Investigación

19 Feb
19/Feb/2019

Investigación

La tribologie au service du corps humain

Je m’éveille, puis cligne des yeux en enfilant mes pantoufles. Dans la cuisine, j’actionne le bouton de la cafetière et prépare mon petit-déjeuner : le beurre glisse entre le couteau et le pain, déposant une fine pellicule grasse sur la surface rugueuse de la tranche.
Une scène dont nous sommes protagonistes chaque matin. Et ce que nous ignorons peut-être, c’est que ces gestes quotidiens sont associés à des problématiques de frottement qui ont taraudé les scientifiques pendant plus de 500 ans. Si aujourd’hui les chercheurs tribologues ont trouvé des réponses à quelques-unes des interrogations de Léonard de Vinci, la discipline a encore beaucoup à offrir : industrie, transports, cosmétique, archéologie, santé… Les domaines d’application sont multiples, pourvu qu’il y ait du mouvement. Benyebka Bou-Said est chercheur au LaMCos (Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures) de l’INSA Lyon et spécialiste de la biomécanique.

Petite introduction à la bio-tribologie, la mécanique au service de la santé.

 

La science du frottement qui fait tourner le monde

À la croisée du génie mécanique et de la science des matériaux, la tribologie concerne l’études des surfaces en contact et en mouvement : frottement, lubrification et usure. Trois mots magiques qui font le quotidien des chercheurs du LaMCos de l’INSA Lyon et étudiants du département Génie Mécanique.
« La mécanique n’est pas que dans les moteurs de voitures ! De l’adhérence de la chaussure au sol, au contact peau-tissu, en passant par l’articulation osseuse, tout est tribologie. Elle a d’ailleurs un rôle très important en matière d’avancées médicales », explique Benyebka Bou-Said, chercheur en bio-tribologie à l’INSA Lyon.

Observer la mécanique du corps pour mieux l’imiter

Imaginons que je souffre d’une arthrose de la hanche m’empêchant de me déplacer dans mes activités quotidiennes. Après plusieurs années de traitement antalgique et de rééducation, les rhumatismes persistent : mon médecin me propose la mise en place d’une prothèse de hanche. « Grâce à des collaborations avec les hôpitaux et professionnels de la santé, nous sommes aujourd’hui capables de proposer des prothèses adaptables à la morphologie du patientAu moyen d’outils de simulation virtuelle1, nous sommes capables de vérifier l’intégrité du mécanisme soumis aux cycles usuels quotidien de chaque individu, comme se lever, marcher ou monter les escaliers, en tenant compte des frottements et interactions. La prothèse est réellement faite pour vous », précise Benyebka Bou-Said. 
Pour mesurer toute l’importance du rôle de la tribologie dans ce système chirurgical, il faut comprendre la reproduction du mécanisme naturel : l’extrémité supérieure du fémur est sectionnée puis remplacée par une « tête fémorale artificielle » fixée dans l’os à l’aide d’un pivot. Dans l’os iliaque, une cavité est fraisée afin d’accueillir « la cupule », qui sera en articulation avec la tête fémorale artificielle. Puis le liquide synovial, ce que la tribologie appelle « le troisième corps », reprend sa mission de lubrification naturelle autour du système mécanique comme auparavant.

Ces matériaux qui réparent le corps

« Cela fait plusieurs années que la prothèse de hanche est utilisée en France, mais le mécanisme de l’insert représente le point d’amélioration majeur, notamment à cause des débris que l’usure peut provoquer, qui peuvent être transportés jusqu’au sang », ajoute le chercheur de l’INSA Lyon. La dégradation d’un matériel chirurgical dans le corps humain, au-delà de la durée de vie écourtée de la prothèse, pose plusieurs problématiques : « avec les fabricants de prothèses, nous étudions le revêtement pour trouver le plus adapté et le plus sain au corps humain. Grâce à un matériau inoffensif pour le corps et dont les nanoparticules seraient détectables par prise de sang, nous tirerions partie de l’usure de la prothèse tout en mesurant son état de dégradation presque en temps réel », ajoute Benyebka Bou-Said.

Vers l’homme bionique ?

Les individus dotés de prothèses médicales sont de plus en plus nombreux et la recherche est en constante évolution. L’équipe de Benyebka Bou-Said travaille sur des prothèses intelligentes pour assurer un retour au mouvement en toute sécurité et une meilleure acceptation de la prothèse par le corps humain. Les prothèses médicales équipées de capteurs permettraient une meilleure prévention des articulations défectueuses nécessitant un remplacement et permettraient l’exploration d’autres pistes de rééducation.

 

Le rendez-vous incontournable des chercheurs sur la tribologie, prochainement à Lyon

Du 2 au 4 septembre 2019, le congrès annuel international « Leeds-Lyon Symposium On Tribology » rassemblera la communauté scientifique à Lyon pour sa 46e édition autour de la thématique « Tribologie in daily life ».

Plus d’informations : https://leeds-lyon2019.sciencesconf.org/

 

 

[1] IRM 4D notamment