International

30 Nov
30/Nov/2022

International

La buena onda de l’autre côté de l’atlantique

« Rugby, sciencia y buena onda1 ». C’est en trois mots que Charlotte Delevoie, étudiante en 5e année de génie mécanique, résume son échange universitaire. Cette jeune élève-ingénieure rugbywoman arrivée en terre argentine en juillet, a pris l’expérience à bras-le-corps : club de sport local, association d’aide humanitaire, travaux universitaires… Pas question d’en perdre une miette pour découvrir la culture du pays de l’intérieur, pour le meilleur comme pour le pire : une tranche de vie qui fait la part belle à la rencontre, la découverte de soi et à l’importance de collectionner les moments de vie. 

27 juillet 2022, 7 heures du matin. 
À la sortie de l’aéroport Ministro Pistarini d'Ezeiza, dans la province de la capitale argentine, Charlotte Delevoie s’est lancée dans une aventure de six mois dont elle ne connaît pas encore l’issue. Sa première rencontre, avec un chauffeur de taxi, donne le ton : ici, on échange comme si on se connaissait depuis toujours. Dans la voiture noire et jaune, le paysage urbain défile sous les yeux de l’étudiante. « Je me suis retrouvée catapultée dans un autre monde, une ville qui ne dort jamais et où tout le monde échange si naturellement. Les premiers jours m’annonçaient que je ne voudrais pas en perdre une seconde », introduit-elle. En échange à l’ITBA, l’Institut Technologique de Buenos Aires, la jeune mécanicienne partage son temps universitaire entre ses cours et un projet de recherche d’ingénierie. « Je suis chargée de remettre en forme la partie hydraulique d’un banc d’essai d’une pompe centrifuge qui est habituellement utilisée par les étudiants de l’école pour réaliser des tests. En rencontrant des ingénieurs qui m’aident à accomplir cette tâche, je m’aperçois que les choses ne sont pas si différentes qu’à l’INSA, comme si la science était le dénominateur commun. » 

Rapidement, Charlotte se fait à la vie portègne. Si bien, qu’elle souhaite se créer de nouveaux repères. Ancienne du Lou Rugby et des Chapsettes, l’ailière cherche à Charlotte Delevoie rugbyintégrer une équipe et se confronte à une différence culturelle de taille, la première d’une longue série : ici, le rugby féminin est à la marge. Cependant, une exception demeure au « Centro Naval », le club qu’elle intègre. « Quand je dis que je joue au rugby, on me regarde souvent avec des yeux ronds. En Argentine, ce sport n’est pas très féminisé. En trouvant ce club qui a une très forte volonté d’ouvrir ce sport aux filles, ça m’a donné envie de m’y investir pour les six prochains mois. » Si investie, qu’au sein de son équipe avec laquelle elle a remporté le tournoi régional de rugby à sept (URBA), Charlotte a même été officieusement élue meilleure joueuse de son équipe. « On a vécu des moments de sport très forts avec mes coéquipières que je n’aurais jamais cru pouvoir vivre. C’est une expérience qui me permet aussi de comprendre le fonctionnement de la société argentine ; le rugby étant tout de même un sport pratiqué par une classe sociale plutôt aisée dans le pays ». 

Découvrir le meilleur comme le pire du pays des gauchos2, c’est ce que Charlotte imaginait pour son échange international. « J’ai conscience que je suis installée dans un quartier aisé, où je mène finalement un petit train-train confortable. Un jour, une association de l’université proposait d’aller aider à construire un abri de quelques mètres carrés pour des familles vivant dans des bidonvilles à Pilar, dans la province de Buenos Aires. J’y allais pour l’expérience et pour apporter mes compétences techniques, mais c’était surtout pour toucher du doigt les inégalités de mon pays d’accueil, que je n’aurais jamais vu depuis ma petite routine bien tranquille. »

Vivant dans une colocation d’une quinzaine de personnes venues de toute l’Amérique latine, Charlotte Delevoie vit au tempo latino, en résonance avec des jeunes dont les préoccupations sont parfois bien différentes des siennes. « Ici, beaucoup de jeunes de mon âge rêvent de quitter leur pays car l’économie y est très instable. La question climatique, qui tient une place importante dans ma vie personnelle, est très lointaine pour eux. J’ai encore rencontré peu de gens touchés par la transition environnementale et je m’aperçois à quel point les habitudes culturelles peuvent être un frein à la prise de conscience écologique. Par exemple, la consommation de viande est quelque chose de très ancré en Argentine : pour la plupart des gens avec qui j’en ai discuté, il est absolument inimaginable de toucher à cet aspect culinaire. C’est parfois assez frustrant. »

Bientôt diplômée de l’INSA Lyon, la jeune fille ambitionne de travailler dans le secteur des énergies renouvelables. En contact avec des chercheurs de l’Université du Costa Rica, elle pourrait continuer l’aventure en terre latine avant de rentrer de son voyage en voilier. « J’ai récemment rencontré un père de famille, dont les enfants avaient fait la traversée de l’Atlantique avec une association. C’est une alternative qui commence à se développer sérieusement et c’est une option que j’envisage pour réduire l’impact de mon échange universitaire. Ça serait aussi une façon de découvrir mes propres limites, de rencontrer d’autres personnes et de grandir, toujours en expérimentant. »


 
[1] « Rugby, sciences et bonnes ondes »
[2] Les « gauchos » désignent les gardiens des grands troupeaux bovins d'Amérique du Sud, particulièrement dans les pampas.