Life on campus

16 Dec
16/Dec/2021

Life on campus

« La fierté est un moteur pour accomplir de grandes choses »

Au pied du bâtiment H, les bénévoles du Culinarium s’activent dans le local de l’association. Deux jeudis par mois, le programme des membres est chargé. Le temps de midi, dédié à la préparation des repas est toujours suivi d’une distribution auprès de personnes en situation de précarité dans le quartier de la Part-Dieu. 
Mounir Radjabou, étudiant en 2e année de FIMI, est le président de cette association bienfaisante. Pour lui, les actions de solidarité menées ne sont pas seulement une affaire d’altruisme mais une expérience où l’humanisme prend tout son sens. Entretien avec un jeune homme qui a fait de la troisième valeur de la devise républicaine, un précepte pour sa vie personnelle et de futur ingénieur.

Lors de votre arrivée à l’INSA Lyon, parmi les nombreuses associations, vous avez spontanément choisi le Culinarium. Pour quelles raisons ?
J’ai grandi à Moroni, la capitale des Comores, dans laquelle presque tout le monde se connaît. La vie y est très chaleureuse et le contact avec les gens très facile. Lorsque je suis arrivé en France il y a deux ans, la Covid-19 faisait son entrée. Confiné et fraîchement arrivé, j’ai vite ressenti le besoin de renouer avec la chaleur humaine et la solidarité dont j’étais habitué sur mon île. J’ai tout de suite adhéré à l’esprit du Culinarium. Je me souviens de la première distribution à laquelle j’ai participé, dont une rencontre qui m’a marqué. Parmi les gens à qui nous distribuions les repas, il y avait cette femme, une canadienne arrivée en France pour rejoindre son conjoint. Elle n’était pas entrée dans les détails, mais son récit laissait sous-entendre que leur relation s’était mal terminée. Elle n’avait pas eu d’autre choix que de partir, sans endroit pour se loger. Cette histoire m’a bousculé car ne collait pas du tout avec les préjugés que j’avais en tête à l’époque et a marqué un tournant décisif sur le regard que je porte aux personnes dans le besoin.

Cette première sortie était donc le début de quelque chose. Quel a été l’élément qui vous a donné le goût d’y retourner ?
Le sourire des gens ! En réalité, on apprend vite que le sandwich ou le panier repas que l’on distribue n’est que la cerise sur le gâteau pour les personnes sans-abri et que nos visites représentent surtout un rempart contre la solitude. Pendant le premier confinement, c’est d’ailleurs ce qui a été le plus difficile à vivre pour eux, lorsque les rues étaient désertes. Souvent, dans les remerciements que l’on nous adresse, il y a une phrase qui revient régulièrement : « merci d’avoir pris le temps ». Ce sont ces mots qui m’ont fait prendre conscience que c’était une chance d’avoir du temps à donner aux autres. 

Le don de soi est-elle une valeur morale qui compte beaucoup pour vous ?
Effectivement. « Aider » et « donner » sont des mots qui ont occupé beaucoup de place dans mon éducation, mais je ne les comprenais qu’à moitié avant de vivre ces expériences. Aujourd’hui, ce que nous faisons avec le Culinarium donne corps à ces notions et je saisis leur véritable signification. Je le prends comme un devoir moral et cette activité associative participe à mon équilibre. Il y a quelque chose dont on ne parle pas souvent :  être nous au sein de l’association, mais je crois que chacun des membres est plutôt fier de ce qu’il accompli ces jours-là. Il est important de le reconnaître car la fierté est un moteur pour accomplir de grandes choses, et en tant que futurs ingénieurs, cela nous servira à œuvrer pour un monde meilleur. J’aimerais pouvoir être fier de mes actions quand je serai ingénieur.  

Vous pensez faire cohabiter votre engagement pour l’humain dans votre futur métier ? Comment ?
En tout cas, je l’espère. J’aimerais m’orienter dans le domaine des énergies car je nourris une ambition : celle de participer au développement énergétique de mon pays d’origine. En France, l’électricité est disponible tout le temps et quasiment partout mais aux Comores, il arrive régulièrement que les pannes électriques paralysent tout le pays. J’aimerais pouvoir participer au développement d’un accès à l’électricité durable pour tous. Je ne suis qu’en deuxième année, alors j’ai le temps de faire mûrir ma réflexion, mais je pense être une personne d’action. Il y a quelques semaines, l’un de nos enseignants nous disait qu’en tant que futur ingénieur, nous aurons deux choix : passer sa carrière à participer à un système qui fonctionne mal ou être au cœur du système pour changer les choses. Bien sûr, la majorité de la classe optait pour la deuxième option, celle du changement, car personne n’aime agir inutilement.  

Vous sentir utile est quelque chose qui vous comble dans votre activité associative ? 
Ce que nous faisons avec Le Culinarium répond à un besoin immédiat, donc notre action est directement utile. En plus des distributions et des maraudes, il nous arrive de pousser le Samu Social pour certains cas dont nous sommes témoins, mais nous savons que nous n’agissons pas sur le problème de fond et certains soirs, il arrive que nous nous sentions impuissants. Parmi les personnes que l’on aide, il y a celles que l’on recroise et celles que l’on ne recroise plus : soit ils vont mieux, soit ils vont plus mal et on ne le saura pas. Certains soirs laissent un goût d’inachevé mais cette incertitude qui met nos émotions à rude épreuve fait partie de l’apprentissage. Il faut être prêt à être bousculé et touché mais c’est le propre de l’expérience humaine, n’est-ce pas ? 

Une partie de l'équipe repas du Culinarium*

 

Pour aller plus loin sur le sujet : 
Podcasts « Les cœurs audacieux » - Saison 2 / Épisode 4 - 10 mars 2022