Investigación

15 Feb
15/Feb/2023

Investigación

Valvuloplastie mitrale : la chirurgie qui passe la bague au coeur 

Le cœur a ses raideurs … Que les chercheurs n’ignorent pas. Avec ses fluides, ses tensions, ses pressions, l’organe de la vie est un système mécanique dont il faut étudier l’intégrité, surtout lorsque l’on y place un corps étranger. Située dans la partie gauche du cœur, la valve mitrale participe au bon fonctionnement de celui-ci, se contractant pour faire passer le sang du ventricule gauche à l’oreillette gauche. Mais parfois, le mouvement s’affaiblit. Pour soulager une valve fatiguée, déficiente dans son rôle mécanique, les chirurgiens peuvent opter pour l’annuloplastie, une intervention consistant à fixer un anneau en polymère sur l’anneau biologique.

Benyebka Bou-Said, enseignant-chercheur au LaMCoS1, se consacre à un projet de réparation de cette pièce du cœur qui fait souvent défaut à travers le projet « RHU Iceland ». Autour d’un consortium d’envergure nationale, ce projet s’apprête à réunir des chercheurs d’entités universitaires, des équipes hospitalières et des experts industriels pour développer une nouvelle solution d’annuloplastie de la valve mitrale. La solution se veut ambitieuse car elle proposera un implant personnalisé et tout-en-un inséré par la veine fémorale, c’est-à-dire depuis la cuisse du patient. Explications avec l’enseignant-chercheur du LaMCoS.

C’est un petit entonnoir d’à peine plus de trois centimètres qui impose un sens unique à la circulation sanguine. La valve mitrale peut régulièrement se trouver endommagée avec le temps et conduire à une dégradation progressive de la fonction cardiaque. Comme un clapet anti-retour, ses mouvements sont soumis au rythme du cœur. Ainsi, ses feuillets s’ouvrent lorsque celui-ci se relâche et se rejoignent quand il se contracte. Cependant, certaines pathologies ou des prédispositions génétiques peuvent affecter son bon fonctionnement. On parle alors « d’insuffisance mitrale » ou de « régurgitation ». Depuis plusieurs années, des formes de chirurgies reconstructrices permettent de réparer l’élément défaillant. Parmi elles, la « valvuloplastie mitrale » qui consiste à fixer un anneau sur la tête de la valve pour assurer son intégrité. 

Coeur mitrale
La valve mitrale vit au rythme des mouvements diastoliques (relâchement) et systoliques (contractions) alternatifs de l’organe.

 

Toucher en plein cœur, depuis la cuisse
benyebka_bou_said« Aujourd’hui, l’annuloplastie constitue une réfection chirurgicale dont le taux de succès n’est pas optimum et la formation des chirurgiens sur ce type d’intervention est très fastidieuse. Le projet RHU Iceland réunit des universitaires, des équipes hospitalières et un partenaire industriel pour proposer des avancées conséquentes sur la valvuloplastie mitrale », explique Benyebka Bou-Said, enseignant-chercheur à l’INSA Lyon. Et pour proposer des avancées conséquentes, il faut être ambitieux. « Iceland a la prétention de permettre de délivrer l’anneau prothétique à la valve mitrale depuis la cuisse du patient. Dans un même cathéter, l’anneau, les outils de fixations et la sonde d’observation devront monter par la veine fémorale, qui rejoint le côté droit du cœur. Une fois arrivé dans la zone d’intérêt, le tube traversera la paroi de l’atrium droit à l’atrium gauche pour entamer la réparation de la valve », ajoute le chercheur du LAMCoS.

Passer l’anneau à la valve mitrale
Avant que les ancres guidées par le chirurgien ne fixent l’anneau mitral de substitution, il faudra à l’équipe du projet RHU Iceland, développer un implant sûr et robuste. C’est une des missions des chercheurs et doctorantes du LaMCoS impliqués dans le projet. « Pour développer un anneau adaptable à la morphologie de chaque patient, il faudra étudier la rhéologie des matériaux et des tissus biologiques, la durée de vie de la sangle et des agrafes, envisager peut-être une nouvelle forme de l’anneau… Les enjeux scientifiques et techniques pour traiter efficacement l’insuffisance mitrale sur le long terme sont nombreux. C’est un projet transdisciplinaire ambitieux qui occupera dans un second temps, au sein de l’INSA, des collègues du laboratoire MatéIS
2 »

Un projet de la médecine 4P : un anneau personnalisé
Puisque chaque cas de chirurgie est différent, l’anneau du projet RHU Iceland se veut être une prothèse personnalisée et adaptable à chaque problématique mitrale. Pour proposer une solution de précision, le projet de recherche hospitalo-universitaire s’appuiera sur l’imagerie médicale pour caractériser les propriétés mécaniques des tissus de chacun des patients. « Avant l’intervention, les équipes médicales étudieront la rigidité, la souplesse et les potentielles réponses des tissus biologiques du patient à partir d’IRM de flux. Cela permettra de pronostiquer les réponses du corps face à une annuloplastie et améliorer ainsi le diagnostic sur la nécessité d’une telle opération », ajoute Benyebka.

Un joystick pour faciliter l’apprentissage chirurgical
Au-delà des difficultés proprement techniques et chirurgicales qu’impose une intervention de cet ordre, l’annuloplastie mitrale soulève un enjeu de formation au geste endovasculaire. Pour faciliter l’apprentissage des chirurgiens novices et résoudre les problèmes éthiques que suscitent les méthodologies actuelles, les chercheurs du LaMCoS et du laboratoire AMPERE se pencheront également sur un simulateur numérique de précision. « L’apprentissage sur joystick existe déjà pour plusieurs types d’opération, mais n’est pas encore appliqué à celle de la valve mitrale. Le simulateur haptique permet de préparer les gestes chirurgicaux de manière précise, grâce à des images statiques et dynamiques. Grâce à la mécanique-robotique, chaque mouvement du joystick devra faire ressentir la réalité biologique au chirurgien apprenant. La manette sera une sorte de traducteur haptique. »

Le programme du projet RHU Iceland s’annonce donc vaste et ambitieux. Les nombreuses équipes impliquées sur le projet espèrent que les premiers résultats, attendus à l’horizon 2027, permettront d’améliorer la prise en charge des patients présentant une valve mitrale défaillante. Affaire à suivre.

 

 

Le projet RHU ICELAND est porté par un programme d'innovation synergique composé de laboratoires de recherche multidisciplinaires internationalement reconnus dont l’objectif est de développer une nouvelle solution d'annuloplastie de la valve mitrale par voie transfémorale intégrant une Echographie Intra Cardiaque. Porté par le Professeur Marco VOLA, chirurgien cardiaque, le projet ICELAND est une extension des développements réalisés jusqu'à présent. Il donne l'opportunité aux équipes françaises universitaires, hospitalières et industrielles de monter un programme d'excellence de niveau international qui pourra rivaliser avec des majors telles que Medtronics, Abbott, Edwards... Le concept de collaboration au sein du projet repose sur la combinaison de savoir-faire et d'expertise dans le but de créer un écosystème propice à l'innovation. 

Financement ANR : projet sur 5 ans, dotation ANR 5 529 116 Euros
Partenaires : CMINOV – UCBL – INSA Lyon (LAMCOS et MATEIS) – CNRS – Centrale Lyon (LTDS) – Sorbonne Université – CHU St-Étienne


 

 

 

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[1] Laboratoire de Mécanique des Contacts et des Structures (INSA Lyon/CNRS/UdL)
[2] MATÉriaux : Ingénierie et Sciences (INSA Lyon/CNRS/Université Lyon 1)