Vivant

30 May
From 30/05/2024 19:00
to 30/05/2024 21:00

Sciences & Société

Conférence : Dialogue entre connaissances ancestrales et savoirs scientifiques, quelles inspirations, quels grands principes pour prendre soin de nos territoires?

Scientifiques européens et latino-américains, acteurs et actrices de la préservation des territoires vous proposent une rencontre autour des premiers résultats de ces échanges, orchestrée par l'association Tchendukua.

Après la venue des autorités traditionnelles du peule Kogis en octobre dernier, Tchendukua et l’INSA Lyon vous invitent à une conférence exceptionnelle : Quelles inspirations, quels grands principes pour prendre soin de nos territoires ? Premiers résultats et perspectives du dialogue croisé de santé territoriale 2023, en présence de chercheurs, scientifiques et hauts fonctionnaires.

Avec la participation de chercheurs, scientifiques, hauts fonctionnaires : Clément Dodane (géographe), Ana-Maria Lozano (anthropologue), Gilles Mulhauser (biologiste-écologue), Eveline Manna (Sciences humaines), Alain Roux (photographe naturaliste), Durley Miranda (Formation & conseil en RSE développement durable et relations internationales), Jean-Louis Michelot (géographe et naturaliste), Margaux Alamartine (…), Marco Forconi (ingénieur agronome).

Ouverture des portes à 18:30 pour démarrage prévu de la conférence-rencontre à 19h.

 

 

Additional informations

  • INSA Lyon - Amphi Gaston Berger - Villeurbanne

27 Sep
27/Sep/2023

Vie de campus

L’INSA Lyon accueille les Kogis pour « ouvrir le futur avec joie »

En 2018, dans la Drôme, une première rencontre totalement inédite, avait réuni des représentants du peuple kogi, des scientifiques et des experts occidentaux pour partager leurs connaissances et mener un diagnostic de territoire. En octobre prochain, le projet, intitulé Shikwakala1, entamera sa deuxième édition et fera escale à l’INSA Lyon le jeudi 5 octobre. L’objectif ? Faire se rencontrer les savoirs scientifiques et les connaissances ancestrales de ce peuple racine vivant dans la Sierra Nevada de Santa Maria, en Colombie. Au programme de la visite au sein de l’école d’ingénieurs lyonnaise : ateliers d’études et conférence ouverte au grand public. À travers une écoute mutuelle entre les deux approches, ce moment fort sera l’occasion d’un dialogue pour tenter de composer un « monde commun », et répondre à la question « comment remettre le vivant au cœur de nos actions ? »

La mission confiée par la mère Terre : une quête qui résonne vers l’Occident
Les Kogis sont les descendants directs de l’une des plus grandes civilisations précolombiennes du continent latino-américain, les Tayronas. Vivant à plusieurs jours de marche dans la Sierra Nevada de Santa Marta, le plus haut massif côtier de la planète, ils considèrent leur environnement comme « le cœur du monde ». Ces paysages nécessairement isolés et protégés présentent un écosystème unique : pas moins de 96 espèces endémiques et 7 % des espèces d’oiseaux de la planète
2 y ont été recensés à ce jour. Le peuple kogi poursuit une quête : celle de tisser un équilibre avec le vivant, en prenant soin des « points chauds » de la « mère Terre ». Éric Julien, géographe et fondateur de l’association Tchendukua – Ici et Ailleurs, aime illustrer leur appréhension de l’environnement naturel par la métaphore suivante : « Ils sont le stéthoscope qui écoute la Terre, qu’ils comparent à un énorme corps humain. Quand on regarde un corps humain, on ne voit pas de prime abord les réseaux sanguins, nerveux, ventilatoires, énergétiques qui relient les organes entre eux. Pour la Terre, c’est pareil : il y a des réseaux sanguins (eaux), ventilatoires (vents, airs…), nerveux (radioactivité naturelle, champs magnétiques…)3 ». Seulement, cet équilibre est menacé par « les petits frères », la société occidentale. « Cette mère est un comme un grand corps humain, et s’il en manque une partie, le reste ne peut plus fonctionner ». 

 

 

Pour répondre à la mission confiée par la mère Terre, celle d’enseigner à ceux qu’ils nomment « les petits frères » l’harmonie des choses, les Kogis et l’association Tchendukua – Ici et Ailleurs ont pensé le projet « Shikwakala », invitant à renouer avec le vivant dans une relation d’épanouissement réciproque. L’INSA Lyon est partenaire officiel de ce projet pluridisciplinaire au long cours.

Écouter et ressentir le fleuve Rhône
Le sens de l’observation et la sensibilité exacerbée des mamas (hommes) et des sagas (femmes), les autorités spirituelles formées dès la naissance à ressentir le vivant, avaient trouvé écho en 2018 chez scientifiques et experts impliqués dans la première édition. Un premier diagnostic croisé avait permis une lecture plurielle de la rivière Drôme et de son bassin versant, avec des résultats surprenants : les constats énoncés par les Kogis confluaient souvent avec les savoirs « scientifiques occidentaux ». Par exemple à cette occasion, les Kogis ont rapidement perçu que les pins noirs d’Autriche n’étaient pas endémiques de la région et contribuaient au déséquilibre du territoire, faits confirmés par les scientifiques présents, puisque cette espèce d’arbre, implantée en monoculture à la fin du 19
e siècle, pose des problèmes d’acidification des sols. 

Pour cette deuxième rencontre en 2023, la venue des représentants kogis se concentrera sur le fleuve Rhône : son bassin versant de la source à l’embouchure. Sur le parc de La Feyssine, territoire voisin du campus de La Doua, cette rencontre réunira experts français, suisses, et kogis, pour une lecture systémique préparée avec la mairie de Villeurbanne. Exploité pour la production d’électricité, l’irrigation ou encore les transports, le Rhône est l’un des fleuves les plus aménagés du monde. Les savoirs et méthodes échangés lors de cette rencontre permettront d’alimenter le débat démocratique sur le futur du parc de La Feyssine et sur l’aménagement de ce fleuve qui fait l’objet d’une certaine attention depuis plusieurs années.  

 

 

Produire de la science par une approche sensible : l’intérêt pédagogique
Si la grille de lecture kogi du vivant met à l’épreuve notre manière d’habiter le monde occidental, il y a un aspect qui anime Eveline Manna, enseignante de sciences humaines au Centre des Humanités de l’INSA Lyon et porteuse du projet : celui de la production des savoirs. « Les Kogis produisent des savoirs et connaissances issus de méthodologies radicalement différentes de notre science occidentale. Les chercheuses et chercheurs de toutes disciplines et les artistes qui coopèrent avec eux au long cours en sont remarquablement stimulés, même ‘décentrés’. Par leur manière d’être et de faire, ils nous permettent de réfléchir aux êtres qui méritent d’être considérés et soulèvent des questionnements tels que : ‘qu’est-ce qu’appréhender un territoire’ ? ‘Quels sont les êtres qui méritent de l’attention’ ?’ Comment organiser ce monde commun à composer’ ? En école d’ingénieurs, il y a comme un partage entre faits et valeurs. On a l’habitude de dire : ‘les faits sont là’. Or on ne traite que des faits qu’on considère. Notre époque parle plutôt aujourd’hui de la Fin d’un Grand Partage
4 ; une invitation à s’interroger sur le clivage entre organisations sociales et milieux naturels. »

Également directrice des études de la filière internationale Amerinsa, elle attend de ce projet qu’il dégage plus de prises sur le territoire. « Par le travail collectif, je souhaiterais que cela apporte plus de manières de percevoir et d’agir dans nos milieux de vie. Notre jeunesse n’attend que cela ! Cet engouement de la part de nos élèves-ingénieurs a d’ailleurs été remarqué par l’anthropologue Sina Safadi, qui a mené un travail considérable avec des modules d’enseignement donnés à l’INSA Lyon, en préfiguration de la venue des Kogis. Nous espérons poursuivre ce travail très pluridisciplinaire, multi-parties prenantes et lui donner des traductions concrètes. »
L’association Tchendukua a d’ailleurs adopté pour le projet « Shikwakala », l’image du Troisième paradis, la boucle de l’infini avec une boucle en plus, dessinée par le plasticien Michelangelo Pistoletto, signe des chemins qui s’ouvrent à nous.

 


Conférence : 
« Quand connaissances ancestrales et savoirs scientifiques
dialoguent pour soigner ensemble la Terre »

Jeudi 5 octobre 18h30 - Campus INSA Lyon - Amphithéâtre Capelle

En présence de : la délégation kogi ; Emma Haziza, hydrologue ; Jean-Louis Michelot, géographe et naturaliste ; Gilles Mulhauser, directeur général de l’Office de l’eau du canton de Genève ; Pablo Servigne, auteur spécialiste de la collapsologie et de la résilience collective ; Cédric Villani, mathématicien, médaillé Fields (2010).
=> Nombre de place limité - Évènement gratuit avec inscription obligatoire.

 

[1] Shikwakala est le terme choisi par le gouverneur kogi Arregocés Conchacala pour nommer le projet de dialogue avec les autorités spirituelles de la Sierra Nevada de Santa Marta et des scientifiques occidentaux. « Shikwá est un fil invisible, créé dans l’esprit, qui enveloppe la terre entière d’est en ouest, formant un réseau de connexion entre la terre, le soleil et le reste de l’univers, rendant possible sa rotation constante. » 
[2] La Sierra Nevada de Santa Marta est l'un des plus importants « hotspots » de biodiversité au monde.
[3] Extrait de l’émission radio « Une journée particulière » diffusée 3 juin 2018 sur France Inter (54 minutes).
[4] Pierre Charbonnier (CNRS), La fin d’un Grand Partage. Nature et société, de Durkheim à Descola.

©  Tchendukua Philippe brulois

 

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01 Mar
01/Mar/2023

Formation

Pourquoi enseigner les enjeux du vivant dans une école d’ingénieur ?

« C’est une crise dans la crise, un déni dans le déni ». L’érosion de la biodiversité est souvent mise au second plan lorsque l’urgence climatique est abordée. Pourtant intimement liée à la santé et à la nutrition de l’Homme, la santé des écosystèmes est indispensable à la vie de l’Homme sur la planète.

Cette thématique, les enseignants engagés dans l’évolution de la formation d’ingénieur INSA l’ont prise à bras-le-corps. Mais comment faire de la place au vivant dans une école régie principalement par les sciences dures ? Pourquoi former les futurs ingénieurs à ces enjeux ? Est-il possible de faire comprendre les bases de cette biochimie et du réseau d’interactions que constitue la multitude des espèces de nos écosystèmes dont notre développement dépend ? Hubert Charles, enseignant-chercheur et animateur du groupe de travail dédié, apporte des éléments de réponse.

Hubert CharlesIl y a un exercice que l'enseignant-chercheur aime proposer à ses élèves ingénieurs pour travailler sur la relation entre l’Homme et la nature. « Je les invite à s’imaginer dans une situation tout à fait caricaturale de la vie urbaine, comme une soirée foot et pizza devant la télévision. Je leur demande de dresser une liste de tous les écosystèmes nécessaires pour les besoins de la soirée. Beaucoup de matériaux sont issus de la nature : le cuir du canapé, le bois de la table basse, les pommes de terre et l’huile qui ont servi à faire les frites, les levures pour faire la bière, les forêts qui absorberont le carbone de la retransmission du match, etc. ! Si l’exercice prête à sourire, il n’en est pas moins efficace pour faire prendre conscience de la dépendance de l’être humain au reste du vivant. Match de foot ou pas, nous sommes tous des éléments des écosystèmes redevables des services de la nature pour vivre et exercer nos activités favorites », introduit Hubert Charles.

L’Homme est une espèce ingénieure. Comme le castor qui fabrique des barrages sur la rivière pour conserver de l’eau et protéger son gîte contre les prédateurs, l’être humain modifie son environnement pour son développement depuis le Néolithique. Maintenant, ses capacités de perturbations dépassent largement celles des autres espèces de la planète. « Ainsi, pour les plus urbains d’entre nous, nous avons complètement rompu les liens Homme – nature et perdu la conscience de nos dépendances aux écosystèmes. Dans nos environnements de vie artificiels et contrôlés, ce dualisme nature-culture est exacerbé. Pourtant, 40 % de l’économie de cette vie artificielle repose sur les écosystèmes ».

Au sein du chantier de l’évolution de la formation des ingénieurs INSA, le groupe de travail dédié aux « enjeux du vivant » a fait de ce lien entre nature et culture, une notion fondamentale à inculquer aux étudiants. « C’est un sujet qui implique de nombreux impacts sociaux et philosophiques et une montée en compétences en biologie des élèves et du corps enseignant. Dans les années 50, on s’est construit une vision écopaternaliste, considérant que toute nature qui ne serait pas dressée et contenue par l’homme n’aurait pas de valeur. C’est une vision issue de l’après-guerre, arrivée avec la mécanisation et les pesticides dans l’agriculture. On a cru qu’on pourrait dompter la nature avec des champs de monoculture et avec la technologie. Aujourd’hui, on se rend compte que cette agriculture industrielle rend nos champs improductifs et infertiles. Les questions que l’on veut adresser à nos étudiants sont : quelle est la valeur de cette nature dite « sauvage » ? Pourquoi et comment la soigner ? », poursuit l’animateur et scientifique.

Trop souvent polarisée sur les enjeux climatiques, la crise de l’érosion de la biodiversité menace la vie de l’Homme sur la planète et selon l’IPBES1, il existe 5 causes principales à cette crise : la destruction des habitats, la surexploitation des ressources, le changement climatique, la pollution et les espèces envahissantes. « Le changement d’usage des sols en est l'une des causes majeures. L’urbanisation, l’industrialisation et l’agriculture intensive ont dégradé la terre nourricière, garante d’un air pur et d’un sol fertile. Par ailleurs, des maladies de société liées à la dégradation de l’écosystème terre sont apparues telles que les cancers, les maladies cardio-vasculaires, les maladies respiratoires liées aux pollutions, et les épidémies… Elles sont les signaux faibles de l’urgence écologique, car il est illusoire de vouloir soigner l’Homme sans soigner l’écosystème : sans écosystèmes en bonne santé, pas d’êtres humains en bonne santé. C’est le principe de santé globale », poursuit l’enseignant.

C’est à cette interface entre biologie et sciences humaines que s’inscrit la réflexion de l’évolution de la formation des ingénieurs INSA sur les enjeux du vivant autour de quatre thèmes : la biodiversité, la santé, l’alimentation et la relation Homme-nature. Les futurs ingénieurs doivent comprendre que tout animal, n’existe pas en tant que tel. « L’homme notamment est un écosystème à part entière. Il ne survit que grâce aux relations qu’il entretient avec les microorganismes qui le colonisent et avec les autres espèces de l’écosystème dans lequel il vit ». 

Initier les élèves ingénieurs aux enjeux du vivant est donc une étape clé dans la compréhension globale de l’urgence écologique. En reconnectant l’ingénieur INSA à la réalité de la nature, on lui permet d’avoir le recul nécessaire pour repenser la technologie et d’en réduire son impact sur le vivant. « Si nous voulons former des ingénieurs humanistes, il est de notre devoir d’enseignants de transmettre les bonnes valeurs du développement humain. Et quand je parle de développement, je parle d’amélioration de la qualité de vie et non pas forcément de l’extension de la colonisation de la planète. Il ne faut pas oublier que l’Humanité n’a que 500 000 ans. Parmi toutes les espèces de la planète, l’espèce humaine est très jeune et elle est la seule autant responsable que menacée. Tenter de faire perdurer l’espèce humaine durablement me paraît donc légitime. Pour cela, nous avons besoin de notre capacité à œuvrer collectivement, mais aussi de réaliser une transition technologique pour accéder à la durabilité à l’échelle du vivant. »

Ainsi, le travail collégial réalisé par le groupe de travail a permis de définir les éléments d’un programme pédagogique sur 5 ans ; objectifs dont les enseignants devront s’emparer pour les appliquer dans les départements de spécialité de la formation. « Nous avons initié ce travail au FIMI2 en première année au sein de l’équipe ETRE (Enjeux de la TRansition Écologique) avec un cours de 3h sur le concept de santé globale. En deuxième année à partir de l’année prochaine, nous sortirons de la salle de cours, sur le campus, observer les réseaux de pollinisateurs, la formation du sol, les espèces invasives, les aménagements du territoire et de l’espace naturel pour observer les écosystèmes et mesurer les impacts de l’homme. »

S’il reste encore beaucoup à faire comme le prévient Hubert Charles, ce petit pas est prometteur pour amener à la transition technologique nécessaire pour permettre une durabilité de notre développement à l’échelle du vivant et non à l’échelle temporelle de notre économie. « Faire évoluer la formation de l’ingénieur vers une réelle prise en compte du vivant est indispensable : la crise de la biodiversité ne résulte pas seulement de choix humains et de pratiques techniques, mais aussi de valeurs sur lesquelles s’est fondée notre modernité. C’est là toute la complexité du sujet. »

 

3e édition de la Journée évolution de la formation 
Une journée banalisée dédiée à l’évolution de la formation de l’ingénieur INSA permettra aux enseignants, enseignants-chercheurs et étudiants de réfléchir, échanger et se former à la transition socio-écologique et aux enjeux du numérique. 
Cette journée proposera à la communauté INSA de découvrir et approfondir les sujets pour se mettre en action à travers des cours-conférences, des ateliers, des fresques, des forums d'échange.

🔒 Programme et inscriptions pour les personnels et les étudiants : Journée évolution de la formation - 14 mars 2023

 

Une (r)évolution de la formation d’ingénieur à l’INSA Lyon

Depuis 2019, un vaste chantier d’évolution de la formation a été entrepris au sein de l’INSA Lyon pour former les étudiants à deux facteurs majeurs de la mutation de nos sociétés : les enjeux socio-écologiques et les enjeux du numérique. Cette évolution concerne tous les élèves ingénieurs, de la 1
re à la 5e année et est mise en œuvre progressivement depuis la rentrée 2021. Un socle commun est ainsi décliné en huit thématiques :  

▪️ Anthropocène et climat
▪️ Énergie
▪️ Ressources, analyse du cycle de vie (ACV) et mesure d’impact
▪️ Enjeux du vivant
▪️ Quels futurs possibles et souhaitables ?
▪️ Calcul numérique
▪️ Sciences des données et intelligence artificielle
▪️ Enjeux environnementaux et sociétaux du numérique




« Projet soutenu dans le cadre de l'AMI Emergences. »

 

 

[1] :  IPBES - Rapport de l’évaluation mondiale de la biodiversité et des services écosystémiques - Résumé à l’intention des décideurs
[2] Formation Initiale aux Métiers d'Ingénieur

 

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