dans l’air la chaleur accumulée la nuit : les revêtements d’asphalte noir des cours d’écoles ont été le sujet d’étude d’Hervé Rivano, professeur des Universités et chef de l’équipe AGORA1 du laboratoire CITI2. En collaboration avec la Ville de Villeurbanne et l’école urbaine de Lyon, les chercheurs ont étudié le phénomène des ilots de chaleur urbains depuis les cours d’école. Hervé Rivano explique comment l’expérimentation pluridisciplinaire a fait naître un jeu d’éducation à la donnée à destination des enfants. « Ça va chauffer ! ».
Un kit pédagogique a été développé suite à une expérimentation scientifique dans les cours de deux écoles villeurbannaises. En quoi les travaux de recherche ont-ils consisté ?
Tout a commencé en 2018 lorsque la Ville de Villeurbanne a entamé une réflexion sur la problématique des ilots de chaleurs et à la façon de réaménager les surfaces urbaines pour réduire leurs effets. Pour cela, la ville a expérimenté dans la cour de l’école Édouard-Herriot, un nouvel enrobé clair et poreux pour diminuer la température du revêtement et ajouté des espaces végétalisés pour favoriser l’ombre et l’évapotranspiration. Elle a ensuite fait appel à notre équipe, et avec l’aide de géographes de l’Université Lyon 3 nous avons mesuré l’impact de ces transformations graâce à des micro-capteurs thermiques. En couplant les résultats relevés avec des données historiques issues de mesures satellites, nous avons réussi à identifier les ilots de chaleurs dans le quartier de l’école et ses environs : globalement, le nouvel aménagement avait un impact. En pleine journée, on a mesuré un écart de presque 8°C sur la température au sol. Mais il restait toujours un point que nous n’avions pas encore résolu : satisfaire la curiosité des enfants de l’école pour lesquels notre présence dans leur cour n’est pas passée inaperçue. C’est ainsi qu’est né « Ça va chauffer ! ».
Crédits : Lou Herrmann
Se représenter le travail des chercheurs lorsque l’on a 10 ans est certainement une chose difficile. Comment le kit amène à la compréhension des notions que vous travaillez quotidiennement ? Quels ont été les objectifs pédagogiques ?
Effectivement, la « donnée » était une chose très nébuleuse pour la plupart des élèves. Mais c’est en cela que l’expérience a été enrichissante. Dès la rentrée qui a suivi nos études, nous avons accompagné les enseignants volontaires pour leur permettre de sensibiliser leurs élèves à la donnée environnementale et numérique, et à l’impact des activités humaines sur l’écosystème. Grâce à l’association Fréquence Écoles, spécialisée dans l’éducation aux médias numériques, nous avons préalablement testé « Ça va chauffer ! » dans deux classes. Et le challenge a été relevé : les classes travaillent sur la donnée numérique sans jamais toucher un écran. Concrètement, le kit est un jeu de « datavisualisation tangible ». Plusieurs scénarios invitent à représenter les données, ici des températures chiffrées, en utilisant des éléments tangibles comme des lego ou des allumettes. Chaque équipe doit ensuite expliciter ses choix de représentation à la classe et il y a évidemment des choses très surprenantes qui ressortent. L’intérêt est de faire mobiliser des concepts mathématiques ou des symboliques dont ils n’ont pas conscience, et de s’apercevoir que leurs propres conceptions ne sont peut-être pas les mêmes que celles de leurs camarades.
Crédits : Ville de Villeurbanne
L’exercice est donc d’utilité scientifique et citoyenne. Pourquoi est-ce important de les sensibiliser à la data ?
Je crois que c’est une volonté commune que nous avions avec Fréquence Écoles et l’École urbaine de Lyon, de donner les clés de compréhension aux citoyens pour qu’ils soient en capacité de vivre dans une société numérique. Un chiffre n’est pas une vérité absolue et objective, même s’il provient d’une machine, pour la simple et bonne raison que celle-ci a été paramétrée selon des choix humains, et que le chiffre peut aussi contenir des incertitudes de mesure. C’est une notion qui est parfois difficile à comprendre, pour petits et grands ! Et c’est ici que nos interventions ont été pertinentes car elles ont d’abord permis d’expliquer cela aux enfants, mais surtout, elles ont donné du grain à moudre sur la façon dont ces esprits plus ou moins vierges de préconceptions, appréhendent des concepts inconnus. L’explication par la représentation permet de faire abstraction de l’aspect quantitatif de la donnée, qui fait d’ailleurs souvent dire des bêtises aux journalistes par exemple. Les élèves se focalisaient surtout sur le côté qualitatif de la donnée.
Crédits : Fréquences écoles
En tant qu’enseignant à des plus grands élèves, que retenez-vous de cette expérience ?
Ce n’est pas tant sur la technique que j’ai appris, mais plutôt sur la capacité des jeunes esprits à créer et s’approprier des concepts de manière intuitive. En tant qu’enseignant, et être humain, on a tendance à imposer notre propre représentation en la transmettant à nos étudiants. Et lorsque vous envisagez la transmission du savoir autrement, avec ici une approche dite « par problèmes » comme nous l’expérimentons au département FIMI, les acquis sont différents. Avec « Ça va chauffer ! », on donne du grain à moudre aux élèves pour voir ce qu’ils en font. Résultat : la solution au problème s’impose à eux, et ils ont appris par eux-mêmes. C’est un super projet qui nous a fait comprendre plein de choses. J’espère qu’une fois mis en libre accès, le kit « Ça va chauffer ! » pourra irradier dans d’autres écoles. Et même s’il n’est qu’un ‘produit dérivé’ de nos recherches au sein du laboratoire CITI, il a répondu à un objectif personnel : apporter la connaissance jusqu’aux enfants car mon rôle de chercheur est aussi de contribuer à faire avancer la société avec mes recherches.
Plus d’informations :
1 AlGorithmes et Optimisation pour Réseaux Autonomes
2 Centre d’innovation en télécommunications et intégration de services (INSA Lyon/INRIA)
3 Formation Initiale aux Métiers d'Ingénieur

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Activités sociales et environnements urbains : quels effets sur les pollutions urbaines et les enjeux de santé publique ?
Ce séminaire rassemblera des interventions en urbanisme, sociologie, sciences politiques, anthropologie et sciences de l’environnement.
L'UMR 5600 Environnement Ville Société organise lundi 1er mars après-midi et mardi 2 mars matin un séminaire sur les rapports entre activités sociales, environnements urbains et pollutions – que ces activités soient de production, de consommation ou d’usage.
De quelles manières les environnements urbains et les objets qui les composent (constructions, mobiliers urbains, équipements, objets personnels, etc.) orientent-ils les pratiques sociales, sources des pollution du sol, de l’air et de l’eau ? Quel est leur rôle dans les pollutions observées et l’observation de ces pollutions ? Comment les rapports entre activités sociales, environnements urbains et pollutions sont-ils intégrés dans les politiques environnementales et de santé publique ? Par qui ? Etc.
Compte tenu de la situation sanitaire, il aura lieu en distanciel.
Légende de la photographie : 1-8-13, nouvelles boîtes à ordures [dépôt des poubelles sur le trottoir dans les rues de Paris] : [photographie de presse] / [Agence Rol], 1913, via Gallica
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[Exposition] - Lauréats du concours BD Manga Jeunesse 2025
From 07 to 21 Jun
Vie de campus
L’INSA Lyon bénéficiaire du plan « France Relance »
L’INSA Lyon reçoit plus de 15,5 millions d’euros dans le cadre du Plan de relance pour améliorer la qualité de vie et les conditions d’études et réduire l’impact environnemental du campus de la Doua.
Sur les 13 dossiers qui avaient été présentés par l’INSA Lyon dans le cadre du Plan de relance du gouvernement pour faire face à l’épidémie de Covid-19, 12 ont été retenus. Un taux de succès exceptionnellement élevé qui fait de l’INSA Lyon l’un des principaux bénéficiaires de cet appel à projets en Auvergne-Rhône-Alpes. Le recteur Olivier Dugrip et le recteur délégué pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation, Gabriele Fioni, étaient à l’INSA Lyon ce mercredi 16 décembre pour annoncer ces résultats à la presse.
Les principaux bâtiments concernés par ce plan de relance sont les résidences A et B, qui accueillent les élèves de 1re et 2e années, le bâtiment Camille Claudel hébergeant le service médical, le bâtiment Louis Neel et l’amphithéâtre Seguin. Ils bénéficieront de travaux de réhabilitation énergétique, avec notamment l’isolation des façades, toitures et planchers, la mise en place de panneaux photovoltaïques, l’installation de protections solaires, la rénovation des chauffages et la végétalisation de toitures.
Les chantiers de ce plan de relance concernent à la fois des logements étudiants, des infrastructures pédagogiques, de recherche et administratives. Ils s’inscrivent dans un vaste projet de rénovation globale du campus de l’INSA Lyon à la Doua, financé notamment dans le cadre du contrat plan État-région.
À travers ces travaux de réhabilitation, l’école vise à améliorer la qualité de vie et de travail sur le campus, en créant des lieux plus conviviaux, plus fonctionnels et plus performants d’un point de vue énergétique, en développant les espaces verts et en repensant les mobilités. Le campus aura aussi vocation à être un campus démonstrateur, vitrine de notre savoir-faire scientifique et de nos travaux de recherche. Enfin, l’INSA Lyon cherche à développer un campus toujours plus ouvert sur son territoire, contribuant à son animation et à rayonnement à travers l’accueil de manifestations scientifiques, culturelles, artistiques, sportives locales, nationales et internationales.

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Alliance Atmo/INSA Lyon : pour une recherche qui a le vent en poupe
Chaque jour, un adulte respire près de 15 000 litres d’air. Pur, l’air ? Rien n’est moins sûr.
À l’heure où la santé des populations est mise à mal par un virus d’ampleur mondiale, l’INSA Lyon officialise son alliance avec Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, pour travailler à l’amélioration du premier élément nécessaire à la vie : l’air.
Rencontre avec Nicolas Rivière, adjoint en charge de l’enjeu de recherche « Environnement : Milieux Naturels Industriels et Urbains » à l‘INSA Lyon et porteur de la chaire de recherche nouvellement créée, accompagné de Claire Chappaz, adjointe pour l’innovation et le développement chez Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.
La qualité de l’air : un enjeu de santé public majeur
« Pic de pollution, pensez aux transports en commun ». Un message d’alerte pour prévenir d’un épisode de pollution qui s’affiche sur les panneaux lumineux des grandes villes, désormais avec une certaine habitude. Malheureusement, ces « pics » ne sont que la partie visible d’une pollution quotidienne dont les principales sources sont identifiées : les activités de transport routier, industrie, chauffage résidentiel et agriculture libèrent plus de cinquante gaz et particules nuisibles et modifient la composition de l’air, quotidiennement.
De toute évidence néfaste pour l’environnement et la biodiversité, la pollution de l’air l’est d’autant plus pour la santé des populations. Chaque jour, les « AASQA », les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air, sont chargées d’étudier très précisément la composition de l’air et évaluent l’exposition des citoyens aux différentes composantes de l’atmosphère. « L’Agence nationale de santé publique a estimé en 2016 l’impact sanitaire de la pollution de l’air à 48 000 décès prématurés, soit 9% de la mortalité en France. Face à ce constat, il est urgent d’apporter des informations locales encore plus précises et contextualisées, tant pour permettre aux citoyens de connaître la composition de l’air qu’ils respirent, que pour aider les décideurs à protéger notre santé et notre environnement », introduit Claire Chappaz, adjointe unité innovation et développement chez Atmo Auvergne-Rhône-Alpes.
Unir ses forces pour la recherche sur l’air
Dans ce contexte, Atmo et l’INSA Lyon travailleront main dans la main dans le cadre d’une chaire de recherche et d’enseignement, avec l’ambition de lever les verrous scientifiques qui persistent en matière de surveillance de la qualité de l’air. « Le cadre donné par cette alliance nous permettra de concentrer nos recherches sur deux thématiques : d’abord sur la fiabilité des données relevées par les dispositifs de mesure innovants que sont les micro-capteurs, et puis nous concentrerons nos efforts sur la modélisation et la représentation de la qualité de l’air », explique Nicolas Rivière, porteur de la chaire à l’INSA Lyon. « Trois de nos laboratoires de recherche ont été sollicités pour s’impliquer dans les travaux. Le LIRIS1, pour son expertise sur le traitement de données et des apprentissages statistiques. Le Citi2, sur l’aspect de l’internet des objets et des capteurs embarqués. Et le LMFA3, pour son regard sur la simulation des écoulements et de la pollution », ajoute Nicolas.
Innovante, la chaire souhaite faire travailler ensemble des experts de domaines variés, de l’informatique à l’électronique, en passant par les mathématiques ou la modélisation numérique. « Avant le lancement officiel de cette chaire, des partenariats existaient déjà entre Atmo et certains de nos laboratoires. En réalité, une dizaine de laboratoires de l’INSA menait déjà des recherches en lien avec la qualité de l’air, extérieur comme intérieur », intime l’enseignant-chercheur.
Une alliance pour la mobilisation et la sensibilisation citoyenne
S’il est largement accepté que la pollution atmosphérique impacte négativement la santé, aujourd’hui plus que jamais, les citoyens sont inquiets sur la qualité de l’air qu’ils respirent. Mais cette préoccupation n’a pas toujours été si forte. Pour Nicolas Rivière, une explication existe. « L'air que nous respirons et sa qualité ont un impact direct sur nos santés, au même titre que la nourriture que nous mangeons ou l'eau que nous buvons. Pourtant, respirer ne demande pas de réflexion, à la différence de faire ses courses. Cela met souvent les préoccupations liées à la qualité de l'air sur un plan différent, même pour des citoyens très engagés en matière d'environnement, comme le sont de plus en plus nos élèves-ingénieurs. Faire connaître les pratiques et faire prendre conscience des expositions est important », explique-t-il.
L’ambition seconde des porteurs de l’alliance est d’associer les avancées des recherches à des actions de mobilisation et de sensibilisation qui pourraient prendre la forme d’ateliers de conception de capteurs, de création de supports de visualisation en temps réel et de contrats doctoraux… Le programme « air et engagement sociétal » co-conçu par Atmo et l’INSA Lyon à destination de tous les membres des parties prenantes, permettra de démultiplier la portée des recherches. « La participation citoyenne est quelque chose que nous mettons en avant depuis de nombreuses années car cela constitue un puissant levier de mobilisation et d’incitation à l’action. Le bénéfice pour la santé des populations et l’impact sur l’environnement se trouvera par une multitude d’actions, collectives ou individuelles. Et pour cela, il est impératif de faire connaître les leviers d'amélioration de la qualité de l’air », conclut Claire Chappaz.



Plus d’informations : www.fondation.insa-lyon.fr
- En savoir plus, lire le communiqué de presse : Alliance ATMO_INSA Lyon : l’air, notre bien commun : un enjeu de santé & d’innovation, une mobilisation citoyenne !
1Laboratoire d’informatique en images et systèmes d’information (INSA Lyon, Lyon 1, Lyon 2, ECL, CNRS)
2Centre d’innovation en télécommunications et intégration de service (INSA Lyon, INRIA)
3Laboratoire de mécanique des fluides et d’acoustique (ECL, INSA Lyon, Lyon 1, CNRS)

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Protective masks and recycling: compatible?
Today on our noses and tomorrow in nature.
Summer 2070, on the beach. Stranded on the sand: the protective mask we once wore after lockdown to go shopping or to the office. Like an old forgotten friend on whom we had relied, it has not changed. Perhaps slightly blackened by the polluted air, it displays fibres that are still intact.
With a very short lifespan, disposable protective masks are a considerable source of waste. Incorrectly disposed of or even sometimes abandoned in the street like a cigarette butt, the masks that protect us today could harm us tomorrow. Is it possible to recycle them? Do we need to consider designing biodegradable masks? Jean-François Gérard, researcher at the Polymer Materials Engineering Laboratory (IMP) and professor in the Materials Science and Engineering Department, takes stock of the situation. Interview.
It is now part of our daily routine as soon as we leave home: to make sure we have a mask. What is this travel companion made of?
Surgical masks are made of polypropylene. This polymer is one of the most produced on earth because it is cheap and easy to obtain. Moreover, it makes up most of the items that surround us, such as food packaging and parts for household appliances. Surgical masks are manufactured by a melt-blowing process, from polypropylene melted by spinning at very high pressure and in an intense air flow. Polypropylene stretches to form fibres of a few microns. The polypropylene used in this process has a very low viscosity, similar to that of water, making it possible to provide this light non-woven material of about fifteen grammes per m². It is tear-resistant, porous to allow air to pass through and tight enough to hold the famous droplets. Generally, the disposable masks we wear are made up of two or three superimposed layers of this non-woven material, formed by fibres that cross over each other, allowing the functions of filtration and breathability. Another distinctive feature of polypropylene is its ability to charge itself with static electricity on the surface. It is perhaps less well known, but it is a very useful phenomenon, because electrostatic attraction contributes to the filtration of particles. This is also one of the reasons why protective masks have a limited lifespan: the more time passes, the more the electrostatic charge decreases, reducing the effectiveness of the mask!
With a duration of effectiveness of 4 hours, the mask quickly becomes invasive waste. Could the masks be recycled or reused?
In theory, it is quite possible to fully recycle polypropylene. If it is well sorted, it is easy to recycle. In the end, a mask is very little material, about five grammes, and the very specific polypropylene used has a very low mechanical resistance, which would require it to be re-mixed with polypropylenes from other waste or virgin materials. Another way of theoretically combating the rapid obsolescence of surgical masks, and their accumulation as waste in large quantities, would be to reuse them. Many processes have been studied to clean up these objects by immersing them in hypercritical fluids such as CO2, ethylene oxide, or under hydrogen pressure to eliminate viruses and bacteria. At the Polymer Materials Engineering Laboratory1, we have proposed the use of microwaves to clean the masks. However, the main problem lies well upstream, whatever the recycling and re-processing route: the conditions for collecting from the various sources of consumption, particularly individuals, are not sufficiently safe, as the aim here is to treat waste that is potentially contaminated and therefore dangerous for those collecting them. Moreover, in hospitals, masks are collected and disposed of by incineration to avoid any risk of further contamination.
To limit the production of waste linked to the consumption of masks, could we imagine the use of biodegradable masks?
If there is any certainty, it is that disposable polypropylene masks do not biodegrade. In order for a material to decompose in a biological medium, certain conditions for degradation, i.e. reaction by micro-organisms in the medium, must be met. Here, the polymer is too stable for enzymes to be able to break it down by fragmenting it until it is eliminated. Its only enemy would be ultraviolet rays. Making biodegradable masks would be a false good idea since, apart from the fact that it is hazardous waste, we are not equipped in France with sites capable of doing biodegradability on a large scale, knowing that what is biodegradable is not necessarily good for the environment! Furthermore, there is a risk that stamping a mask as 'biodegradable’ may lead some consumers to throw them away anywhere... To avoid the invasion of this waste, only the wearing of a mask made of reusable fabric can counter the massive production of mask waste.
Could we then imagine a recycling sector specialising in single-use masks?
Personally, I don't think this is a good idea for reasons of economic reality. Today, the waste recycling industry is very concerned about the recyclability of its plastic products in the face of the safety rules imposed by the health crisis, and recycling protective masks could endanger the health of sorting operators. Even if polypropylene masks are theoretically easy to recycle, it is not necessarily easy to find a second life for them in the form of a new mask or object. And how many times could a mask be recycled? It would need to be stamped each time it is recycled, not to mention that it will lose some of its filtering power each time it is reused. There also remains the question of social acceptability: who will agree to wear a re-treated mask? I believe that the best thing to do today is to carefully throw your mask in the bin, making sure you close the bag carefully because the object that has protected us for a few hours could contaminate those collecting it who remove our waste every day.
1 The laboratoire IMP is a joint research unit of the CNRS (UMR CNRS 5223), located on three University of Lyon sites: INSA Lyon, Claude Bernard Lyon 1 University and Jean Monnet de St Etienne University.

Sciences & Société
Neutralité carbone en 2050 : une utopie ?
Une série de conférences-débats sur les risques environnementaux proposées par le Master mention Risques et Environnement, co-accrédité par les universités Lyon 2, Lyon 3, l’Ecole Centrale de Lyon, l’ENTPE, l'ENMSE et en partenariat avec l’INSA et l’IEP.
Il traitera de l’ambitieux objectif que s’est donné la France d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Ainsi seront abordés les raisons de cette préoccupation, les acteurs impliqués et les moyens pour y parvenir. Pour ce faire, quatre intervenants seront présents :
- Bruno Charles, Vice-Président à la Métropole de Lyon
- Karine Forest, Collaboratrice développement durable à la Région Auvergne-Rhône-Alpes
- Natacha Gondran, Enseignante-chercheuse aux Mines de Saint-Etienne
- Mathieu Saujot, Chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI)
Additional informations
- https://www.facebook.com/events/1483353191818767/
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Amphithéâtre de la MILC au 35 rue Raulin, Lyon 7º.