Research

18 Sep
18/Sep/2023

Research

« À base d’algues, nos emballages jetables sont compostables et comestibles »

Le plastique n’est plus du tout fantastique : omniprésent, on le sait désormais nocif pour l’environnement, la santé humaine et les écosystèmes. Seulement, le plastique est pratique. Ou tout du moins, l’emballage jetable l’est pour bon nombre de situations de la vie courante. Pierre-Yves Paslier, diplômé du département matériaux, a fondé l’entreprise « Notpla ». Avec elle, il met en évidence un fait : dans la nature, l’emballage existe et ne dure jamais plus longtemps que son contenu, comme la peau d’un fruit. L’entreprise de l’ingénieur-produit a trouvé la recette pour fabriquer des emballages jetables et même comestibles à partir d’algues. L’innovation a récemment été récompensée par le Prince William, à travers le Earthshot Prize 2022, dans la catégorie « Construire un monde sans déchets ».

Avec « Notpla », vous introduisez une innovation de taille dans le monde du packaging : remplacer le plastique des emballages jetables par un matériau biosourcé, l’algue. Pourriez-vous résumer ?
Nos produits sont des emballages dits « jetables » dédiés à la consommation instantanée ou hors de chez soi comme les repas à emporter ou les snacks pendant les évènements sportifs. Nous avons souhaité nous concentrer sur l’industrie du déchet jetable car c’est souvent celui qui est le plus à même de se retrouver directement dans la nature. À la différence du packaging plastique ou carton généralement utilisés dans ces cas-là, nos solutions sont naturellement biodégradables puisqu’elles sont fabriquées à base d’algues. L’idée était de ne pas produire un déchet que la nature ne pourrait pas gérer. Concrètement, il suffit de mettre l’emballage au compost ou même, de le manger pour que celui-ci disparaisse ! 

 

Différents types d’emballages jetables à base d’algues proposé par Notpla. ©Notpla

 

Pour arriver à cette solution, vous avez exploré l’industrie des algues, à force d’essais et de recherche. À partir de quelles algues travaillez-vous ?
La plupart de celles utilisées dans nos produits sont des algues brunes et rouges. Selon les usages, nous avons appris à utiliser des espèces différentes, mais c’est un monde très vaste. En Europe, l’industrie des algues n’en est qu’à ses balbutiements contrairement à l’Asie du Sud-Est par exemple, où elle est très développée. En réalité, beaucoup de produits du quotidien élaborés à l’échelle industrielle en contiennent déjà : dans les glaces, des produits pharmaceutiques, en cuisine… Nous avons adapté certaines de leurs propriétés pour en faire du packaging et remplacer le plastique. Du géant de vente d’articles sportifs aux entreprises de livraison de repas à domicile, beaucoup d’entreprises sont intéressées. 

 

La décomposition du déchet à base d’algues est très rapide. © Notpla

 


On dit souvent que le meilleur déchet est celui que l’on ne produit pas. Êtes-vous en accord avec ce principe ?
Bien sûr, la solution la plus simple pour réduire les effets néfastes du plastique est de réduire sa consommation d'emballages, et c’est d’ailleurs le premier réflexe à avoir. Seulement parfois, l’emballage est nécessaire, pour sa fonctionnalité. Le meilleur déchet plastique est celui que l’on ne produit pas car si ce matériau est très performant, il est à haut risque pour les océans, les écosystèmes et même notre santé. Le recyclage du plastique ne fonctionne pas en l’état actuel des choses : dans le monde, seulement 9 % des déchets plastiques sont réellement recyclés. La manière dont on emballe est très déconnectée de la réalité et c’est un fait que j’ai éprouvé les premières années de ma vie professionnelle : j’étais ingénieur-produit dans un grand groupe de produits cosmétiques et d’hygiène. En quelques secondes, de grandes quantités de plastiques sont produites, et mettront des milliers d’années avant de disparaître. 

 

Pierre-Yves Paslier et son associé avaient fait le buzz sur les
réseaux sociaux grâce à leur technique à base d’algues


Zoomons d’ailleurs sur votre parcours professionnel. Comment êtes-vous passé de l’INSA à « Notpla » ?
En sortant de l’INSA Lyon, j’ai été embauché à la suite de mon stage de fin d’études dans un grand groupe. Ayant suivi l’option « design » pendant mes études d’ingénieur, je trouvais intéressant de travailler dans le domaine du packaging : les enjeux de matériaux et d’industrialisation liaient vraiment l’ingénierie et le design. Je travaillais sur les lancements de packaging plastique produits à des centaines de millions d’unités : des produits jetables qu’il était impossible de faire entrer dans des circuits vertueux comme le réemploi par exemple. La situation me pesait. J’ai décidé d’approfondir mes compétences en design avec un master en Innovation Design Engineering dispensé entre l’Imperial College London et the Royal College of Art. À cette occasion, j’ai rencontré mon cofondateur, Rodrigo Garcia Gonzalez avec qui nous nous sommes mis en tête d’explorer des matériaux naturels pour produire un emballage biodégradable. Dans notre cuisine, nous avions tourné une vidéo « tutoriel » qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux grâce à une technique inventé par Unilever à base d’algues. Cela nous a motivés à trouver une solution plus aboutie et à transformer ces expérimentations en un projet solide et scientifique. Les financements et les fonds d’investissements nous ont permis d’embaucher ingénieurs, designers et chimistes. Aujourd’hui, nous avons remplacé plus de trois millions de plastique à usage unique et nous sommes 70 salariés chez Notpla. 

Vous avez suivi une option « design » lors de vos études d’ingénieur. Quels liens faites-vous entre les deux domaines d’expertise ?
Le rôle de l’ingénieur est de résoudre des problèmes et cette capacité peut se traduire de plein de manières différentes. Je crois qu’il est important de pouvoir dialoguer précisément avec les techniciens, mais aussi d’être capable d’expliquer le raisonnement logique derrière la technique. C’est peut-être ici que se rejoignent les deux métiers : le designer s’attarde sur l’usage et le besoin des utilisateurs, il n’est pas nécessairement face à un problème technique, mais prend en compte la problématique sociale à laquelle le produit doit répondre. Avoir les deux casquettes permet finalement d’être à la confluence de la réalité technique et la réalité de la société.

 

L’innovation a été récompensée par le Earthshot Prize 2022,
dans la catégorie « Construire un monde sans déchets».