Research

27 Nov
27/Nov/2025

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Gestion durable des eaux urbaines : le dispositif DSM-Flux décroche son certificat de normalisation

Après dix années de recherche, le dispositif DSM-Flux, développé au sein du laboratoire DEEP1 de l’INSA Lyon, vient d’obtenir son certificat d’essais de normalisation. Une reconnaissance officielle délivrée par une société indépendante, qui valide la fiabilité de cette technologie destinée à mesurer avec précision les volumes et la qualité des eaux rejetées dans les milieux naturels. Une avancée majeure pour les collectivités confrontées aux épisodes pluvieux extrêmes et aux nouvelles exigences réglementaires.

Ce certificat marque l’aboutissement d’un projet né au milieu des années 2000, lorsque la Métropole de Lyon – gestionnaire de près de 400 déversoirs d’orage – sollicite Gislain Lipeme Kouyi et son équipe pour caractériser des ouvrages dont le fonctionnement reste encore mal connu. Les stratégies d’instrumentation existantes ne permettaient ni d’obtenir une mesure fiable des débits, ni de qualifier correctement les polluants. Les travaux menés à la suite de cette sollicitation ont été réalisés dans le cadre de l’Observatoire de terrain en hydrologie urbaine (OTHU).

C’est de cette difficulté de terrain qu’est née l’idée d’un « canal universel » : en 2010, lors d’un déplacement en train, le chercheur en esquisse le concept qui donnera naissance au DSM-Flux. Deux brevets suivront, en 2013 (France) et en 2014 (Europe).

« Obtenir un certificat d’essais de normalisation, c’est voir notre travail reconnu par un organisme indépendant et accrédité Cofrac (comité français d’accréditation). C’est une étape essentielle pour que le DSM-Flux passe de l’innovation de laboratoire à l’outil opérationnel », se réjouit Gislain Lipeme Kouyi, professeur des universités à l’INSA Lyon, co-directeur du laboratoire DEEP et spécialiste de la gestion intégrée des eaux urbaines.

 

 

Une solution double

Concrètement, le DSM-Flux (Dispositif intégré de Surveillance et de Maîtrise des Flux) est un canal de mesure innovant dédié au suivi de la quantité et de la qualité des rejets des déversoirs d’orage, à la caractérisation des flux d’eau et de polluants au niveau des points de rejet des réseaux d’eaux urbaines et en amont ou en aval  des stations d’épuration. Sa géométrie particulière stabilise l’écoulement et crée un profil hydraulique contrôlé qui protège la zone de mesure. Le dispositif produit également un écoulement naturellement aéré, ce qui favorise l’oxygénation de l’eau avant rejet dans le milieu naturel.

Le DSM-Flux est une solution double : il quantifie à la fois les volumes déversés et surveille la qualité des eaux rejetées. Il mesure la turbidité, la température, la conductivité, le pH, et intercepte une fraction des particules et sédiments, représentant des échantillons solides utiles pour analyser les polluants associés (métaux, microplastiques, PFAS…). Cette double mesure (quantité et qualité) fait de lui un outil unique pour comprendre, prédire et maîtriser l’impact réel des rejets urbains.

Grâce à sa conception compacte et au fait qu’il soit connecté, il peut être installé sur des sites difficiles d’accès et transmet ses données en temps réel via l’application dédiée Control’Eau.

Une mise à l’épreuve indépendante

« Avec le DSM-Flux, nous apportons une réponse concrète aux enjeux environnementaux liés aux épisodes pluvieux extrêmes et à la qualité des milieux aquatiques, explique le chercheur. Cette certification atteste que le DSM-Flux répond aux niveaux d’exigence attendus par les collectivités et les réglementations européennes. C’est un vrai pas en avant pour la surveillance des rejets urbains. »

Pour obtenir cette certification, le DSM-Flux a été soumis à une campagne d’essais rigoureuse sur les bancs hydrauliques de la Société du Canal de Provence (SPC) accréditée Cofrac, reconnue pour la normalisation des dispositifs de mesure. Le canal a été testé sur une large gamme de débits, dans des configurations complexes simulant les conditions réelles rencontrées au niveau des déversoirs d’orage. 

À chaque étape, les mesures réalisées par le DSM-Flux ont été comparées à des références métrologiques de haute précision afin d’évaluer son exactitude et sa fiabilité. Résultat : un écart médian d’à peine 3%, très largement inférieur au seuil de 10% souvent pris comme référence dans les prescriptions auxquelles plusieurs collectivités sont soumises.

Une demande portée par la réglementation

Si le DSM-Flux arrive à point nommé, c’est parce que la pression réglementaire n’a jamais été aussi forte. Avec l’évolution des directives européennes, les collectivités doivent désormais mesurer finement leurs rejets pour prouver leur conformité. « Les enjeux sont considérables, et les outils disponibles aujourd’hui pour y répondre restent limités », souligne Gislain Lipeme Kouyi. Et avec la nouvelle directive DERU 2, le seuil maximal acceptable de pollution déversée passera de 5 % à 2 %. « Cette évolution s’accompagne également d’une obligation de suivi des polluants émergents, tels que les microplastiques. Elle impose la mise en place de dispositifs de mesure particulièrement fiables et robustes. »

Le DSM-Flux répond pleinement à ces nouvelles exigences : mesure en continu, transmission à distance des données via l’application Control'Eau, alertes configurables, analyse des sédiments et intégration progressive du suivi des microplastiques. Une thèse vient d’ailleurs d’être engagée sur ce point : « Le DSM sera mobilisé pour étudier l’interaction des microplastiques avec d’autres polluants au cours de leur transport. »

Un outil pour les villes résilientes

« Ce succès est le résultat d’une collaboration de longue durée entre chercheurs, ingénieurs et collectivités. Le DSM-Flux est une innovation construite à partir des besoins du terrain et pour le terrain », insiste Gislain Lipeme Kouyi. Cette dynamique collective s’est concrétisée par l’implantation de trois premiers DSM-Flux en conditions réelles :  un premier déployé dès 2017 par la Métropole de Lyon ; un deuxième intégré à la plateforme Provademse, l’infrastructure d’essais et de démonstration portée par l’INSA Lyon et INSAVALOR, qui permet de conduire des recherches expérimentales en conditions proches du terrain ; et un troisième opéré par un industriel sur son site à Communay.

« C’est un outil en faveur de la protection des milieux naturels, mais aussi de l’évaluation des politiques publiques. Sans mesure fiable, on ne peut pas savoir si les stratégies mises en place portent leurs fruits. » Désormais certifié, le DSM-Flux s’apprête à quitter définitivement le statut de prototype pour rejoindre les réseaux d’assainissement. La diffusion du dispositif est portée par la société Inn’Eauv Management, fondée par Régis Visiedo, ancien responsable au service Métrologie et pilotage des flux de la Métropole de Lyon et co-inventeur du DSM-Flux.

Parce qu’il produit des données fiables et en continu, le DSM-Flux peut alimenter des modèles d’intelligence artificielle capables de définir des tendances d’évolution des déversements et de leur qualité. Une avancée qui s’inscrit pleinement dans les démarches de Smart City et dans la construction de villes plus résilientes face aux épisodes climatiques extrêmes.

Mis à l’honneur lors de l’édition 2025 du salon Pollutec, le DSM-Flux confirme son statut d’innovation de référence dans le domaine de l’assainissement. Une trajectoire rare pour une invention académique, qui combine excellence scientifique, impact environnemental et ancrage territorial. Et qui pourrait bien devenir un standard dans la gestion de l’eau urbaine de demain.

 

[1] DEEP (EA 7429) : laboratoire Déchets Eaux Environnement Pollutions (INSA Lyon)