Institutionnel

17 Sep
17/Sep/2025

Institutionnel

L'édito de rentrée de Frédéric Fotiadu, directeur de l’INSA Lyon

« La rentrée universitaire 2025 s’ouvre dans un environnement mondial plus que jamais instable et incertain. La situation géopolitique est marquée par la montée des tensions internationales, la remise en cause des équilibres et une polarisation croissante au sein des sociétés. Les mots de « permacrise » et de « polycrise », désormais couramment employés, traduisent la permanence de ces turbulences : crises climatiques et de la biodiversité, crises politiques et économiques, crise de gouvernance mondiale. Ces bouleversements, qui se superposent et se renforcent mutuellement, imposent une lucidité nouvelle quant à notre rôle collectif et institutionnel.

Les libertés académiques, socle fondamental de la recherche et de l’enseignement supérieur, sont elles-mêmes mises à l’épreuve dans de nombreuses régions du monde. Or, leur préservation constitue un enjeu majeur pour garantir la crédibilité des consensus scientifiques, comme la vitalité démocratique de nos sociétés.

L’Europe, quant à elle, se trouve confrontée à un déclin relatif. Moins dynamique démographiquement, de plus en plus concurrencée sur les plans scientifiques et technologiques, en retrait industriel et économique, elle voit son influence politique s’amoindrir. Ce repli soulève une question cruciale : celle de sa souveraineté dans les domaines stratégiques que sont l’intelligence artificielle, la puissance de calcul, les composants électroniques, ou encore la cybersécurité. Ce sont là des secteurs déterminants pour la prospérité future et la capacité d’action autonome de notre continent.

À ces enjeux de souveraineté s’ajoutent ceux liés aux ressources financières. L’État, confronté à des difficultés budgétaires structurelles, ne soutient pas l’enseignement supérieur et la recherche à hauteur des besoins. Cette réalité impose d’inventer de nouveaux modèles, de diversifier les sources de financement et de renforcer les partenariats avec les acteurs socio-économiques.

Dans ce contexte mondial extrêmement perturbé, les défis liés aux transitions socio-écologiques demeurent, eux, d’une acuité sans cesse croissante. Malgré la gravité de ces constats et la multiplication des signaux d’alerte, la communauté internationale peine à engager des trajectoires compatibles avec les limites planétaires.

Face à cette impuissance apparente, nous ne pouvons pas céder au fatalisme. L’urgence commande au contraire de maintenir notre ambition : agir avec détermination pour une transition qui préserve les équilibres de la planète et garantisse une société plus équitable. C’est une responsabilité qui engage à la fois les États, les institutions, les entreprises et les individus.

Alors que les communs sont fragilisés, les acteurs, publics comme entreprises, doivent agir de concert pour retisser du lien social, repenser une économie plus solidaire et imaginer des systèmes productifs qui se doivent d’être désormais régénératifs. La théorie du donut, développée par l’économiste britannique Kate Raworth, à laquelle nous nous référons souvent, nous offre à ce titre un cadre de réflexion puissant : inscrire nos activités et perspectives au-delà d’un plancher social, assurant à chacun l’accès aux besoins essentiels, et en deçà d’un plafond environnemental préservant les ressources planétaires et les conditions de vie sur Terre.

Dans ce contexte, l’INSA Lyon souhaite jouer pleinement son rôle, convaincu qu’il peut être déterminant. Former les ingénieurs, les technologues et les chercheurs de demain, c’est former des actrices et acteurs capables de ressourcer les pratiques existantes, de rénover les modèles industriels, de créer des entreprises et de porter des innovations qui conjuguent responsabilité, durabilité et justice sociale.

Aucun individu, aucune institution, aucun pays ne peut espérer relever seul de tels défis. Dans un monde turbulent, chaotique, la coopération devient à la fois un principe d’action et une condition de survie. La résilience systémique se construit par le couplage, par l’interaction, par la densification des échanges et des partenariats.

C’est précisément l’esprit qui anime l’INSA Lyon. À l’échelle du site Lyon–Saint-Étienne, cette dynamique prend corps à travers le Collège d’Ingénierie, alliance stratégique entre Centrale Lyon, l’ENTPE, l’INSA Lyon et Mines Saint-Étienne. Ensemble, nous développons une offre de formation nouvelle, pensée pour accompagner les transformations profondes des acteurs socio-économiques et anticiper leurs besoins.

Cette coopération trouve également une traduction concrète dans la ComUE Université de Lyon, avec la création des premiers réseaux de coordinations disciplinaires et d’instituts thématiques transdisciplinaires. Ces structures renforceront la puissance de recherche et d’innovation des acteurs académiques du site, en favorisant des approches globales, à la hauteur des enjeux contemporains.

À l’échelle nationale, le Groupe INSA poursuit sa stratégie d’ouverture sociale et territoriale, convaincu que la diversité des parcours et des origines est une richesse et une nécessité pour former des talents en phase avec la société d’aujourd’hui et de demain.

Enfin, notre engagement au sein de l’alliance universitaire ECIU et de réseaux tels que CESAER illustre la volonté d’inscrire notre action à une échelle européenne. Ce réseau, réunissant des universités scientifiques et technologiques de premier plan, est un acteur reconnu auprès des institutions européennes. Il contribue à promouvoir la place des sciences et technologies au cœur des politiques publiques, et une Europe des solidarités, ouverte sur le monde et des coopérations équilibrées avec les autres continents.

En définitive, la rentrée de l’INSA Lyon s’inscrit dans une dynamique claire : contribuer à la construction d’un monde écologiquement sûr et socialement juste, former des leaders technologiques éclairés, et participer à la reconstruction d’une Europe scientifique, industrielle et économique, guidée par des valeurs humanistes. Inclusion, tolérance, ouverture : telles sont les boussoles qui orientent notre action et notre ambition. »