Internacional

11 Jun
11/Jun/2020

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International : après la crise, l’INSA se prépare à gérer des parcours très flexibles

Argument phare de la formation à l’INSA Lyon : la mobilité internationale obligatoire. Mais comment a-t-elle pu être maintenue pendant la crise sanitaire ? Quelles décisions ont été prises depuis ? Réponse avec Damien Fabrègue, directeur des relations internationales à l’INSA Lyon.

Quel bilan tirez-vous des derniers mois écoulés ?

Même si le bilan de cette crise ne peut, encore à l’heure de ces lignes, qu’être partiel, il a à la fois un petit goût amer par certains côtés mais aussi des facettes très positives. À la direction des relations internationales (DRI) mais aussi au service scolarité, et dans les départements d’enseignement, nous avons été confrontés à une situation sans précédent et à laquelle nous n’étions pas préparés. Les situations de nos étudiants que ce soient les étudiants INSA à l’étranger ou les étudiants internationaux à l’INSA, étaient toutes spécifiques et nécessitaient une écoute et des décisions particulières qu’il a fallu prendre avec parfois des informations partielles. Mais grâce à l’investissement de tous, nous avons pu fournir des réponses à tout le monde. Le retour anticipé de nos étudiants en mobilité à l'étranger est une déception évidente pour chacun. C'est une forme d’expérience tronquée difficilement valorisable. Mais, nous sommes aujourd’hui plus armés et nous avons une meilleure idée des procédures à mettre en place en cas de crise et de retour précipité comme c’est le cas parfois à plus petite échelle - crise à Hong Kong ou au Chili plus tôt cette année par exemple. Pour les élèves qui sont rentrés, j’ai confiance dans le fait que, de par leur formation d’ingénieur reconnue à l’international, ils auront d’autres possibilités pour vivre cette expérience si enrichissante d’un séjour long à l’étranger. La décision d’encourager un maximum d’élèves à rentrer le plus vite possible a été prise avec les éléments fournis par nos ministères de tutelle et je sais qu’elle a parfois été abordée avec circonspection. Avec l’évolution de la situation, je pense sincèrement que c’était la décision la plus raisonnable pour assurer la sécurité de chacun, ce qui constitue l’objectif premier de l’INSA Lyon. La plupart d’entre eux ont ensuite pu suivre les cours à distance proposés par l’université dans laquelle ils étaient ou alors ont réintégré leur promo à distance à l’INSA. Pour ceux qui n’ont pas pu ou voulu rentrer, nous nous sommes assurés qu’ils puissent aussi avoir des cours en distanciel et continuons à garder le contact. Car après la sécurité, notre seconde priorité est évidemment la réussite de nos étudiants. L’autre enjeu de taille a concerné les étudiants de nationalité étrangère présents à l’INSA Lyon. Si certains ont pris la décision de rentrer dans leur pays d’origine, d’autres sont restés sur place, notamment dans les résidences de l’INSA. Actuellement nous avons encore plusieurs centaines d’étudiants dans ce cas. Je remercie ici plusieurs acteurs qui ont permis que ces étudiants puissent passer leur fin de semestre dans les meilleures conditions : la direction du patrimoine, la direction des résidences pour avoir assuré un service de qualité même dans une situation aussi complexe. Je tiens aussi à souligner l’investissement de la direction des restaurants qui a assuré la livraison de denrées tant que nous en avons eu le droit ainsi que le bureau des élèves qui s’est aussi beaucoup impliqué sur ce point par la suite. On pourra aussi noter la mise à disposition de moyens informatiques et de connexions internet haut débit pour, après les besoins essentiels, se concentrer sur la réussite académique de ces étudiants. Je pense que ce que je retiendrai avant tout de cette crise, est la solidarité de la « famille INSA » et l’investissement de chacun pour le bien-être de tous. Il me semble que nous avons été ici à la hauteur des valeurs fondatrices de notre école.   


Comment envisagez-vous la rentrée 2020-2021, en matière d'international ?

Quel challenge !!! Il est peut-être même plus grand que celui que nous avons vécu durant les dernières semaines…. En effet, tout d’abord, nous avons dû prendre la décision difficile de suspendre toutes les mobilités académiques entrantes et sortantes hors Europe pour le premier semestre 2020-2021. C’est une décision lourde de conséquences, en premier lieu pour les étudiants concernés, mais aussi pour les départements d’enseignement qui risquent d’avoir des promos plus chargées que d’habitude. Mais avec les récentes annonces de réouvertures des frontières, nous allons faire tout notre possible pour reporter ces mobilités sortantes au second semestre. Pour certains ce « glissement » a déjà été acté quand notre partenaire nous a répondu par l’affirmative. Pour les autres, nous allons devoir organiser une commission extraordinaire pour permettre à un maximum d’étudiants de réaliser un séjour à l’étranger. Pour certains, il faudra certainement attendre l’année suivante, pour d’autres (j’espère le moins possible), la mobilité en échange ne sera pas possible. C’est pourquoi, même si la mobilité demeure obligatoire à l’INSA Lyon, nous saurons faire preuve de souplesse pour ne pas imposer à nos étudiants un prolongement de leurs études alors qu’ils auront déjà vécu l’annulation subite de leur projet initial. 

Pour les mobilités entrantes, tous nos partenaires ont très bien compris cette décision, la plupart est sur la même ligne de conduite, et de la même manière nous nous concentrons sur le second semestre. La DRI se tient régulièrement informée de la situation de l’enseignement supérieur au niveau mondial, qui évolue de jour en jour. D’après la dernière enquête QS* conduite au mois de mai, 63,1% des étudiants internationaux espèrent toujours réaliser leur projet de mobilité en 2020 et 75% se disent prêts à le maintenir même si cela implique 3 mois de cours en ligne. Il est donc très important que nos équipes de scolarité, au sein des départements de formation et à la DRI gardent un lien régulier avec les étudiants en cours de recrutement, pour les informer des derniers aménagements pour la rentrée. Nous devons consacrer nos efforts à rendre nos parcours flexibles pour garder notre réputation d’établissement accueillant envers le public international et ce, malgré les distances qui s’imposent.

Pour les parcours de doubles diplômes, la problématique est un peu différente car il s’agit de mobilités particulièrement longues, en général de 18 ou 24 mois. Cela laisse de la place à l’adaptation tout en garantissant à l’étudiant une vraie expérience à l’international. Nous avons très vite travaillé avec nos partenaires et les responsables de ces diplômes afin de modifier les parcours pédagogiques et ainsi pouvoir malgré l’absence de mobilité au semestre 1 de 2020-2021. Aujourd’hui, la plupart des doubles diplômes ont trouvé une alternative. On voit bien que de la même manière que pour les échanges, ces changements assez fondamentaux nécessitent une grande flexibilité et agilité. Honnêtement, en voyant l’évolution de la situation, je trouve que l’INSA a une faculté d’adaptation à un changement rapide qui est impressionnante. Une autre preuve a été la mise en place, du jour au lendemain, de la plupart des cours en ligne alors que ce type d’enseignement était assez peu développé auparavant. Ici encore, l’investissement des professeurs, des personnels administratifs mais aussi des étudiants, m’a vraiment impressionné. J’avoue avoir ressenti pas mal de fierté d’appartenir à l’INSA Lyon lorsque je présentais la situation à certains de mes collègues d'autres institutions. 

L’enseignement à distance sera aussi au centre de cette rentrée de septembre. En effet, certains de nos étudiants internationaux qui sont rentrés dans leur pays ne pourront peut-être pas être de retour à temps. De même pour les filières internationales, cette rentrée nécessitera des cours à distance. De manière générale, on peut aussi craindre que les conditions de distanciation sociale, si elles sont encore en vigueur, ne soient pas compatibles avec nos amphis. Il faudra donc bien envisager un mode d’enseignement mixte. Bien sûr cela nous demande encore beaucoup d’adaptation et de travail de la part des enseignants notamment. Mais cela répondrait aux attentes des étudiants internationaux dont finalement seul 5%* ont décidé de renoncer définitivement à leur projet de séjour à l’étranger à cause du Covid-19. Pour l’international, un enseignement à distance nous ouvre beaucoup d’autres opportunités pour les années à venir. Les étudiants étrangers à l’INSA se verraient alors offrir un choix plus large de cours puisqu’ils pourraient suivre certains en rediffusion et s’affranchir des chevauchements de cours entre les différents départements. 


Dans ce contexte, comment continuer à cultiver l’internationalisation des élèves-ingénieurs ? 

Bien-sûr cette crise sanitaire mondiale peut et doit nous amener à nous poser des questions sur la vision de l’international. Mais ce n’est pas seulement cet évènement qui nous pousse à la réflexion. Les étudiants, de par leur souci de diminuer leur impact écologique, ainsi que les scenarii envisagés par la démarche prospective nous invitent continuellement à repenser notre développement à l’international. Le modèle INSA a toujours mis au centre de ses préoccupations l’international comme une source de développement de nos étudiants et de nos personnels. Découvrir l’autre, découvrir une manière de penser ou d’agir différente et ce, dans un environnement propice à l’échange, ne peut qu’être bénéfique de manière individuelle mais aussi de manière générale. Aujourd’hui, et surtout demain, je pense que cette vision de l’international s’accompagnera de plus en plus de la nécessité et de la volonté de l’associer aux valeurs du modèle INSA que nous souhaitons transmettre. De nombreuses initiatives sont déjà en cours et on voit avec intérêt que certaines ont émergés avant même les conclusions de la démarche prospective. Par exemple, pour l’un de nos derniers grands projets en Afrique, nous avons souhaité - pour la première fois dans l’histoire de cet appel à projet français - que la totalité des fonds soit gérée par l’un des partenaires africains. Ce transfert de compétence et de gestion des projets va dans la direction des échanges équilibrés entre le Nord et le Sud mais aussi dans le sens du développement des échanges Sud-Sud qui assurent une plus grande équité dans le développement de notre monde. 

Bien sûr, cette crise aura modifié certains concepts des relations internationales. Le Groupe INSA a adhéré au consortium regroupant plusieurs universités en Europe appelé ECIU l’année dernière. Ce consortium a été lauréat d’un projet d’Université Européenne lancé par la commission Européenne. Évidemment, il était prévu de développer la mobilité entre les partenaires ; mais une nouvelle approche vient d’être identifiée. Il s’agit de faire travailler des groupes d’étudiants de deux universités ou plus qui suivent des cours complémentaires dans chacune de leur institution sur un projet commun mais à distance. On peut par exemple penser à des étudiants suivant un cursus de génie civil en Allemagne travaillant sur un projet de bâtiment avec des étudiants suivant un cursus de mécanique ou de matériaux en France. Ce type de projet est aussi très plébiscité par nos partenaires américains.

En conclusion, ce que cette crise a surtout prouvé, c’est que nous avons des ressources incroyables afin de nous adapter aux changements et que nous devons continuer sur la voie de la flexibilité, tout en prenant le recul et la réflexion nécessaire pour transformer une situation complexe en opportunité. 


* QS' Coronavirus Surveys for Universities and International Students, May 2020. Échantillon d’étudiants de tous parcours, disciplines et nationalités confondus.