Life on campus

06 May
06/May/2020

Life on campus

Chroniques culturelles INSA : Révolution sociale : Des animaux, des virus et des hommes

N’est-il pas légitime, aujourd’hui plus que jamais, de se questionner sur la nature des rapports entre un humain, un pangolin, une chauve-souris, un chien et un porc « élevé » en batterie ?

Alors que les scientifiques s’interrogent sur l’origine de l’épidémie de covid-19, l’humanité confinée exprime ses craintes quant à la transmissibilité du virus entre humains et animaux (Zoonose1), et apprécie en même temps, plus que jamais en ces temps de distanciation physique, la proximité réconfortante des animaux domestiques.

Ancienne éleveuse, sociologue engagée dans la défense de l’élevage paysan contre les violences engendrées par les « productions animales », Jocelyne Porcher connaît bien ces paradoxes. Aujourd’hui directrice de recherches à l’INRAE2, elle étudie les relations affectives entre humains et animaux, plus particulièrement dans le domaine de l’élevage.

Nous avons eu la chance de l’accueillir dans la programmation du service culturel de l’INSA Lyon le 14 novembre dernier, dans le cadre du festival (Re)faire société, Mode d’emploi organisé par la Villa Gillet et à l’occasion de la journée INSA Campus durable.

« Encore carnivores demain3 ? », c’est la question que nous lui avons posée lors d’une conférence-débat préparée avec des étudiants, dont certains de la section théâtre-études avaient joué Pig Boy 1986-23854 au printemps 2019.


Aujourd’hui, elle nous fait l’honneur de partager avec nous son analyse des liens entre pandémies et productions animales mondialisées, et nous propose un texte inédit écrit pour cette publication.
Alors que nous sommes séparés de notre « environnement », il est urgent de repenser notre rapport aux autres espèces vivantes, et de considérer la biodiversité non pas comme une menace, mais comme une nécessité.

Industrie porcine et covid 19. Rien à voir ?

Jocelyne Porcher

La crise sanitaire mondiale que nous traversons actuellement fait des milliers de morts, dont une grande part sans aucun doute aurait pu être évitée par des politiques de santé humaines plutôt que gestionnaires. Elle atteint notre humanité, mais elle touche également de manière insidieuse une part de notre intégrité : nos relations aux animaux. Alors que nombre de nos concitoyens se réjouissent de la présence de leurs compagnons animaux dans le contexte actuel de rupture des contacts entre humains, d’autres, avec plus d’opportunité que de décence, insistent sur le fait que la cause première de cette pandémie est à rechercher dans notre proximité avec les animaux5. L’élevage et la domestication même seraient à l’origine de la crise sanitaire, mais également, en amont, de la crise environnementale. Haro sur le baudet, sur le pangolin, sur la chauve-souris et plus récemment sur le chien. Car, si pour les uns, le criminel est l’animal sauvage, pour les autres, c’est l’animal domestique, et au-delà, l’animal humain, générique, celui dont Gaia aspirerait à se débarrasser enfin.

 

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1 Zoonose : maladie infectieuse transmissible des animaux à l'homme et inversement.
2 Depuis le 1er janvier 2020, l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) a fusionné avec l’IRSTEA (Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture) pour former l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement).
3 D’après le titre d’un ouvrage d’Olivier Néron de Surgy, auquel a participé Jocelyne Porcher : Encore carnivores demain ? Quand manger de la viande pose question au quotidien, Quae, 2017.
4 Pièce de Gwendoline Soublin, mise en scène de Philippe Mangenot, jouée à l’INSA Lyon du 29 avril au 2 mai 2019. La première partie de cette pièce singulière raconte l’histoire d’un jeune éleveur de porcs français confronté à la crise agricole des années 2010.
5 Au prétexte de la crise sanitaire actuelle, cette tribune vise à faire la promotion d’une agriculture sans élevage, c’est-à-dire d’une rupture de nos liens de domestication avec les animaux de ferme et plus largement avec tous les animaux domestiques.