Espacio de las empresas

19 Mayo
19/Mayo/2022

Espacio de las empresas

« Avec du travail, de la passion et beaucoup de culot, on peut faire tomber des barrières »

Il aime cette image qui lui colle à la peau : un « outsider » vivant avec un irrépressible besoin de sortir de l’ordinaire. Baptiste Garcin est ingénieur INSA diplômé du département génie électrique en 2018, au profil atypique : après quelques années en tant qu’ingénieur conseil en logiciels embarqués dans l’automobile, il prend une décision radicale. Il achète un billet de train aller pour la capitale avec une seule idée en tête : rencontrer des entrepreneurs et développer sa propre entreprise. Aujourd’hui, c’est depuis son petit atelier lyonnais de « watch modding », littéralement « modification de montres » qu’il s’apprête à lancer un modèle de montre customisé dont le bracelet est pour le moins étonnant : du cuir de saumon, tanné à partir des déchets des restaurants de sushis lyonnais. Entretien avec un diplômé qui plus jeune adorait « amuser la galerie », et qui veut continuer chez les grands, mais avec le plus grand des sérieux. Puisqu’après tout, pourquoi pas.

Comment lance-t-on une entreprise de « watch modding » ? D’ailleurs, en quoi consiste cette activité ? 
Après mon cursus en génie électrique, j’ai travaillé dans un grand groupe de conseil d’ingénierie sur les systèmes embarqués automobiles. Je connaissais bien le domaine avec mes trois années d’apprentissage et je manageais une équipe de plusieurs personnes. À côté, j’avais créé une entreprise de vente de chapeaux avec un ami de l’INSA, Thami Trachen. Et puis le Covid est arrivé, me laissant sans équipe et sans matière première pour notre petite activité parallèle. En télétravail, tout seul chez moi, je me sentais comme une coquille vide, alors dès que j’ai pu, j’ai pris le taureau par les cornes et je suis allé à Paris rencontrer des entrepreneurs et élargir mes horizons. Je suis rentré avec une idée de boîte à monter mais après l’avoir poussée plusieurs mois, elle n’a pas abouti. C’est pendant les vacances d’été que les choses ont commencé, en voyant une montre dans une vitrine d’une maison d’horlogerie bien connue ; en cherchant le modèle sur internet, j’ai découvert un tout autre monde : le modding. C’est une technique complètement amateur qui consiste à customiser une montre, en désassemblant et en réassemblant certaines pièces pour en modifier l’esthétique. J’ai commencé à en bricoler quelques-unes et j’ai créé Tentimes.

Vous entrez dans un univers très codifié, celui des montres. Cette activité est-elle bien perçue par les maisons d’horlogerie ? 
Il y a deux positionnements de la part de ces entreprises. D’un côté, il y a les modèles dont on s’inspire et de l’autre, les modèles que l’on utilise. Je suis en lien avec Seiko et Casio dont j’utilise des éléments pour produire mes montres. Certains vendeurs proposent des mouvements en marque blanche, ce qui est un signal très fort pour les moddeurs qui dit « faites-vous plaisir ». Il y a bien sûr des questions de propriété intellectuelle, sur lesquelles je suis accompagné par des avocats. J’ai conscience de ne pas être horloger et je ne m’en revendique pas. L’activité de modding est une modification purement esthétique. 

Des chapeaux, des lunettes de soleil, des montres… Vous liez une relation fusionnelle avec l’accessoire de mode, non ?
Effectivement, j’ai toujours été attiré par ces objets. L’accessoire, dans l’essence du mot, c’est accessoire. Il n’est pas essentiel. Mais, il me semble que ces objets prennent une autre dimension quand ils ont quelque chose de personnel au-delà de la fonction esthétique. Pour moi, il doit être spécial et vouloir signifier quelque chose à la personne qui le porte.

C’est pour cette raison que vous allez lancer un bracelet de montre en cuir de saumon ? Quelle est l’idée de ce bracelet ? 
L’accessoire doit être issu d’une démarche responsable. Ici, on part d’un déchet et on en fait quelque chose de noble ; cela a déjà plus de sens qu’une simple fonction esthétique. Le cuir est tanné par l’entreprise Ictyos, basée à Saint-Fons, spécialiste des cuirs marins. Lorsque j’ai découvert leur démarche, j’ai trouvé ça génial. C’était un cuir que l’on n’avait encore jamais vu ! En tous cas, pas sur une montre. Imaginez un bracelet de déchets de sushis associé à l’allure noble d’un mouvement de montre : ça bouscule un peu les codes établis, surtout dans le monde fastueux de l’horlogerie.


Échantillon de cuir de saumon et bracelet de montre (BaptisteGarcin/Tentimes).

 

Vous semblez aimer ça, sortir du cadre, casser les codes. C’est une façon de dire que la société ne vous convient pas ?
Je crois qu’il faut sans cesse challenger le statu quo. Ça fait surtout partie de mon caractère. Plus jeune, j’adorais faire rire la classe, j’ai l’impression que j’ai envie de continuer, mais dans le monde des grands, comme une façon de dédramatiser la réalité, à travers une activité sérieuse. Je crois que le culot, c’est important dans l’entreprenariat, surtout quand on avance guidé par la passion et l’envie de créer. Avant de me lancer, des montres, j’en ai cassées certaines, mais je n’ai jamais abandonné parce que je suis persuadé qu’avec du travail, de la passion et beaucoup de culot, on peut faire tomber des barrières.