ADN

06 Oct
06/Oct/2020

Recherche

Des sources chaudes de Yellowstone au test PCR

Trois lettres et plusieurs milliers de tests réalisés par jour en France : « PCR ». Méthode d’amplification de l’ADN largement utilisée par les biologistes, la Polymerase Chain Reaction est seulement connue depuis une trentaine d'années. Plus surprenant encore, c’est grâce à une bactérie récoltée dans le fond des « Hot Springs » de Yellowstone aux États-Unis que la réaction biologique permet de détecter des virus tels que le SARS-CoV-2.
Yvan Rahbé, chercheur en microbiologie au laboratoire MAP1 explique le principe de cette technique qui a révolutionné la biologie et permis de répondre rapidement à la crise pandémique. 

Que se cache-t-il derrière l’acronyme « PCR » et comment a-t-on découvert cette technique ? 
La Polymerase Chain Reaction est une technique qui a fait ses premières apparitions dans les années soixante-dix et qui a révolutionné la pratique de la biologie presque autant que les techniques de séquençage massifs de l’ADN dans les années 2000. C’est un procédé permettant aux chercheurs d’amplifier le nombre de copies de fragments génomiques dans un échantillon. Grâce à une enzyme provenant de la bactérie Thermus aquaticus, la « Taq-polymérase », la PCR multiplie les séquences d’ADN.
Pour la petite histoire, c’est dans les profondeurs des sources chaudes de Yellowstone que cette enzyme a été découverte. Capables de résister à des températures et pressions hors-normes, autour de 100°C, ces micro-organismes se sont avérés beaucoup plus résistants que tous les polymérases alors procurables à ce moment-là. Le brevet du test PCR utilisant la Taq-polymérase a été publié en octobre 1990 par Kary Mullis, prix Nobel de chimie (1993). C’est donc grâce à ces chercheurs curieux et un peu casse-cous, que la PCR permet désormais d’identifier la présence de virus très connus : VIH, Cytomégalovirus chez la femme enceinte, hépatites, etc. Elle peut aussi être très utile en archéologie ou en criminologie et plus généralement, dans tous les domaines nécessitant d’étudier les empreintes génétiques. 

À l’heure actuelle, le « RT-PCR » est le test de référence pour détecter la présence du virus SARS-CoV-2 dans l’organisme d’un individu à partir d’un prélèvement naso-pharyngé. Comment ce test révèle-t-il la présence du virus ?

Pour pouvoir confirmer ou infirmer la présence d’un virus, les analyses en laboratoires s’appuient effectivement sur la PCR. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’à l’échelle moléculaire, l’analyse est presque impossible sans amplification par PCR car les quantités d’ADN sont insuffisantes pour être étudiées dans un petit échantillon de frottis. Pour le SARS-CoV-2, on cherche à détecter le génome qui lui est spécifique à travers trois étapes. La première consiste à dénaturer l’ADN par un processus de chauffe : formé de deux brins, l’ADN se sépare ainsi en simple brin. Puis, on utilise des petits fragments d’ADN synthétique, les amorces, ces fameux « réactifs » dont on a entendu parler dans les médias, et qui viennent se coller sur l’ADN de l’échantillon : c’est la phase de l’hybridation. La troisième et dernière étape est celle de l’élongation : on utilise la Taq-polymérase, une enzyme capable de reconstituer la séquence d’ADN du gène grâce aux amorces : à la fin du cycle, il y a deux fois plus d’ADN du gène recherché qu’au début. On va ensuite répéter ce cycle plusieurs fois pour obtenir plusieurs copies des gènes propres au SARS-CoV-2. On répète le nombre de cycle autant de fois que nécessaire pour pouvoir dire que le test est positif. Si au bout du nombre de répétitions de cycle fixé par « la valeur-seuil », le test ne révèle toujours pas les gènes spécifiques au virus, on peut dire que le test est négatif.

Pourquoi parle-t-on de « faux-négatifs » ou de « faux-positifs » ? Cela signifie-t-il que les tests RT-PCR ne sont pas fiables à 100% ?

L’efficacité d’un test est d’abord influencée par la valeur-seuil dont je parlais plus haut, qui détermine la positivité du test. Mais ce qui détermine sa performance, comme pour toute méthode d’analyse, ce sont sa « sensibilité » et sa « spécificité », c’est-à-dire la proportion de patients malades que le test détecte correctement (les vrais positifs) et la proportion de patients qui n’ont pas la maladie recherchée dont le test est négatif (les vrais négatifs). Les prérequis définissant ces deux facteurs sont fixés par les CNR, les Centres Nationaux de Références. Aujourd’hui, parmi tous les types de tests capables de détecter le virus, deux sont communément réalisés pour détecter la Covid-19 : le fameux « RT-PCR » et le test sérologique. Ils ont été choisis pour leurs sensibilités et leurs significations biologiques, différentes : la PCR teste le virus et le test sérologique questionne la réponse immunitaire. Dans tous les cas, l’échantillon prélevé sur une personne n’est que le reflet de son état à un moment T et la pertinence d’un test virologique dépend évidemment du moment auquel il est réalisé. Il faut bien garder en tête que nous étudions ici de la matière biologique, qui évolue. C’est d’ailleurs ici tout l’art de la microbiologie !

1Microbiologie, Adaptation, Pathogénie (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/INSA Lyon)

Le laboratoire MAP est une unité mixte de recherche associant le CNRS, l'Université Claude Bernard Lyon 1 et l'INSA Lyon autour d’un intérêt commun pour les mécanismes d’adaptation et de pathogénie des microorganismes. Au sein d'un campus fortement dédié à la biologie de l'environnement, le laboratoire développe des approches pluridisciplinaires : biochimie, génétique, biologie moléculaire, imagerie, biophysique ainsi que diverses approches globales -génomique, transcriptomique, protéomique, métabolomique, et modélisation mathématique, pour comprendre les mécanismes d’adaptation phénotypique chez tous ces microorganismes.

 

Pour aller plus loin sur le sujet : 
Podcasts « Les cœurs audacieux » - Saison 2 / Épisode 3 - 9 février 2022
 

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03 Oct
From 03/10/2020
to 30/10/2020

Sciences & Société

Exposition "Explorer le vivant : de la molécule aux écosystèmes"

Exposition proposée dans le cadre de la Fête de la Science.

Cette exposition retrace l’évolution de l’analyse des objets de la biologie depuis 60 ans (début de l’enseignement de la biologie à l’INSA de Lyon). Comment les développements des biotechnologies (notamment du séquençage de l’ADN) ont bouleversé notre façon d’aborder le vivant et comment la biologie moderne à très haut débit cherche à représenter les individus (voire les écosystèmes) en partant de l’échelle moléculaire jusqu’à celle de la biosphère. 

Cette exposition a été conçue par Philippe Lejeune, Clémentine Ragonot, Emilie Poirson, Gaëlle Mauduit, Charlotte Noireaux et Marie-Paule Voita.

Entrée libre.

 

07 Oct
07/10/2020 19:00

Sciences & Société

Conférence "Identification des criminels par leurs empreintes génétiques"

Conférence proposée dans le cadre de la Fête de la Science animée par Philippe Lejeune, enseignant-chercheur au département Biosciences.

Depuis le début des années 1980, des techniques aussi "simples" que celles utilisées aujourd'hui pour détecter le Covid-19 permettent d'analyser la moindre trace d'ADN présente sur un cheveu ou dans une gouttelette de sueur, de sang ou de sperme laissée sur une scène de crime. Pour le commun des mortels, il est quasiment impossible de traverser une pièce sans y laisser une quantité d'ADN suffisante à un spécialiste pour relever ses empreintes génétiques, aussi spécifiques que ses empreintes digitales. La conférence présentera l'utilisation ainsi que les bases génétiques et techniques de ce type d'analyses.

Entrée libre sur inscription auprès de MP Voita - les non-inscrits seront toujours bienvenus tant que la jauge COVID19 de l'amphi ne sera pas atteinte.

 

20 Sep
20/Sep/2017

Recherche

Publiés dans Nature, ses travaux remettent en cause les recherches d’une autre équipe

Après deux ans de procédure, l’article de Rita Rebollo (laboratoire BF2i*) et de ses collègues est enfin paru dans la revue Nature. Une satisfaction pour cette chercheuse en épigénétique.

Qu’est-ce que l’épigénétique ?
L’épigénétique désigne les mécanismes de régulation de l’expression de gènes sans changement de séquence d’ADN. Toutes les cellules de notre organisme ont le même génome et c’est le programme d’expression des gènes qui permet à chaque cellule de se spécialiser. En effet, le même gène à un moment précis, peut être exprimé dans une cellule et éteint dans une autre. Tout cela sans que l’ADN ne change de séquence. Les mécanismes épigénétiques permettent aussi de contrôler des séquences virales intégrées qui existent au sein de notre génome. En effet, il faut savoir que la moitié du génome humain est composée d’éléments transposables (ET), qu’on a longtemps appelé « ADN poubelle »  parce qu’on ne savait pas quelle était leur fonction. Les ET sont des séquences répétées capables de se multiplier au sein d’un génome et de causer des mutations ainsi que des changements dans l’expression des gènes. Le séquençage des génomes a montré que ces ET pouvaient impacter fortement les génomes et donc participer au programme d’expression des gènes.

Sur quoi portent vos travaux qui ont fait l’objet de cette publication dans Nature ?
En 2015, une équipe de chercheurs a décidé d’étudier un variant d’histone. Les histones sont les principaux constituants protéiques des chromosomes. Elles sont étroitement associées à l'ADN dont elles permettent la compaction : l'ADN est en effet enroulé autour des histones comme du fil autour d'une bobine. L’équipe concernée a affirmé par ses travaux sur des cellules de souris que ce variant d’histone pouvait réguler l’expression de certains ET. Quand ce variant est muté, c’est-à-dire, n’est plus fonctionnel  dans le génome de la souris, certains ET « bougent », c’est à dire transposent au sein d’une cellule. C’est un résultat important car la dérégulation des ET peut entrainer des mutations délétères.

A l’époque, je travaillais à Vancouver sur des souches de souris un peu bizarres, peu étudiées dans les laboratoires et j’essayais de démontrer que les ET « bougeaient » uniquement dans ces souches de souris et pas dans les autres. Quand Dixie Mager (la chef d’équipe de mon laboratoire de post doctorat à Vancouver) et moi avons vu ces résultats, et l’emplacement dans le génome où les nouvelles copies s’étaient insérées, nous avons compris que les chercheurs avaient fait une erreur.

En effet, les « nouvelles copies » observées par les chercheurs étaient en fait présentes dans les souches que j’étudiais. Leurs résultats s’expliquent par les procédures utilisées dans les laboratoires pour obtenir et maintenir les lignées cellulaires. Les chercheurs ont utilisé des cellules hybrides, c’est-à-dire issues d’un croisement entre deux souches de souris. Ces cellules hybrides contenaient des ET provenant des deux souches de souris, pas seulement de la souche canonique comme spéculé par les chercheurs. Ainsi, les nouvelles copies n’étaient pas une conséquence du manque de régulation des ET par le variant d’histone. Les données suggérées par l’équipe de recherche étaient donc incorrectes. J’ai ensuite participé à l’écriture d’un article pour rectifier ces données, que la revue scientifique Nature vient du publier.

Que signifie la parution de cet article dans Nature ?
Au-delà de l’aspect purement scientifique, je pense qu’il est important en recherche de souligner l’importance d’étudier des systèmes non-modèles, de travailler à partir de différentes souches, et de sortir de sa zone de confort. Nous avons tendance à affirmer que des schémas se développent d’une même façon à partir d’un modèle mais même au sein d’une espèce, les mécanismes peuvent être différents. Deux ans de procédure ont abouti à la parution d’un « Brief communications arising » dans le numéro du 3 août 2017, permettant d’ouvrir le dialogue sur le fait que nos recherches viennent rectifier les données avancées par une autre équipe de recherche en 2015. Néanmoins, l’article originel est toujours présent dans le magazine Nature par une décision des éditeurs de laisser libre arbitre aux lecteurs.

 

* Rita Rebollo, chercheur INRA (département Santé des Plantes Environnement), travaille depuis le mois de janvier au laboratoire BF2i (UMR INRA/INSA de Lyon Biologie Fonctionnelle, Insectes et Interactions) à l’INSA Lyon. Elle a effectué sa thèse dans le laboratoire de Biométrie et de Biologie Evolutive (LBBE, UMR CNR 5558 de l’Université Lyon 1), poursuivie par un post-doctorat au Canada, à Vancouver, au Terryfox Lab dans le British Colombia Cancer Research Center.
Après avoir travaillé une année au LBBE sous un contrat H2020 Marie Skłodowska-Curie, elle a rejoint le laboratoire BF2i dirigé par Pr Abdelaziz Heddi.
Rita a bénéficié depuis d’un soutien PALSE et vient de réussir un projet ANR jeunes chercheuses/jeunes chercheurs nommé UNLEASH.

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